Alors que les Africains et les Arabes dirigeaient l’Espagne, cet homme phénoménal y introduisit des habitudes qui changèrent l’Europe pour toujours. Le talent de ce génie multidisciplinaire, en fait comme vous allez le voir, un des hommes les plus influents de l’histoire médiévale.
Abu al-Hassan ‘Abu Ibn Nafi’ est né en 5025 de l’ère africaine (789 après JC) en Irak actuel. On ne sait pas s’il était descendant d’Africains mis en esclavage par les Arabes ou alors des premiers habitants africains de la Mésopotamie. Beaucoup de falsificateurs essaient de soustraire cet illustre homme à l’héritage du monde noir, pourtant les sources sont claires concernant son apparence.
D’après les données de l’Université de Californie à Santa Barbara, la plus ancienne description documentée de Ziryab est celle du perse d’Espagne Isa al-Razi, fils de l’historien Ahmad al-Razi. Ahmad al-Razi, lui-même issu d’une prestigieuse famille d’historiens, naquit 30 ans après la mort de Ziryab et vécut à Cordoba, la ville du savant noir. Il fut donc en contact avec des contemporains de Ziryab. Isa al-Razi décrit Ziryab comme un esclave noir. Description reprise au 11e siècle par Ibn Hayyan et au 17e siècle par al-Maqqari. Enfin l’ouvrage de référence en histoire, l’Histoire générale de l’Afrique écrite par l’Unesco, dans son volume 3 en anglais et à la page 297, décrit Ziryab comme un Noir.
Abu al-Hassan montra très tôt un talent pour la musique, et en raison de sa peau extrêmement noire, de sa voix douce et chantante, et de ses manières hautement distinguées, il hérita du pseudonyme de Ziryab, c’est-à-dire oiseau noir. Ziryab fut à Bagdad l’élève ou l’esclave du musicien renommé Ibrahim al-Mawsili. Assez vite, il devint plus talentueux que son maître, et à la demande du calife Harun al-Rashid qui voulait entendre quelque chose de nouveau, Mawsili présenta son apprenti au souverain.
Ziryab, son luth entre les bras, chanta si bien qu’al-Rashid, bouleversé, dit qu’il devrait punir tous ceux qui l’avaient empêché jusque-là de connaître cet homme. Jaloux et sentant sa gloire lui échapper, Mawsili menaça Ziryab de tous les maux s’il ne quittait pas le pays.
L’oiseau noir parti donc pour l’exil avec sa famille, le tout financé par Mawsili. Il s’installa à Kairouan en Tunisie actuelle où il enrichit sa musique, et se fit vite connaître pour son talent. A cette époque, les Noirs berbères du Maghreb – dits Maures – et les Arabes avaient conquis l’Espagne et le Portugal depuis près d’un siècle. La péninsule ibérique était sous le règne de la dynastie arabe et noire des Umayyades, qui précéda celles des Noirs almoravides puis des Noirs almohades.
La réputation de Ziryab arriva jusqu’aux oreilles du roi Umayyade al-Hakam, qui le fit venir à Cordoba, capitale de l’Espagne maure. A son arrivée en 5058, Ziryab apprit la mort du Sultan mais le fils de ce dernier, le nouveau roi Abd-al Rahman II, grand amoureux des sciences et des arts, confirma l’invitation du musicien de Bagdad. Il l’installa avec sa famille dans une luxueuse demeure, avec un salaire confortable et lui donna carte blanche pour exprimer son génie.
La musique
Ziryab créa la première école de musique de Cordoba, et fut salué pour ses méthodes d’enseignement originales. Un bout de bois entre les dents ou une ceinture autour du ventre lui permettait de faire sortir des notes vocales difficiles chez ses élèves. Il ajouta une corde aux 4 du luth classique et révolutionna l’instrument.
Doté d’une mémoire phénoménale, il connaissait près de 1000 chansons par cœur. Il devint le musicien attitré d’Abd al-Rahman II. Il est considéré comme le père de la musique de l’Andalousie et un des pères de la musique du monde arabe.
La mode et l’hygiène
Avant l’arrivée de Ziryab, les Européens changeaient leurs garde-robes deux fois par an. L’oiseau noir leur conseilla d’ajouter deux collections, pour coller aux 4 saisons.
Ziryab propagea également l’usage de tissus plus colorés et la lessive avec du sel qui rendait les vêtements plus propres. Les femmes à cette époque avaient l’habitude de porter les cheveux longs juste divisés par une raie au milieu. Ziryab introduisit nombre de nouvelles coiffures parmi lesquels la frange, qui fut fureur.
Il inventa ou tout du moins popularisa l’usage du dentifrice, et ajouta à sa fonctionnalité la notion de goût agréable qu’on lui connait jusqu’à nos jours. Il créa une école de cosmétologie et popularisa la crème épilatoire et les soins des sourcils chez les femmes, le rasage chez les hommes.
Il créa et popularisa des parfums et des déodorants, poussa les habitants à prendre deux bains par jour. Il se rendit maître de la mode en Europe. La moindre de ses recommandations et innovations était appliquée aussitôt. Il devint une véritable célébrité.
La cuisine et l’art culinaire
Ziryab inventa de nouveaux plats dont des desserts. Certains sont jusqu’à nos jours consommés en Espagne et en Algérie. Botaniste, il introduisit et mis à la mode les asperges. Il fit remplacer la lourde vaisselle en or et en argent par des services en crystal. Mais surtout, il révolutionna la façon de servir les repas.
Avant son arrivée, le repas était servi en un bloc dans une même assiette. Ziryab est l’homme qui scinda le repas en trois phases : entrées – plat de résistance – dessert.
Les sciences exactes et la politique
Ziryab était également érudit dans les domaines de la géographie, de l’astronomie et touchait un peu à toutes les sciences exactes. Toute l’aristocratie se bousculait pour discuter avec lui. Il fit venir des médecins juifs d’Afrique du nord et des astrologues indiens pour enrichir l’Espagne maure. Ce sont ces Indiens qui popularisèrent le jeu d’échecs en Europe.
L’oiseau noir était un conseiller de premier ordre et ami du Sultan, et était invité à donner son avis sur les questions politiques. L’homme devint si grand qu’Abd al-Rahman II se déplaça un jour pour lui rendre visite, à son retour de voyage. Ziryab était l’homme avec qui il fallait être vu. Le génie noir mourût à 68 ans, laissant ses 8 fils et ses 2 filles continuer valablement son héritage.
Cet homme noir d’Irak est donc à l’origine du célèbre art de la table avec la division entrée – plat de résistance – dessert, des notions hygiénistes de l’Europe médiévale, et un des pères de la musique arabe et andalouse. Par ces réalisations majeures, Ziryab est un des savants les plus influents de tous les temps.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- The Golden Age of the Moor, édité par Ivan Van Sertima.
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