Tribalisme : comment l’Afrique ancienne avait réglé le problème

26 Mai 2018. Au cours d’une scène surréaliste, des princes Douala détruisent en plein matin les travaux d’une stèle en hommage à Um Nyobe, père de l’indépendance du Cameroun, sous prétexte que ce dernier n’était pas originaire de Douala.

Cet acte sonne comme un écho aux querelles qu’il y a au Congo Brazza, où on n’arrive pas à se mettre d’accord sur un héros national à honorer, chacun étant vu sous un angle ethnique.

En Ethiopie, le peuple Oromo est en lutte frontale depuis des années avec le gouvernement, essentiellement Tigréen, tout comme il l’a été avant avec les régimes Amhara. Il se plaint de discriminations.

Au Kenya tous les 5 ans ou presque, se déroulait un semblant de guerre entre les Luo et les Kikuyu, les choix lors de l’élection présidentielle se faisant presqu’uniquement par rapport aux affinités ethniques.

Plusieurs milliers de morts sont à dénombrer dans les affrontements entre Luo et Kikuyu.
Image de violences en 2017

En Côte d’Ivoire, 25 années de crise politique avaient durablement installé des tensions entre peuples du nord et peuples du sud. La Guinée Conakry vit quant à elle, de manière permanente, au bord de la guerre centre Peuls et Malinkés ; la moindre étincelle pouvant déclencher un carnage.

Au Zimbabwe les Ndébélés se disent opprimés par la majorité Shona, confrontation qui a fait 20 000 morts parmi eux dans les années 80.

Mais le cas le plus préoccupant de tous est le Nigéria ; pays qui n’assume toujours pas son rôle naturel de leader de l’Afrique et du monde noir, géant bancal, structurellement affaibli et lacéré par de véritables haines ethniques. 2 millions d’Ibgo sont ainsi morts lors de la guerre de sécession du Biafra à la fin des années 60.

Si dans plusieurs pays il n’existe pas de démonstrations de haine, trop peu souvent vivent les ethnies dans l’entente et la fraternité sincères. On s’observe du coin de l’œil, parfois avec une méfiance cordiale. 

Comment en est-on arrivé à avoir le problème majeur du tribalisme en Afrique? Problème qui met en péril notre avenir, querelles qui ne respectent même plus des gens qui sont morts pour la cause commune.

Vous allez le voir, l’Afrique ancienne avait réglé le problème, qui n’en était même pas un en réalité. L’étude de ce passé nous montre la voie pour rétablir la paix, l’harmonie et l’entente entre les peuples africains.

Pour comprendre entièrement cet article, la lectrice et le lecteur pourront se documenter sur la Religion Africaine, sur le rôle du roi dans la pensée africaine, et sur Maât, la philosophie africaine.  

Aux origines des groupes ethniques en Afrique

De tous les travaux de Cheikh Anta Diop, un des plus importants est d’avoir démontré que les Noirs d’Afrique sont un même peuple, avec les mêmes fondements religieux, les mêmes normes culturelles, la même philosophie, le même groupe de langues, souvent les mêmes noms. Beaucoup de savants à sa suite comme Théophile Obenga, Nkoth Bisseck ou Mbog Bassong ont renforcé cette notion à travers leurs recherches.

Cheikh Anta Diop a inauguré une approche uniciste de l’Afrique, que les recherches ne cessent de confirmer. Le camerounais Nkoth Bisseck disait ainsi « Les Africains partagent fondamentalement la même représentation du monde, la même culture, le même système de valeurs, les mêmes normes de comportement. Les différences entre leurs institutions culturelles, techniques, politiques et religieuses ne constituent que les modalités d’une même réalité ».

Si nous partageons tous la même identité fondamentale, c’est parce que nous descendons tous des peuples des Grands Lacs et de la Vallée du Nil. Et c’est de l’Afrique de l’Est que nos ancêtres ont migré vers le reste du continent, par plusieurs vagues. Les différences aujourd’hui entre Africains sont réelles certes, mais clairement périphériques. Il s’agit de variantes d’une même identité.

Les ethnies ou tribus qui existent aujourd’hui en Afrique sont formées depuis des siècles, de 500 à 1000 ans de manière générale. Beaucoup ont coexisté au sein de royaumes et d’empires. Comment avons-nous donc vécu depuis 1000 ans? Les relations étaient-elles conflictuelles comme aujourd’hui?

Ekolo, les fondements de l’Etat africain

La pensée ancestrale postule qu’au commencement existait le Noun, eau primordiale pleine de différentes particules en désordre. Une de ces particules prit conscience d’elle-même, c’est Imana (Dieu). Imana extrait de lui-elle Râ, c’est-à-dire une Energie bruyante qui tourna dans le Noun dans un mouvement en spirale.

C’est cette spirale qui allait assembler les particules, pour former tous les éléments de la Création harmonieuse et ordonnée. Imana-Râ fait constamment évoluer les Êtres créés par un principe appelé Kheper.    

Suivant la philosophie africaine (Maât), c’est par rapport aux lois de la création de l’univers, que les sociétés humaines ont été bâties. Dans l’Afrique ancienne, le clergé des prêtres vitalistes (animistes) s’assure que la Maât est appliquée dans tout le pays. Les groupes ethniques/castes/clans différents dans un Etat sont assimilés aux particules en désordre du Noun. Le roi est la réplique de Dieu. Il doit donc assembler les ethnies dans l’harmonie et l’ordre, ethnies qui sont par nature différentes.

Chaque groupe ethnique conserve un contrôle politique sur son territoire, y maintient sa culture et sa langue. La langue du clan royal finit par se superposer à la langue locale. Le partage des rôles entre le pouvoir royal et le pouvoir du groupe ethnique sur le territoire est défini. Chaque ethnie est représentée au sein du conseil qui assiste le roi dans la gestion du pays. Les postes de ministres sont répartis entre ces conseillers.

A la mort du roi, c’est ce conseil formé de toutes les composantes du peuple, qui élit à l’unanimité le nouveau roi parmi les prétendants légitimes au trône, ou confirme l’héritier désigné. Le système politique africain est donc celui d’un Etat fédéral.

Le prestigieux royaume de Benin au Nigéria ancien, Illustration d’Angus McBride
Le roi régnait avec les représentants des peuples constituant le royaume. En dessous du gouvernement central, existaient des royaumes plus petits avec une autonomie politique. Quand un peuple était conquis par la force, il conservait un contrôle politique sur son territoire.

Maât étant appliquée par le roi, le souverain doit maintenir l’harmonie, la justice et l’équilibre, et ne peut donc pas faire de favoritisme. C’est toutes les ethnies par conséquent qui profitent des richesses du pays. Le roi doit par ailleurs composer avec les contre-pouvoirs que sont ses conseillers-ministres, issus des ethnies. Il ne peut pas les démettre.

Le peuple étant aussi animé par Maât, tout est fait pour que l’harmonie et la concorde entre ethnies demeurent. Le peuple discute librement autour des arbres à palabres du fonctionnement du pays. Les discussions peuvent durer des jours. Tous les arguments sont débattus et épuisés. On aboutit finalement à un consensus, qui doit satisfaire tout le monde.

Les délibérations sont remontées jusqu’au pouvoir central et le roi décide en essayant de contenter tout le monde. L’attitude est celle de l’inclusion.

Des rites et cérémonies pour renforcer l’unité – souvent dirigés par le roi qui est hautement initié au Vitalisme – sont tenus régulièrement. Des mythes reposant sur des faits historiques sont construits et diffusés pour renforcer le sentiment d’unité.

Toute cette démarche qui tend à aller toujours plus vers l’unité dans l’harmonie, l’ordre et la richesse matérielle ; à aller vers un Etat parfait, est assimilée au Kheper, c’est-à-dire à l’évolution de la création telle que définie par Dieu. C’est pourquoi l’Etat en Lingala se dit Ekolo. Ekolo vient du verbe Kokola, ce qui signifie grandir ensemble. L’Ekolo est donc l’Etat africain. C’est un Etat fédéral multiculturel multilinguistique et inclusif. C’est un Etat composé d’ethnies autonomes, qui s’unissent dans l’harmonie pour grandir ensemble.

Peu importe les différences entre les peuples dans l’Afrique ancienne, chaque ethnie était généralement respectée, autonome et justement intégrée au sein de l’Ekolo. (Image : des peuples africains, illustration de Leo et Diane Dillon). 

Cette structure politique très élaborée a disparu avec la colonisation européenne.

L’Etat dans la tradition européenne

Alors qu’en Afrique l’Etat est construit du bas vers le haut, en Europe l’Etat est construit du haut vers le bas. Le groupe ethnique qui prend le pouvoir impose sa langue et sa culture au reste du pays. Ces autres langues et cultures disparaissent progressivement.

Dans ce bassin, on part du principe que tout le monde ne peut pas être d’accord, c’est l’idéologie de la confrontation. Au pouvoir en place, répond toujours une opposition qui n’est pas d’accord. On règle donc les differences en faisant triompher la majorité. Une politique qui ne récolte que 51% des voix l’emporte. C’est la démocratie d’après la definition européenne ! 

Ainsi la France par exemple, est un Etat central uniculturel unilinguistique et exclusif. Toutes les autres langues (Occitan, Alsacien, Normand etc…) ont presque disparu devant le Français, langue originaire de la région parisienne. Les cultures locales relèvent désormais, en gros, du folklore.

L’aile progressiste et l’aile conservatrice du paysage politique s’affrontent et se critiquent depuis des décennies, pour convaincre 51% du peuple et prendre le pouvoir.

Ce sont ces approches différentes qui expliquent que les Etats européens étaient traversés de manière incessantes par les révoltes et les révolutions du peuple, alors que l’Afrique avant l’apocalypse de la traite européenne, connaissait généralement une paix et un bonheur attestés par tous les voyageurs étrangers. S’il y a eu de part et d’autre des exceptions, voilà de manière générale comment le pouvoir était organisé dans les deux bassins. 

Et c’est donc après ce modèle, celui de la « démocratie », que les Africains courent aujourd’hui à en perdre le souffle. Rendus ignorants de leur passé, ils s’évertuent à copier le modèle occidental, avec un échec retentissant.

La colonisation et le tribalisme en Afrique

Après avoir vaincu militairement l’Afrique, les colons européens se sont lancés dans la destruction des structures de la pensée noire. Beaucoup de prêtres vitalistes ont été tués. Les maisons de vie, lieux d’enseignements, ont été détruites. Les forêts sacrées ont été brûlées, les lieux saints profanés, les objets de culte volés et emmenés dans des musées.

Les autorités chrétiennes, dans la suite des autorités islamiques, ont infiniment diabolisé le Vitalisme. Le résultat est que les structures sensées promouvoir l’harmonie, l’équilibre et l’ordre divins (Maât) ont disparu. Les Africains ont adopté la confrontation.

La deuxième chose a été de cloisonner les identités tribales. Les ethnies ont donc été appelées « race » et on leur a fait croire qu’elles n’avaient pas de liens entre elles. On les a classifiées, faisant croire aux unes qu’elles étaient supérieures aux autres, et jouant de ces antagonismes pour diviser et mieux régner.

Les Africains ont été catégorisés dans le mauvais sens du terme par les Européens. C’est ainsi que les colons allemands puis belges ont divisé les baNyarwanda – un peuple unique appartenant au même royaume, avec la même langue, la même culture et religion – à travers les castes socio-professionelles qui le composaient. Ils ont cassé les liens et monté savamment le peuple travailleur Hutu contre la caste dirigeante Tutsi, qui vivaient auparavant en paix. Cela a abouti à près de 800 000 Tutsi puis 400 000 Hutu tués depuis les années 90. (Image : carte d’identité rwandaise mentionnant « l’ethnie » avant même le nom. Cette femme Tutsi fut tuée).

Les colons ayant pris la grande majorité des ressources matérielles, les ethnies sont donc entrées en opposition pour avoir le reste, installant une compétition pour l’accès aux miettes que les Européens voulaient bien laisser.

Aux indépendances, les Africains, convaincus de ne pas avoir d’histoire et de modèle propres – ou pensant comme beaucoup encore que l’étude de l’histoire est une perte de temps – ont presque partout, adopté le système de l’Etat central unilinguistique uniculturel et exclusif.

Les antagonismes ethniques étant forts, on a préféré la neutralité en choisissant la langue coloniale comme langue officielle, laissant mourir peu à peu les langues et cultures du pays, par ailleurs désormais considérées comme inférieures, voir maléfiques.

Les identités ethniques étant exacerbées, les Africains ne votent presque toujours que par affinité ethnique. Les partis politiques sont fondamentalement des partis régionaux et ethniques. L’ethnie la plus forte en nombre prend le pouvoir. C’est la démocratie! 

Dans le cas où le résultat des urnes est respecté, le président n’est donc le choix que de son ethnie et associés. Il est là pour servir la puissance néocoloniale et ses intérêts, et servir sa propre ethnie. Cette dernière se réserve la grande part des restes que laisse le colon. Cette ethnie au pouvoir jouit d’avantages, les « autres » se retrouvant de facto exclues et frustrées.

Le pouvoir se faisant du haut vers le bas, le peuple ne se sent plus écouté. Tout cela crée des tensions pouvant déboucher sur une guerre. Les autres ethnies attendant le jour où elles aussi auront le pouvoir. Elles attendent « leur tour » comme on dit en Afrique, pour jouir seules des avantages. Beaucoup complotent pour rendre cela possible. Les puissances impérialistes s’en servent pour étendre leur pouvoir sur l’Afrique.

C’est ainsi que la France a armé, au cours du pire carnage tribaliste de notre histoire, les séparatistes Igbo pendant la guerre du Biafra, afin de s’accaparer le pétrole de la région et casser le Nigéria, qu’on savait déjà comme un géant en devenir.

La guerre du Biafra, conflit entre le peuple Igbo et le gouvernement essentiellement Haoussa, est la première d’une série de guerres, qui ont donné aux Africains l’image désastreuse d’un peuple naturellement conflictuel, avec des ethnies qui passent le temps à se combattre; alors qu’en réalité ce phénomène est nouveau dans notre histoire et s’explique surtout, par le contexte colonial et néocolonial.

En résumé, il ressort clairement que le problème du Tribalisme en Afrique ce n’est donc pas l’existence des ethnies elles-mêmes. Le Tribalisme est dû aux philosophies et institutions occidentales, qui sont absolument incompatibles avec la réalité sociologique africaine. Les Africains, sans s’en rendre compte :

  • ont remplacé leur philosophie d’harmonie (Maât) par celle de la confrontation.
  • ont cloisonné leurs identités ethniques et se voient comme des étrangers, là où ils savaient faire vivre leurs liens de fraternité.
  • ont remplacé un Etat respectueux de toutes les langues et cultures, par un Etat néocolonial unilinguistique et uniculturel.
  • ont remplacé l’inclusivité et le consensus (Maât) par la seule loi de la majorité.
  • ont remplacé le sens de l’équilibre (Maât) par la compétition pour l’accès aux ressources matérielles raréfiées.

C’est le problème au Kenya où après trois présidents Kikuyu et un Kalenjin, les Luo veulent leur tour. C’est le cas au Zimbabwe où les Shona représentant 80% de la population, les Ndébélés ne seront donc – avec le système majoritaire actuel – jamais valablement représentés.

C’est le problème en Guinée où les Peuls estiment que c’est à leur tour d’avoir le pouvoir, après les Malinkés et les Soussou. C’est le problème au Botswana où les Kalanga (10%) veulent que leur langue devienne une langue officielle comme celle des baTswana (80%) etc… C’est tout cela qui crée les tensions qu’on voit partout en Afrique.

La solution n’est donc pas de faire disparaître les groupes ethniques et s’inventer une identité unique. L’Afrique est déjà unique. Toutes les ethnies, toutes ces variantes de l’identité africaine unique, sont une grande richesse. La solution c’est de retourner à notre philosophie et nos institutions, à un modèle pensé par nous et pour nous.

Il faut que les Etats africains redeviennent des Ekolo.

Concrètement

4 mesures à prendre s’imposent : 

1. Accepter que nos pays sont des États multinationaux

Ce qu’il y a en Afrique, ce ne sont pas des tribus comme l’a dit péjorativement le colon. Du fait d’avoir chacun une histoire commune, un territoire, une culture et une langue, les divers peuples sont ce qu’il faut appeler Nations. Ce sont des nations qu’il y a en Afrique – souvent fortes de millions ou dizaines de millions de personnes – et non des tribus.

Ainsi le Kenya est un pays de 42 nations. Le Malawi est un pays de 12 nations. Madagascar est un pays de 18 nations. Le Gabon est un pays de 50 nations. La Zambie est un pays de 72 nations etc… Il faut inscrire cela, nommément, dans les constitutions de nos pays. Nous devons nous organiser avec les nations telles qu’elles existent, et arrêter de les ignorer ou de combattre leur existence comme jusqu’à présent.

2. Le fédéralisme multinational

Chacun de nos pays doit donc devenir un État fédéral, une fédération de nations. Chaque nation doit se constituer en État fédéré au sein de nos pays. Chaque nation doit avoir un control sur son territoire, y faire prospérer sa culture et y avoir sa langue comme langue officielle.

Au sein de chaque nation, le pouvoir politique devra être organisée en 3 niveaux :

    • L’assemblée des partis politiques : il s’agira d’une assemblée classique faite des représentantes et des représentants des partis politiques. Leur élection sera ouverte à tout le monde. Elle donnera à ceux qui ne sont pas originaires de la nation, la possibilité aussi d’être représentés.
    • L’assemblée des clans : il s’agira des représentantes et représentants des clans de la nation. Seuls ceux originaires de la nation pourront élire les membres de cette assemblée.
    • Le gouverneur : il ou elle sera élu par l’assemblée des clans. Il gouvernera avec l’assemblée des clans et l’assemblée des partis politiques.

Cette même organisation se répétera au niveau fédéral, avec à la tête de nos pays :

    • L’assemblée des partis politiques
    • L’assemblée des nations : chaque nation enverra une femme et un homme à cette assemblée.
    • Le Chef de l’État : il sera élu par l’assemblée des nations, à l’unanimité, au terme de longues discussions et plusieurs votes s’il le faut. Chaque nation aura un droit de veto sur la nomination du Chef de l’État. En prenant ses fonctions, le Chef de l’État scellera une alliance avec toutes les nations. Il gouvernera avec l’assemblée des nations et l’assemblée des partis politiques.

Par ailleurs, une Chokwe qui est née et a grandi en territoire ovimbundu, qui parle l’Umbundu et veut appartenir à la nation ovimbundu, doit avoir la possibilité d’appartenir entièrement à cette nation et l’enrichir aussi de ce qu’elle a de sa culture d’origine. Chaque nation devra donc définir des conditions et un processus d’intégration, par lesquels ceux qui le désirent, pourront être adoptés par un clan et reconnus comme appartenant à la nation. 

Mais il faut dire à ce niveau qu’un fédéralisme multinational existe en Éthiopie et existe plus ou moins au Nigeria depuis des décennies. Pourtant ces deux pays sont justement ceux qui traversent les plus graves crises tribalistes actuellement. Qu’est ce qui manque donc ?

3. Maât, l’apaisement  

Il faut réintroduire l’harmonie, l’équilibre et le consensus ordonnés par Dieu. Ce sont ces valeurs qui assuraient la paix entre nations. Cela passe aujourd’hui par le retour de la philosophie africaine et donc des institutions de Maât. En pratique :

  • Centrer de nouveau l’éducation autour de Maât et apprendre ainsi à chaque enfant à avoir une attitude pacifiste, juste et rassembleuse, comme l’a voulu Dieu en créant le monde.
  • Au niveau de la nation : au-dessus du gouverneur et des deux assemblées, le Clergé local de Maât supervisera le fonctionnement de l’État. Il s’agira de l’ordre religieux traditionnel de la nation, c’est-à-dire l’ordre du Bwiti chez les Apindzi du Gabon, l’ordre du Mbog chez les Bassaa du Cameroun etc… Ces clergés locaux de Maât, tenus par des femmes et des hommes, auront les missions suivantes :
    • Faire une première sélection des candidats au poste de gouverneur. Il s’agira de s’assurer de l’intégrité morale des candidats retenus, avant qu’ils ne se soumettent au vote de l’assemblée des clans.
    • Mettre le nouveau gouverneur sous l’autorité de Dieu ; l’initier au plus haut niveau aux valeurs divines d’équilibre, de paix et de justice (Maât). Il ou elle devra gouverner, par ces valeurs, avec les autochtones et non-autochtones.
    • Faciliter et apaiser les débats entre représentants au sein des assemblées.
    • Détecter la présence de tensions entre clans ou entre autochtones et non-autochtones, et trouver avec les autorités politiques des solutions pour les régler.
    • Organiser régulièrement des cérémonies et rites pour garantir l’harmonie, la cohésion, la paix, l’équilibre (Maât) au sein de la nation.

La même structure se répètera au niveau fédéral avec la Haute Autorité de Maât, dont le but sera aussi :

    • De présélectionner les candidats au poste de Chef de l’État
    • D’initier le nouveau Chef de l’État à Maât
    • De faciliter et apaiser les débats
    • De détecter et régler les tensions
    • D’organiser des rites et cérémonies pour maintenir la cohésion

En regardant encore de près l’Afrique, on peut regrouper presque partout les différentes nations au sein de quelques aires culturelles. Ainsi y a 240 nations au Cameroun repartis en 4 aires culturelles (Kirdi-Peul, Grassfield, Sawa-Bassaa, Pygmee-Fang-Beti), 42 au Kenya repartis en 3 aires culturelles (Bantou, Nilotiques, Couchitiques), 250 au Nigeria en 3 aires culturelles (Haoussa-Peul et apparentés, Yoruba et apparentés, Igbo et apparentés) etc…

La Haute Autorité de Maât devra représenter toutes ces aires culturelles. Au Cameroun, elle sera donc composée de 4 prêtresses et 4 prêtres (une femme et un homme du groupe Kirdi-Peul, une femme et un homme du groupe Grassfield, une femme et un homme du groupe Sawa-Bassaa, une femme et un homme du groupe Pygmee-Fang-Beti). Ils assisteront la Mère Divine, incarnation de Maât, qui est féminin. C’est la Mère Divine qui dirigera la Haute Autorité. 3 prêtresses et 3 prêtres assisteront la Mère Divine au Nigeria, 3 prêtresses et 3 prêtres au Kenya etc… Cette Haute-Autorité jouera qui plus est le même rôle que les cours suprêmes d’aujourd’hui.

Maât  

Le fédéralisme multinational sans la Maât est la porte ouverte à plus de divisions et de tendances séparatistes. L’Ethiopie en fait la douloureuse expérience.

4. L’enracinement dans une identité commune

Le meilleur moyen de faire naitre un sentiment de communauté est la langue. Cela a plutôt bien réussi en Tanzanie avec le kiSwahili. Ainsi au-dessus de toutes les langues nationales, une langue devra être parlée par tout le pays. Cette langue jouera le rôle qu’avait la langue de la famille royale dans nos États anciens.

Au cas où – contrairement au Senegal avec le Wolof ou à la Centrafrique avec le Sangho – un choix naturel ne se dégage pas, il faudra créer cette langue à partir de toutes les langues nationales. Elle sera langue du gouvernement fédéral et deuxième langue officielle dans les nations.

La conscience historique du pays pour sa part devra particulièrement être enracinée dans les luttes d’indépendance. L’education devra mettre l’accent sur les nombreuses similarités, liens interminables et origines communes de toutes les nations. Les drapeaux pourraient aussi porter les insignes des 3 ou 4 aires culturelles de chaque pays.

La Cote d’Ivoire c’est 60 nations dans 4 grands groupes ou aires culturelles ici à l’image. L’assemblée des nations comptera donc 120 membres. La Haute Autorité de Maât comptera 8 membres qui assisteront la Mère Divine.
L’Ouganda c’est 54 nations repartis en 4 aires culturelles, y compris le groupe Kuliak qui ne compte que quelques milliers de personnes.
Ce qui équivaut donc à 108 membres à l’assemblée des nations et 8 prêtresses et prêtres qui assistent la Mère Divine
On peut répéter cet exercice pour la majorité de nos pays. Voila ce qu’on voit quand on regarde l’Afrique vraiment.
La RD Congo c’est 250 nations, repartis en 4 aires, soit 500 membres de l’assemblée des nations et 8 prêtresses et prêtres qui assistent la Mère Divine. On peut tenter aussi de regrouper les 80 nations d’Ethiopie en 3 aires (Couchitiques, Ethiosémitiques, Soudaniens).
Enfin beaucoup se demanderont si le Cameroun peut supporter une organisation avec 240 Etats fédérés, 250 pour le Nigeria et la RD Congo chacun.
Nous répondrons que la Suisse est respectivement 11 fois, 22 fois et 50 fois moins grande que ces 3 pays. Mais elle compte 26 Etats (cantons) fédérés et a 4 langues officielles, y compris le Romanche parlé par moins d’1% de la population.
Avec une bonne organisation, le fédéralisme multinational est donc partout possible.

L’Ekolo, en plus de garantir l’équilibre et la paix, permettra la preservation de chacune de nos langues, développera chacune de nos cultures, donnera l’occasion à chacune de nos nations de faire émerger son architecture etc… Ce sera une chance pour l’Afrique, dans sa diversité, de mettre en valeur toute sa richesse identitaire. 

« Nous ne sommes pas des « détribaliseurs » (…) Nous reconnaissons la valeur historique des ethnies de notre peuple. C’est la source même d’où jaillira la modernisation de la culture nationale » Um Nyobe (1913-1958), père de l’indépendance du Cameroun.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite)

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