Ils sont connus sous le nom de Berbères (c’est-à-dire les étrangers), ou Maures (c’est-à-dire les Noirs) au Moyen-Âge, mais s’appellent souvent eux-mêmes Imazighen (Amazigh au singulier), c’est-à-dire les Nobles ou Libres. Ce sont les premiers habitants du Maghreb, du Sahara et des iles Canaries. Et comme tout le reste de l’Afrique ancienne, ils adoraient le Dieu unique Imana/Amen/Amon.
Le présent article, au-delà d’évoquer l’apparence noire des premiers Imazighen ou Berbères, et leur rôle majeur dans la civilisation de la Méditerranée occidentale, montrera encore une fois, la profonde communauté de spiritualité et de culture de tout le continent africain sans exception.
Pour saisir l’entièreté de ce texte, nous invitons la lectrice et le lecteur à se documenter sur l’origine africaine des premiers habitants de toute l’Asie, sur l’origine africaine des premiers habitants de l’Europe et l’apparition ensuite des peuples blancs, sur les étapes du peuplement de l’Afrique du Nord, et enfin, sur le caractère noir de la civilisation carthaginoise. Comme pour tous nos articles, les textes colorées en bleu sont des liens, qui renvoient vers d’autres articles détaillés.
Nous rappelons que les premiers habitants du Maghreb étaient bien entendu noirs comme tous les autres Africains originaux. S’il y a eu une arrivée d’un petit nombre de Blancs à partir d’il y a 3500 ans environ, les Romains il y a 2200 ans ont toujours décrits les Maghrébins comme noirs, au point d’appeler le Maghreb Maurétanie (le Pays des Noirs). Les Européens n’auront cessé de le répéter et de l’illustrer jusqu’à la fin du Moyen-Âge, en insistant sur la couleur extrêmement foncée des Berbères, qu’ils appelaient Maures (Noirs), alors que les Berbères dirigeaient l’Espagne et le Portugal.
Au-delà de l’impact mineur de la colonisation romaine, l’invasion vandale et la colonisation arabe, c’est réellement la mise en esclavage des Européens par le monde musulman à partir du 8e siècle, et la colonisation turque de l’Afrique du Nord, qui sont les raisons du blanchiment des populations berbères proches de la Méditerranée.
Les Berbères au sud de la Libye, de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc sont toujours majoritairement noirs. Les Noirs berbères représentent encore aujourd’hui 50% de la population de la Mauritanie. Ce sont les Harratines ou “Maures noirs”.
Les origines surprenantes des premiers Berbères
Si les Berbères partagent avec les autres Africains la même pensée pré-abrahamique, leur langue était et est différente. Comme l’ont montré les travaux pionniers du Pr Théophile Obenga, toutes les langues noires d’Afrique, y compris l’Egyptien ancien, forment un groupe de langues apparentées. Les langues berbères – pourtant produits d’Africains originaux aussi – ne font pas partie de ce groupe « négro-africain », et ne sont fondamentalement rattachées ni aux langues sémitiques ni aux langues indo-européennes. Pourquoi ? On peut avancer que cela est dû aux origines tricontinentales des premiers Maghrébins.
Si le Maghreb a bien été peuplé d’humains restés en Afrique, depuis les temps premiers, Rosa Fregel et al. en 2018 dans PNAS, ont génétiquement documenté une immigration de Natoufiens – c’est à dire les premiers habitants noirs de l’extrême ouest de l’Asie (Proche-Orient) – il y a 11 000 ans.
A cet apport des Noirs d’Asie, est venu encore s’ajouter des populations (noires) d’Espagne-Portugal il y a 8 à 9000 ans. Une deuxième vague depuis l’Espagne-Portugal il y a 5000 ans est également retrouvée, soit à une époque où les populations blanches n’étaient pas encore arrivées au sud de l’Europe.
C’est donc probablement dans cette lointaine triple origine, africaine-asiatique-européenne, des premiers Berbères, qu’il faudrait chercher l’explication de la particularité de leurs langues.
Amen, le Dieu unique
Le chercheur et linguiste René Basset, directeur de l’Ecole des Lettres d’Alger, a en 1910 dans Recherches Sur La Religion des Berbères, retrouvé chez les Imazighen le Dieu de toute l’Afrique.
Amen, Aman, Achaman, Amun, Amanai était le Dieu unique et suprême des Berbères. Il est équivalent à Imana / Ama / Amani / Nyamien / Nyambe / Nzambe dans le reste de l’Afrique. Amazigh/Imazighen même derive probablement d’Amen. Comme en Egypte et en Nubie, Amen était représenté chez les Berbères sous les traits totémiques du bélier. Manger le mouton était donc interdit. Amen pour les Berbères était féminin et masculin, comme cela est généralement pensé en Afrique.
Dieu unique, Amen avait au Maghreb plusieurs formes et manifestations, qui étaient appelés Genius (Génies) sous la colonisation romaine. Le Créateur-La Créatrice en Afrique a ainsi plusieurs formes selon qu’Il-Elle déploie son énergie dans l’eau (génie de l’eau), dans l’air (génie de l’air) etc… ou selon qu’Il-Elle représente la justice, ou la bonté ou l’amour. Les génies chez les anciens Berbères sont équivalent aux Ntjerou chez les Egyptiens, aux Orisha chez les Yorubas, aux Voduns chez les Fon, ou aux Ayyanya chez les Somali etc…
Ces génies fonctionnent généralement en couple femme-homme, vu la divine vision complémentaire qu’ont les deux sexes dans la pensée africaine. Certains récits appellent encore Dieu Settut, Déesse mère qui créa le monde. Cela laisse penser que pour les Berbères le Créateur était essentiellement féminin, comme dans le Vodoun avec Mawu.
Sous l’influence carthaginoise, les cultes des génies Astarte et Tanit, équivalents carthaginois des égyptiennes Aissata (Isis) et Neith, seront introduits chez les Berbères.
Tafukt (le Soleil), principale manifestation d’Amen
Le culte du Soleil était très vif chez les Imazighen. Pour les Africains, Le Créateur-La Créatrice est la Conscience initiale, qui par son énergie a créé la vie. Or la plus forte entité énergétique et pourvoyeuse de vie, connue des humains, est le Soleil. Tafukt ou Magec est donc comme Ra en Egypte, Ra/Rana chez les Haoussa, Djob chez les Bassaa du Cameroun, Lowa chez les baKongo etc.., Dieu en miniature. Des prières sont ainsi adressées à l’astre et des rituels lui sont consacrés. Tafukt comme Rana chez les Haoussa ou Roog chez les Sérères du Sénégal, est féminin.
C’est cette place hautement sacré du féminin dans la pensée africaine qui est à l’origine de la tradition matriarcale sur le Continent Noir, tradition attestée aussi chez les anciens Berbères.
Tafukt pour les Berbères formaient un couple avec Ayyur, c’est à dire la Lune, qui est masculin. La même conception du couple Soleil-Lune se retrouve dans la Spiritualité peule.
Le culte des Ancêtres
Au Maghreb ancien, les défunts qui avaient fait le bien tout au long de leurs vies, devenaient des génies aussi. La raison en Afrique est que le mort n’est mort que par sa chair mais reste vivant par son énergie. Si le mort passe avec succès les étapes du jugement dernier, alors son énergie peut rejoindre Amen et servir d’intermédiaire entre les vivants et le Créateur-la Créatrice.
Les mêmes ancêtres divinisés sont appelés amaDlozi par les Zulu ou Razana à Madagascar. Nous avons ainsi consacré un article aux 3 étapes de la mort dans la pensée africaine. Les Berbères avaient l’habitude de se coucher près des tombes de leurs ancêtres bienfaiteurs, pour recevoir leurs messages en rêves.
L’invention de la momification
Ce sont les ancêtres des Berbères qui ont développé pour la première fois de l’histoire la momification. Cela est attesté par la momie de Uan Muhuggiag, vieille de 9500 ans, et datée par le Pr Tangiori de l’Université de Pise en 1980. La momie a été trouvée au sud de la frontière entre la Lybie et l’Algérie.
L’idée étant que pour que l’âme du défunt (Ba) soit présenté en bon état dans la salle du jugement dernier, et que son énergie (Ka) rejoigne Amen, il faut que son corps (Khat) soit conservé au mieux sur le plan terrestre. Les Berbères Guanches des iles Canaries avaient ainsi continué pendant longtemps encore, à pratiquer la momification.
Si la civilisation pharaonique, née en Nubie (Soudan) avant de se diffuser en Egypte, prend principalement ses sources et connaissances de la région des Grands Lacs Africains, il y a eu un apport additionnel des cultures du Sahara, visible notamment par la momification.
Le génie Afri : à l’origine du mot Afrique ?
Il existe plusieurs hypothèses sur l’origine du mot Afrique. Certes Ivan Van Sertima lui donnait pour origine l’égyptien Afruieka, c’est à dire le Pays des Ancêtres, mais la version la plus probable reste le peuple berbère des Ifren, Afer ou Afri. C’était un peuple en Tunisie ancienne, vivant aux environs de Carthage. Ce peuple creusait des caves dans lesquels il vivait. Le génie Afri était son génie tutélaire, et celui dont il tirait son nom.
Hérodote mentionne ces creuseurs de caves en Afrique du Nord en les nommant Ethiopiens troglodytes (Histoire, livre IV). Troglogyte veut dire ceux qui vivent dans des caves. Aethiopius (éthiopiens) signifie Visage brulé ou Visage noir de peau. C’est donc certainement le nom de ce génie Afri, qui a commencé largement à être utilisé par les Romains, pour finir par désigner tout le continent jusqu’à nos jours.
En somme, la Spiritualité berbère reprend les fondements de la Spiritualité Africaine dans son ensemble : le Dieu unique Imana, féminin-masculin et multiple de formes et de manifestations ; le Soleil principale manifestation d’Imana; le culte des Ancêtres ; la place prépondérante de la femme dans la conception religieuse et culturelle.
Les présent article montre aussi qu’il n’existe pas d’Afrique “subsaharienne”, terme inventé par le penseur raciste Hegel au 19e siècle, pour séparer les Noirs de leurs brillantes civilisations d’Afrique du Nord. Historiquement, des deux côtés du Sahara, la population, la religion et la culture sont fondamentalement les mêmes. “Afrique subsaharienne” est donc un terme que nous devons nous appliquer à bannir.
De Madagascar au Sénégal, de l’Egypte ancienne à l’Afrique du Sud, du Maghreb à la Somalie, du Cameroun aux Grands Lacs, il existe bel et bien une seule Religion Africaine.
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