Il y a plus d’un siècle, alors que les hommes hésitaient, cette femme héroïque prit la tête de la resistance et mena, l’ultime et la plus emblématique des guerres asante contre l’envahisseur anglais.
Fondé près de 2 siècles avant par le roi Osei Tutu et le prêtre vitaliste (animiste) Okomfo Anyoke, l’empire asante, conformément à la tradition africaine, était d’essence matriarcale. C’est la femme la plus puissante du clan royal qui détenait la légitimité du pouvoir, c’est à elle qu’appartenait le trône et c’est elle qui nommait le roi.
Au gré de ses conquêtes, l’empire avait fini par recouvrir un territoire aussi grand que l’Ouganda actuel. Une aire de 50 km autour de la capitale Kumasi concentrait le pouvoir le plus important. C’est dans cette aire, dite Asante metropolitain, que se trouvait la localité d’Ejisu.
Fille d’Ata Po et de Kwaku Ampoma, Yaa Asantewaa nait vers 6076 de l’ère africaine (1840). Son frère Akwasi Afrane Okpese devient roi d’Ejisu. Elle prend donc les fonctions de Soeur Royale et matriarche d’Ejisu.
Depuis des décennies déjà, l’Asante est en guerre presque permanente avec les Anglais qui veulent lui prendre ses terres et son or. Malgré des victoires sous les rois Osei Bonsu, Osei Yao Koto et Kwaku Dwa I, les Anglais continuent inexorablement à s’enfoncer en territoire asante. Quand son frère meurt, la Mère Royale Yaa Asantewaa nomme Kofi Tene – fils de sa fille unique – roi d’Ejisu.
En 1896, Prempeh, empereur des Asante, refuse catégoriquement de céder aux Britanniques, qui lui demandent d’accepter le statut de colonie pour son pays. L’empereur, le roi Kofi Tene et d’autres hauts dignitaires sont capturés par les Anglais et déportés vers la Sierra Leone. Décidés à tuer l’âme des Asante, les colons demandent que leur soit remis le Sika Dwa Kofi, le saint des saints, le tabouret en or des Asante, symbole de leur identité, divinisé par Okomfo Anyoke.
Frederick Hodgson prononce ainsi ce discours tres arrogant devant les Asante « Votre roi Prempeh I est en exil et ne reviendra pas à Asante. Son pouvoir et son autorité seront repris par le représentant de la reine de Grande-Bretagne. Les termes du traité de paix de Fomena de 1874, qui vous obligeaient à payer le coût de la guerre de 1874, n’ont pas été oubliés. Vous devez payer avec intérêts la somme de 160 000 livres par an. Ensuite, il y a la question du Tabouret d’Or d’Asante. La Reine a droit au tabouret ; elle doit le recevoir.
Où est le Tabouret d’Or ? Je suis le représentant du pouvoir suprême. Pourquoi m’avez-vous relégué sur cette chaise ordinaire ? Pourquoi n’avez-vous pas saisi l’opportunité de ma venue à Kumasi pour m’apporter le Tabouret d’Or pour que je puisse m’asseoir dessus ? Cependant, vous pouvez être tout à fait sûr que bien que le gouvernement n’ait pas reçu le Tabouret d’Or de ses mains, il régnera sur vous avec la même impartialité et équité que si vous l’aviez produit.”
Les elites restantes se réunissent de nuit, au secret, dans la capitale Kumasi. Choqués par l’enlèvement de leurs rois, les hommes tergiversent. Devant ces hesitations, Yaa Asantewaa se lève et dit :
« Je vois maintenant que certains d’entre vous ont peur d’aller de l’avant pour se battre pour notre empereur. Si cela avait été dans les temps braves, les temps d’Osei Tutu, Okomfo Anyoke, Opoku Ware (successeur d’Osei Tutu), les chefs ne s’assiéraient pas pour regarder leur roi se faire capturer sans tirer une balle. Aucun homme blanc n’aurait osé parler au chef asante de la manière dont le gouverneur vous a parlé ce matin. Est-ce vrai que la bravoure d’Asante n’est plus ? Je ne peux pas le croire. C’est impossible.
Je dis ceci : si vous les hommes d’Asante ne voulez pas allez au front, alors nous le ferons. Nous les femmes le ferons. J’en appelle à mes concitoyennes. Nous nous battrons contre les hommes blancs. Nous nous battrons jusqu’à ce que la dernière d’entre nous tombe sur les champs de bataille ».
Électrisés par sa determination, les hommes asante acclament la reine et se rangent derriere son leadership. Yaa Asantewaa commence à constituer ses bataillons. Des milliers d’Asante enragés se mettent sous son commandement, fanatisés par son role divin de Mère Royale.
Les Anglais et leurs soldats haoussa du Nigeria actuel, venus chercher le Sika Dwa Kofi, sont pris dans une embuscade et se retranchent dans un fort à Kumasi. Yaa Asantewaa, agée de 60 ans, organise le blocus du fort pendant 3 mois, fait couper les routes, les lignes de télégraphes et lance des assauts sur le fort. Terrassés par la faim, des centaines d’hommes sortent pour être achevés par les Asante. Hodgson parvient à s’échapper.
Le journal britannique The Star Newspaper écrit ainsi le 7 Juillet 1900 “Le Colonial Office a reçu des nouvelles inquiétantes selon lesquelles la reine Yaa Asantewaa I (…) a pris le commandement suprême des forces insurgées. Elle a sous ses ordres le général Asmarah, le cacique d’Esili, et une armée de 20 000 guerriers, dont un bataillon d’amazones et 1 000 soldats triés sur le volet qui forment une sorte de bande sacrée.”
Les Britanniques assemblent une troupe de 1000 hommes, faite d’Anglais, d’Indiens et de Yoruba du Nigeria, qui viennent en renfort de l’armée coloniale à Accra. Les hommes et femmes asante, armés de fusils et depuis leurs positions dans des forts, les attaquent incessamment lors de leur avancée vers Kumasi, leur infligeant d’importantes pertes.
Les Britanniques entrent dans le fort de Kumasi où les restes de victimes du siège sont découverts. Il leur faudra 2 mois encore pour prendre totalement l’Asante. Au terme de la guerre anglo-ashanti la plus meurtrière, la Commandante en Chef Yaa Asantewaa et les derniers dignitaires sont capturés et déportés vers les Seychelles. 2000 soldats sont morts du côté asante et 1000 du côté britannique.
Yaa Asantewaa vivra 20 ans en captivité avant de rejoindre ses ancêtres à près de 80 ans d’age. Trois ans après sa mort, Prempeh est autorisé à retourner en Asante et fait rapatrier les restes de Yaa Asantewaa. Le Sika Dwa Kofi pour sa part, est resté entre les mains asante jusqu’à nos jours.
L’Ejisuhemaa (Mère Royale d’Ejisu), veritable symbole de la resistance à l’invasion coloniale, est célébrée partout au Ghana. La dernière guerre anglo-ashanti est ainsi appelée Guerre de Yaa Asantewaa.
Yaa Asantewaa est honorée à travers ce chant :
Yaa Asantewaa ee! Yaa Asantewaa
Obaa basia La femme simple
Ogyina apremo ano ee! Qui fait face aux canons
Waye be egyae Tu as accomplis de grandes choses
Na Wabo mmode Tu as fait bien
Hotep!
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)