« Vous voudriez faire passer l’Ethiopie pour votre protectorat (colonie), mais il n’en sera jamais ainsi ».
Au tournant du 20e siècle s’est illustrée cette femme au caractère redoutable, cette cheffe de guerre déterminée, qui a joué un rôle central dans la naissance de l’Ethiopie moderne.
Taytu Betul nait en 1851 à Wollo. Elle est issue de l’aristocratie qui règne sur le nord de l’Ethiopie, et dont les origines remontent à l’empereur Sousneyos et à la fondation de la prestigieuse capitale de Gondar au 17e siècle. La princesse reçoit une éducation de pointe et se marie à 4 reprises, tous ses mariages se soldant par des échecs. Elle est dans la trentaine quand elle épouse en cinquièmes noces Abeto Menelik, alors roi de la province de Shewa. Amoureux, Menelik voit aussi en sa troisième épouse, de par la lignée de celle-ci, un moyen d’asseoir son pouvoir sur le pays.
En séjour dans la région du Finfinne, elle est enchantée par le climat et aperçoit une fleur belle et inconnue. Elle appelle donc la localité Addis Abeba, c’est à dire la nouvelle fleur en Amharique, et exprime à son époux le désir de s’y installer. Menelik accepte d’y fonder ce qui reste la capitale du pays jusqu’à nos jours.
Taytu Betul devient Itege (Impératrice d’Ethiopie) lorsque Menelik est couronné Negus Negest, c’est à dire roi des rois en 1889. Très renseignée, elle fait déjouer un coup d’état en préparation contre l’empereur, et se rend en pèlerinage à Lalibela pour conjurer la famine qui s’abat sur le pays.
Conservatrice, Taytu se montre méfiante envers les Européens. C’est donc lors du conflit avec l’Italie colonisatrice que la Reine va bâtir sa légende. Les Italiens font signer aux Ethiopiens le traité de Wichale qui met, dans sa version en Italien, l’Ethiopie sous leur pouvoir colonial, ce qui est absent de la version en Amharique. Taytu enrage en découvrant la tromperie, et soutien l’attitude jusqu’au-boutiste et frontale de son mari.
Pendant des années, Menelik II va multiplier les exercices de préparation à la guerre contre les Italiens. Taytu, à la tête d’une troupe, avance vers le fort de Makalle où vivent des bataillons ennemis. Elle décide du blocus du fort. Les Italiens et leurs alliés africains à l’intérieur sont terrassés par la faim et se rendent. L’Impératrice supervise aussi le ravitaillement d’une partie des troupes et dirige les infirmières qui prennent soin des soldats.
Le 1er Mars 1896, la décisive bataille d’Adoua commence. Taytu à cheval et arme à la main, s’avance en première ligne. Elle harangue les soldats de l’empire et dirige les attaques des hommes et femmes sous ses ordres. La bataille se termine par la victoire éclatante de l’Ethiopie. Une armée africaine vient de vaincre une armée coloniale européenne. La nouvelle fait le tour du monde.
La souveraineté du pays préservée, le Negus peut donc s’atteler au développement. Le règne de Menelik II est marqué par une modernisation importante, malgré l’avis contraire de Taytu qui est réfractaire aux nouvelles technologies. L’Itege a du pouvoir, est très écoutée de son époux, et se montre autoritaire, cassante envers les hauts fonctionnaires. Intransigeante, elle dit régulièrement Imbi (absolument pas), alors que Menelik, consensuel, ne dit jamais non directement. Elle se rend ainsi très impopulaire à la cour alors que son mari est aimé.
Quand Menelik, gravement malade, se trouve dans l’incapacité de régner à partir de 1906, c’est bien Taytu qui va diriger l’Ethiopie pendant 4 années. N’ayant pas d’enfant, elle complote pour transmettre le pouvoir à Zawditu, fille de Menelik dont elle est proche. Elle marie ainsi Zawditu à son neveu, dans le but de continuer à régner. Mais Taytu a trop d’ennemis et est déposée en 1910. Bannie à Entoto, elle est cantonnée aux soins de Menelik II qui meurt en 1913.
Zawditu sera finalement couronnée Impératrice et seul maitre de l’Ethiopie en 1916, après un conflit de succession de 6 ans. Déclinant l’offre de retourner dans la capitale, Itege Taytu Betul s’éteint en 1918 à Entoto à 67 ans. Elle repose près de son mari dans le mausolée d’Addis Abeba et est reconnue comme une figure importante du maintien de la souveraineté du pays.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
– Unesco
– Jeune Afrique
– Noir et Fier