Pendant plus de 1000 ans, l’Egypte s’inclina devant la mémoire de cette femme devenue dieu, et dont la vie avait inauguré la renaissance du pays…
Les titres de Yahmessou Nafooré Tiiri
Sat Nsout Fille Royale
Ouret Imat Grande de Louanges
Ouret Hezout Grande de Grâce
Senet Nsout Sœur Royale
Hemet Nsout Ouret Grande Épouse Royale
Nabint Tawy Maîtresse des deux Terres (Haute et Basse Egypte)
Henout Tawy Temou Souveraine des deux Terres toutes entières
Kherep Shemaou Mehou Celle qui commande la Haute et la Basse Egypte
Djeret Ntjer Main de Dieu (Maât)
Hemet Ntjer Épouse de Dieu
Hemet Nsout Ouret n Imana Grande Épouse Royale d’Imana (Dieu)
Mout Nsout Mère Royale
Sa couleur divine
-1730, enracinée dans l’idéologie pacifiste africaine et n’ayant pas connu de conflits majeurs depuis longtemps, c’est une Egypte peu militarisée qui est attaquée par les Hyksos venus d’Asie. Avec une facilité déconcertante, les étrangers s’emparent du nord du pays. Leur barbarie est totale, ils brûlent les temples, mettent les Africains en esclavage. Le pouvoir autochtone noir se replie au sud, laissant la Basse et la Moyenne Egypte aux mains des envahisseurs, de toute évidence des Blancs nomades d’Asie.
Pendant 150 ans, les rois du sud vont échouer à reprendre le nord. C’est dans ce contexte que le roi Taa II monte sur le trône d’Egypte. Il légitime son pouvoir en épousant sa sœur Akhotpou, conformément à la tradition matriarcale africaine. Pour les Egyptiens, cette époque ténébreuse marquée par l’occupation du nord devait être chassée par la lune, qui allait de nouveau apporter la lumière sur le pays. C’est pourquoi les 6 enfants du couple royal furent appelés Yahmessou, c’est-à-dire La Lune l’a enfanté(e).
La fille aînée, celle qui porterait la légitimité du pouvoir après sa mère, attira dès sa naissance l’attention. L’enfant d’Akhotpou et Taa était noire comme le charbon, aussi noire que le Créateur et les divinités. Elle fut donc considérée comme un prophète et vue comme la personnification de la partie féminine de Dieu, annonciatrice du retour à l’ordre tant voulu. Elle fut par conséquent appelée Yahmessou Nafooré Tiiri (Ahmès Nefertari), c’est-à-dire la Lune l’a enfantée, la bienfaisance est venue.
Héritier du trône, Le fils aîné Nebpehtyré Yahmessou fut donc chargé avec sa sœur de restaurer une fois pour toute la souveraineté de l’Egypte. Il devait par sa force militaire reprendre le nord. Nafooré Tiiri, en tant qu’oracle et envoyée divine, devait rétablir l’ordre divin sur l’Egypte. Les deux lunes devaient se compléter afin de réunifier les deux terres.
Son règne et ses réformes
Nafooré Tiiri bénéficia d’une éducation religieuse extrêmement poussée dans la ville sainte de Ouaset (Thèbes), ville la plus importante de l’Afrique ancienne. Elle fut encadrée par l’élite des prêtres. Jeune fille déjà, elle menait des cérémonies aux dieux.
Arrivé à l’âge adulte, le pharaon Nebpehtyré Yahmessou, assisté de sa mère Akhotpou, mena avec éclat une série de guerres, anéantissant les Hyksos. Pendant que son frère était dans le chaos du champ de bataille, Nafooré Tiiri, exerçant la fonction de Deuxième Prophète de Dieu, priait dans les sanctuaires thébains pour que les esprits viennent en aide à l’Egypte.
La libération si ardemment espérée et enfin arrivée, fut donc vue comme le fait des deux lunes. Pour légitimer son pouvoir, Nebpehtyré épousa sa sœur. Ce couple fonda la 18e dynastie, la plus prestigieuse de toutes les dynasties égyptiennes, inaugurant la renaissance du pays.
Jusqu’à cette époque, le Grand Prêtre d’Imana, équivalent du pape en Egypte, était un homme. Yahmessou Nafooré Tiiri institua pour la première fois de l’histoire l’équivalent féminin de cette fonction et prit le titre d’Épouse de Dieu. Son statut de détentrice du lignage royal, sa naissance prophétique et son rôle spirituel dans la libération du pays lui en donnaient le pouvoir. Ainsi c’est un homme et une femme qui dirigeaient désormais la toute puissante institution religieuse vitaliste (animiste).
La Reine prit la tête de l’élite des prêtresses et réorganisa le clergé. Les Reines d’Egypte à sa suite allaient aussi occuper la fonction d’Epouse de Dieu. Le titre s’accompagnait d’une forte dotation en terres, en vêtements, en bijoux et métaux précieux afin d’entretenir l’institution.
Yahmessou Nafooré Tiiri prit une part active dans la reconstruction du pays et assista son époux dans l’édification de temples et de sanctuaires. Très pieuse, elle encourageait les Egyptiens à obéir aux préceptes divins, et multipliait les cérémonies religieuses. Elle était le plus souvent, simplement appelée Hemet Ntjer (l’Epouse de Dieu).
A la mort du pharaon Yahmessou, elle dirigea l’Egypte avec une grande compétence et prépara son fils Djoserkaré Imanahotep (Amenhotep I) à la succession. Son rôle de Reine-Mère lors du règne de ce dernier fut absolument considérable. Elle exerça un patronage sur les carrières de pierres nécessaires aux constructions, et fut considérée comme la sainte protectrice des ouvriers. En sa qualité de matriarche, elle joua un rôle de premier ordre dans le choix de l’héritier à son fils : Aakheperkharé Djehouty-Messou (Thoutmosis I).
Son culte millénaire
A la mort de la Reine, Thoutmosis I lui assura des obsèques importantes. C’est dans la continuité de son héritage que son arrière petite-fille Hatchepsout, fille de Thoutmosis I, pu devenir la plus grande femme pharaon de l’histoire. Mais c’est surtout un siècle plus tard, sous la 19e dynastie que la mémoire de Yahmessou Nafooré Tiiri commença à être célébrée partout.
Femme bienfaitrice, déesse protectrice et mère idéale qui avait ramené l’ordre (Maât) du fait de sa piété et sa compétence, son culte en tant qu’ancêtre – intermédiaire entre Dieu et les Humains – fut dès lors omniprésent. Le tout-puissant Ramessou Maryimana (Ramsès II) l’appelait « ma mère », tant son aura était magnifique. Elle fut honorée – souvent aux côtés de son fils Amenhotep I – dans près de ¾ des tombes, faisant d’elle l’ancêtre féminin la plus vénérée de l’histoire égyptienne, et certainement la reine la plus vénérée de l’antiquité.
Une centaine de stèles furent érigées pour elle, des bas-reliefs gravés pour elle, les offrandes les plus précieuses données à elle, des reines et princesses nommées en honneur d’elle. Son culte subsista pendant près de 1000 ans, jusqu’à la prise de l’Egypte par les Grecs.
Grand fut le destin de cette femme noire comme les dieux, qui avait ramené la Maât, révolutionné le statut de la femme, co-fondé la plus grande des dynasties et dirigé avec succès le pays des Pharaons.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- Toute l’histoire d’Ahmès Nefertari est dans son nom, Aboubacry Lam Moussa ; publié dans Ankhonline
- Antik Forever
- Osiris.net
- Ahmose Nefertari, sa vie et son culte posthume ; Michel Gitton