Baqt, le traité qui commença la mise en esclavage des Africains par le monde arabe

En 639, dans le cadre des invasions musulmanes après la mort de Mohamed, les Arabes entrent en Afrique par l’Egypte, après avoir pris le Proche-Orient. Dans leur avancée, ils tentent de conquérir la Nubie (Soudan), alors divisée en 3 royaumes noirs chrétiens orthodoxes. Les redoutables Nubiens font usage de leurs qualités guerrières séculaires et exceptionnelles, pour repousser l’envahisseur. Le royaume nubien de Makuria fait 2000 morts dans les rangs arabes.

Vestiges de Dongola, capitale de l’ancien royaume nubien de Makuria

Mais les Arabes étaient en train de conquérir le pourtour méditerranéen et de constituer la plus puissante force géopolitique de la planète. Makuria compris certainement qu’il pourrait tôt ou tard être anéanti par la force de l’ennemi. Les Nubiens choisirent donc d’accepter en 642 un traité nommé Baqt, et de donner en esclavage 360 de leurs sujets chaque année, en échange d’un arrêt des attaques.

Ce traité est comparable à celui de la dette d’indépendance d’Haiti. Les Haïtiens, pourtant vainqueurs de leur guerre de révolution, furent contraints de verser ce qu’il faut qualifier de rançon à la France, pour ne pas être attaqués de nouveau. On peut encore trouvé des similitudes avec le pacte de non-agression entre la Russie et l’Allemagne à la veille de la deuxième guerre mondiale. L’Allemagne signa un traité de collaboration avec son ennemi russe pour ne pas être attaquée par lui.

Les Africains mis en esclavage par les Arabes

Les Nubiens essayeront par la suite et avec énergie, d’abroger ou de faire réviser le Baqt, notamment sous les rois Zacharia et Georgios. Le Baqt est le point de départ d’une traite qui dure jusqu’à nos jours et qui a mis jusqu’à présent 11 millions d’Africains en esclavage. Voici son contenu :

« Article 1 : Traité accordé par l’émir Abd Allah ben Sa’d, au roi de Nubie et à tous ses sujets auxquels les nubiens (…) depuis les frontières de l’Alwa, sont tenus de se conformer.

Article 2 : Abd Allah ben Sa’d leur accorde un acte de garantie et un armistice qui les rend alliés de tous les musulmans, tant de ceux de Sa’id que des autres contrées et des peuples tributaires.

Oh ! Peuple de Nubie, vous serez en sûreté sous la protection de Dieu et de son prophète Muhammad. Nous nous engageons à ne point vous attaquer, à ne susciter contre vous aucune guerre et à ne point faire de razzias dans votre pays, tant que vous serez fidèles à observer les conditions stipulées entre vous et nous et dont voici le détail.

Article 3 : Lorsque vous rentrerez dans notre pays, vous ne ferez qu’y passer sans faire de séjour. De notre coté, nous ne nous arrêterons pas dans votre pays. Vous serez tenus de protéger tous ceux d’entre les musulmans ou leurs alliés qui sont établis sur vos terres ou qui voyagerons à l’avenir et de veiller à leur sécurité, jusqu’à leur départ de chez vous.

Si des esclaves appartenant à des musulmans se réfugient auprès de vous, vous ne les retiendrez point. Mais vous les ferez conduire en territoire musulman. Si un musulman en guerre avec ceux de sa religion cherche asile dans votre pays, vous l’en ferez sortir et le renverrez en territoire musulman. Vous ne prendrez pas partie pour lui, vous ne lui accorderez aucun secours.

Article 4 : Vous veillerez à la conservation de la mosquée que les musulmans ont élevée dans le faubourg de votre capitale. Vous n’empêcherez personne d’y faire sa prière ; tout musulman qui s’y rendra, pour s’y livrer quelques temps à la prière, ne sera inquiété par vous en aucune manière jusqu’à son départ. Vous serez chargés du soin de faire balayer ce temple, d’y entretenir les lampes allumés, d’y faire tous les embellissements convenables.

Article 5 : Vous livrerez chaque année 360 esclaves des deux sexes qui seront choisis parmi les meilleurs de votre pays et envoyés à l’Imam des musulmans. Tous seront exempts de défauts. On ne présentera ni vieillard décrépis, ni vieilles femmes, ni enfants en dessous de l’âge de la puberté. Vous les remettrez au gouverneur d’Assouan.

Lorsqu’un ennemi vous fera la guerre, depuis les frontières d’Alwa jusqu’à Assouan, les musulmans ne seront point astreints de se déclarer contre lui et à vous défendre contre ses attaques.

Si vous donnez asile à quelque esclave fugitif, si vous tuez un musulman ou un de nos alliés, si vous détruisez une mosquée construite dans le faubourg de votre capitale ou si vous retenez une partie des 360 esclaves, alors il n’y aura plus pour vous ni traité ni sauvegarde : tous les engagements seront annulés et nous attendrons que Dieu se prononce entre nous, lui qui est le meilleur des juges.

Article 6 : Nous promettons et nous jurons d’observer fidèlement nos conventions et vous de votre coté, vous avez pris devant témoin des engagements que vous contractez avec nous, tout ce que votre religion a depuis sacré, le messie, les apôtres, les saints qui sont l’objet de votre vénération »

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes

  • La traite négrière européenne : vérité et mensonges, Jean Philippe Omotunde, page 149. (Maqrizi, Ritat, vol 3 ; B.I. Beshir, New light on Nubian Fatimid relations, Arabica, 22, 1975, page 15 à 24); 
  • Histoire Générale de l’Afrique, volume 3, Unesco, page 235 
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