Malik Ambar, le Général africain qui devint roi en Inde

Il y a 4 siècles, cet Ethiopien mis en esclavage en Inde, s’éleva par la force au rang de roi. 

Malik Ambar
Reproduction à partir du portrait authentique du régent, 17e siècle
Museum of Fine Arts, Boston

Aux origines : Chapu

Chapu ou Shembu naît vers 1546 en Ethiopie actuelle, en pays Harar. Il est mis en esclavage par les Arabes et déporté vers le Yémen puis à Baghdad. Contrairement à tant de jeunes hommes noirs mis en servitude à l’époque, il échappe à la castration et est placé sous l’autorité d’un noble du nom de Kazi Hussein. Il reçoit le nom musulman d’Ambar. Hussein, impressionné par son intelligence, sa pratique de plusieurs langues, ses dons dans la réflexion et la mémorisation, lui apprend l’administration et la gestion des finances.

A la mort de Kazi Hussein, Ambar a 22 ans quand il est vendu pour l’Inde et arrive, comme tant d’Ethiopiens dits Habashi, chez Chengiz Khan. Khan est également d’origine éthiopienne et est premier ministre de l’état d’Ahmadnagar au sud de l’Inde. Sous Khan, Ambar reçoit une formation militaire. Grâce à ses qualités intellectuelles et physiques, il devient le plus haut gradé des militaires Habashi de l’Etat d’Ahmadnagar.

Ambar, le guerrier conquérant

A la mort de Chengiz Khan, Ambar fonde une armée de mercenaires qui vend ses services aux Etats de la région. A cette époque les Mughals règnent sur le nord de l’Inde et cherchent sans cesse à étendre leur domination sur le sud. Ambar à la tête de son armée, s’illustre si bien dans la défense des Etats du sud, qu’on assimile sa force à celle d’un roi. Il reçoit donc le titre de Malik, c’est-à-dire roi en Arabe.

Il devient la figure majeure de la résistance à l’expansion Mughal. Attirés par son prestige et par le gain, de jeunes hommes prennent part à l’armée de Malik Ambar, la grossissant sans cesse.

L’empereur Mughal Jahangir qui rêvait sans succès de tuer Ambar, s’est contenté de mettre son fantasme sur peinture

En 1595, Malik Ambar est intégré avec ses troupes dans l’armée nationale d’Ahmadnagar. Les Mughals déterminés à prendre le pays, attaquent et encerclent la capitale. Le général parvient à s’échapper avec ses hommes et reprend militairement Ahmadnagar. Il profite des conflits de succession dans l’Etat pour en prendre le contrôle.

Le guerrier éthiopien marie sa fille à un lointain héritier présomptif, qui ne sert que de faire-valoir, puis installe sur le trône un prince de 3 ans sans pouvoir. Par son autorité militaire et sa ruse, Malik Ambar émerge comme l’unique souverain effectif de l’Etat d’Ahmadnagar.

Malik Ambar, le bâtisseur

Le roi fonde une nouvelle capitale, Khadki, aujourd’hui Aurangabad. Amoureux d’architecture, il dote la ville de portes, de fortifications et autres bâtiments imposants et élaborés. Faisant face au manque d’eau que subit Khadki, il décide d’utiliser les réserves sous-terraines des montagnes plus au nord.

Malik Ambar entreprend donc le projet gigantesque de construire des aqueducs qui acheminent l’eau jusqu’à la capitale, et l’approvisionnent toute l’année. Malgré le scepticisme ambiant sur la réalisation d’un tel projet, il le mène à bien en 15 mois seulement et à faible coût. Le système sophistiqué d’approvisionnement en eau de Neher est l’œuvre la plus saluée du souverain africain.

La porte de Bhadkal, construite par Malik Ambar
Un pavillon sur le mausolée de Malik Ambar
La rivière Kham qui a servit à bâtir le système d’irrigation de Neher

Sur le plan militaire, le régent acquiert de l’artillerie grâce à ses contacts avec les Européens. Par ses armes modernes et ses méthodes de guérilla, il tient toujours en échec les empereurs Mughal, les frustrant sans cesse. Vers la fin de sa vie, il a une armée composé de 50 000 hommes dont 10 000 Habashi.

Malik Ambar s’éteint en 1626 à 80 ans, avec une réputation qui dépasse le sud et le centre de l’Inde. Il sera succédé par son fils. Sa mémoire reste toujours forte à Aurangabad aujourd’hui, même si l’historiographie indienne, a globalement choisi de nier cet homme et son prestige.

La tombe de Malik Ambar à Aurangabad
L’intérieur de la tombe

Hotep !   

Par : Lisapo ya Kama  © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • African Presence in Early Asia, par Ivan Van Sertima et Runoko Rashidi ; cité par beyondvictoriana.com
  • Black Past
  • Interview de Liliane De Latour, auteure de Malik Ambar: L’Histoire Vraie D’Un Esclave Africain Ne En Abyssinie Devenu Roi En Inde; RFI
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