Hatchepsout, le règne de la fille de Dieu

Intelligente, ambitieuse, pieuse, intrigante, la fille de Yahmessou est parvenue sur le trône d’Egypte. Nous allons vous parler de la femme la plus influente de l’histoire de l’antiquité…

Maâkarè Hatchepsout Henemt-Imana (Source image : The Destruction of Black civilization, Chancellor Williams)

Les titres d’Hatchepsout 

Irry pat noble Dame

Ouret imat Grande de grâce

Ouret hezout Grande de louanges

Mary Ntjer Aimée de Dieu

Djeret Ntjer Main de Dieu

Sat Râ Fille de Râ (le Soleil messager de Dieu)

Horot L’Horus femelle

Nabint Tawy Maîtresse des deux Terres (Haute et Basse Egypte)

Henout Tawy Souveraine des deux Terres

Henout net Taou nebou Souveraine de tous les pays

Henout Ta tem Souveraine de la Terre entière

Hatchepsout, quintessence de la femme africaine

Le premier ministre de Naré Mari
C’est cette femme petite de corps qui a fondé le pouvoir de l’Egypte unifiée
Palette de Narmer

Ancrée dans la tradition matriarcale africaine, l’Egypte depuis les origines avait toujours accordé une place déterminante à la femme. Lorsque Naré Mari (Narmer) rattacha la Basse Egypte à la Haute Egypte il y a 5300 ans, c’est une femme qui fut son Djaty (premier ministre). C’est donc cette femme qui a fondé le pouvoir pharaonique tel qu’on l’a connu pendant 3000 ans. La femme du pharaon portait le titre de Souveraine d’Egypte et était très souvent associée à la gestion de l’Etat. Il aura fallu attendre seulement le 3e ou 5e pharaon de la première dynastie pour voir une femme assumer les pleins pouvoirs, ce fut Marynit, première femme chef d’Etat de l’histoire humaine.

Siptah Neith-Iqereti (Nitocris) de la 6e dynastie et Sobekneferou de la 12e dynastie accéderont également à la fonction suprême. Mais c’est véritablement les événements liés à l’apparition de la 18e dynastie qui allaient permettre à la plus importante des reines de s’élever.

Hatchepsout, héritière des fondatrices de la 18e dynastie

Après 200 ans d’occupation par des peuples étrangers appelés Hyksos, le pharaon Yahmessou Nebpehtyré mena la guerre de libération décisive et fonda la prestigieuse 18e dynastie. Le rôle de sa grand-mère Tetisheri, de sa mère Akhotpou et de sa femme-sœur Yahmessou Neferet-Iry fut déterminant dans cette victoire. Véritables leaders et chef de guerre, ces 3 souveraines ont encore plus assis la place de la femme dans l’exercice du pouvoir.

Yahmessou Neferet-Iry
Matriarche et co-fondatrice de la 18e dynastie
Arrière grand mère d’Hatchepsout

Ainsi Akhotpou II, fille de Yahmessou Neferet-Iry, et Yahmessou fille d’Akhotpou II, étaient vues comme Reines de premiers plan par le peuple. Hatchepsout fille de Yahmessou était donc l’héritière de ces 5 grandes femmes et avait un attachement particulier pour la figure de son arrière-grand-mère Yahmessou Neferet-Iry.

L’enfance d’Hatchepsout

Fille de la reine Yahmessou et du pharaon Aakheperkaré Djehouty-Messou (Thoutmosis I), Hatchepsout fut le seul enfant de sa mère à avoir survécu. Ses frères Imana-Messou et Madji-Messou et sa sœur Neferukheb décédèrent en bas âge. Le nom de la reine signifie la première des nobles dames, maitresse des Initiées. Son deuxième nom Henemt-Imana signifie celle qui s’unit à Dieu. Elle fut initiée aux secrets de la Spiritualité Africaine par sa nourrice Sat-Râ.

Surdouée, elle avait des talents dans la poésie, la religion et l’ingénierie à l’âge de 8 ans. Très tôt elle menait les processions religieuses. Elle eut même l’idée de créer un lac artificiel pour faire face aux crues du Nil. Emerveillé par les talents de son enfant, le très pieux Aakheperkaré l’associa à la gestion du pays et voyageait avec elle pour ses missions politiques et religieuses. Vers la fin de sa vie, le pharaon régnait avec sa fille, sous la bienveillance de la reine Yahmessou.

L’accession au trône

Hatchepsout avait plus de légitimité au trône que son propre père, qui bien que fils de pharaon, n’était pas enfant d’une reine d’Egypte. Aakheperkaré la couronna donc et la maria à son fils Djehouty-Messou Neferkhaou (Thoutmosis II), issu d’une épouse secondaire. Neferkhaou était considéré plus que tout comme le mari d’Hatchepsout.

Momie de Djehouty-Messou Neferkhaou

Maladif et en surpoids, il la laissa assurer l’essentiel de la gestion de l’Etat. La deuxième corégence d’Hatchepsout, après celle avec son père, dura 12 à 15 ans. De son union avec son frère naquit une fille du nom de Neferouré, qui ambitieuse, ne vécut pas assez longtemps pour devenir reine.     

A la mort du pharaon Neferkhaou, l’héritier désigné son fils Menkheperrè Djehouty-Messou (Thoutmosis III) était en bas âge et il revint à Hatchepsout d’assurer la régence. Ayant avec elle le soutien du clergé, la légitimité de son lignage et le testament de son père qui l’avait couronnée, elle fut confirmée chef d’Etat par les prêtres.

Hatchepsout, Metropolitan Museum of Art (New York)

Hatchepsout Henemt-Imana prit le nom de Maâkaré (Maât est l’incarnation du Ka de Dieu). Mais quelques années plus tard, elle posa deux actes majeurs et controversés qui allait faire d’elle un pharaon entier.

Hatchepsout, la fille de Dieu 

Gravé pour l’éternité dans le temple de Deir el Bahari, Hatchepsout fit écrire en vertu du protocole pharaonique selon lequel le pharaon est fils de Dieu, le mythe de sa naissance miraculeuse. Dans un magnifique récit romancé, la divinité Djehouty (Thot) serait venue annoncer à sa mère Yahmessou qu’elle enfanterait un roi exceptionnel. Imana (Dieu) aurait pris l’apparence de son père Aakheperkaré pour féconder sa mère Yahmessou. Hatchepsout serait donc l’enfant direct de Dieu. Cette naissance et ses parallèles avec l’histoire de la naissance de Jésus qui en est une copie ont été détaillés ici.

L’Horus femelle

Dans la tradition africaine, si c’est la femme qui porte la légitimité du pouvoir, c’est son fils qui l’exerce. Horus fils de Dieu est l’incarnation du pouvoir. Si on laissait souvent les femmes régner, en aucun cas elles ne devaient porter le titre d’Horus qui était réservé aux hommes, pas plus qu’un homme ne pouvait être assimilé à Isis (reine-mère). Hatchepsout rompit avec la tradition et prit le titre d’Horus, au point de se représenter sur les gravures comme un homme.

On peut faire le parallèle avec la reine Nzinga d’Angola, la plus grande résistante à la traite négrière, qui se faisait aussi passer pour un homme. Horot (Horus femelle) était donc un des titres d’Hatchepsout. De ce point de vue, il s’agit d’une usurpation. Par ce truchement, par sa filiation directe avec le Créateur, par le soutien de la majorité du clergé, par la mise à distance de son beau-fils et neveu Menkheperrè, la très religieuse Hatchepsout imposa son pouvoir incontestable.

Le règne d’Hatchepsout

Les 22 années de règne d’Hatchepsout ont été une période de paix et de prospérité pour l’Egypte. Pacifiste, elle n’avait pas les ambitions impérialistes d’une partie du clergé et de son neveu Menkheperré. Elle mena tout de même des campagnes militaires victorieuses, notamment au Soudan. Mais ce sont deux actes majeurs qui ont marqué le pouvoir de l’ultime femme-pharaon.

Buste d’Hatchepsout, Musée egyptien du Caire

L’expédition vers la Terre Sainte

« Par la voie de ma mère Amenata revêtue de sa parure étoilée, mon père Imana a ordonné que je purifie son sanctuaire d’Ipet Sout en y rependant l’encens du pays de Pount qui seule animera la divine statue qui repose majestueuse dans le saint des saints du Hout Ntjer »[1]

Maâtkarè Hatchepsout justifia par ce passage son célèbre pèlerinage à l’intérieur de l’Afrique. Amenata (partie féminine de Dieu) lui aurait demander ainsi de ramener de l’encens du pays de Pount pour que s’anime la statue d’Imana qui se situait dans le Hout Ntjer (temple de Dieu) à Ipet Sout (Karnak). L’autre objectif du voyage était de faire le tour de l’Afrique et de cartographier le continent.  

Imana sous sa forme masculine (Représentation faite dans le temple d’Hatchepsout)

Après les pharaons Sahuré puis Sankhhara Mentuhotep des siècles plus tôt, la Reine décida donc d’un voyage vers Ta Ntjer (la Terre de Dieu) d’où étaient originaires les Egyptiens. On sait aujourd’hui avec une quasi-certitude que Ta Ntjer c’est les grands Lacs et l’Afrique australe, de l’Afrique du Sud jusqu’au sud du Soudan-Ethiopie, en passant par la RD Congo et la Tanzanie. L’Egyptologue béninois Jean Charles Coovi Gomez avance avec des éléments convaincants que Pount, pays situé à Ta Ntjer, est l’Ouganda.  

3000 personnes furent affectées à la conception du voyage et 30 partirent depuis l’Egypte. L’expédition était dirigée par un Soudanais. Après avoir traversé la Mer rouge et longé les côtes Est Africaines, les 5 navires arrivèrent au Cap de Bonne espérance en Afrique du Sud. Puis ils prirent une autre route (terrestre ou fluviale ?) pour parvenir en Ouganda. 

Gravure de l’expédition de la pharaon Hatchepsout à Punt
Temple de Der el bahari
Reconstitution d’un bateau de l’expédition vers Punt par l’Université de Boston
La reine et le roi de Pount.  La reine Ati et ses formes très remarquables est le véritable souverain devant son mari Parihou (Gravure du temple d’Hatchepsout). La visite scella la mise sous tutelle de Pount sous la couronne égyptienne. 
Les égyptiens arrivés à Punt, se présentant à Ati et Parihou (Temple de Deir el Bahari)

Le retour de l’expédition au pays fut un événement absolument triomphal. L’équipe ramena de l’encens, de l’or, des résines aromatiques, des chiens, des singes, des panthères, du bétail, des plantes etc… Cette expédition fut considérée par Hatchepsout comme un haut fait de sa vie. 

Djeser Djeseru, la plus grande œuvre architecturale d’Hatchepsout

S’il est bien un édifice qui est associé à la pharaon, c’est le Djeser Djeseru, c’est-à-dire le magnifique des magnifiques, temple dédié à Dieu et aux divinités Inpou (Anubis) et Hout Horo (Hathor). Il est situé dans une localité appelée aujourd’hui Der el Bahari en arabe. Djeser Djeseru stupéfie par sa beauté et son harmonie qui en font une construction unique.

3 terrasses successives reliées par des escaliers en pente douce. Un édifice en partie taillé dans la roche. Une ancienne succession de sphinx, de statues et de gravures. Une allée longue de 800 mètres entre le débarcadère sur le Nil et l’entrée du temple. Il fut construit par Sen n Mout, savant multidisciplinaire de génie et fonctionnaire favori de la Reine. Sen n Mout installa sur une des terrasses des jardins et des plantes à encens rapporté de Pount.

Adossé à la montagne austère à Deir El Bahari le temple funéraire d'Hatchepsout
Djeser Djeseru

Fin de règne et héritage  

Les dernières années d’Hatchepsout furent marquées par une montée inexorable de Menkheperrè vers le pouvoir. Il avait avec lui une faction du clergé. Les 2 régents sont représentés avec la couronne royale, Menkheperrè Djehouty-Messou se tenant quelques pas derrière sa tante.

Hatchepsout

A la mort d’Hatchepsout, le plus grand Africain de l’histoire lui offrit des obsèques dignes de son rang. Mais quelques années plus tard, il fit détruire toutes les références faisant d’elle un Horus. Les sculptures et gravures relatives furent caillassées, probablement pour corriger ce qui était perçu comme une infraction à la tradition.

Pour avoir dirigé brillamment et avoir été la femme la plus importante de la civilisation la plus déterminante de l’histoire humaine, Maâtkarè Hatchepsout Henemt-Imana est la femme la plus influente de l’histoire de l’antiquité, la femme noire qui a eu le plus de pouvoir dans l’histoire humaine.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

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