Un revenu par habitant parmi les plus hauts d’Afrique, l’index de bien-être humain le plus élevé des pays noirs, des systèmes d’éducation et de santé avancés, le pays le moins corrompu d’Afrique, une bonne gouvernance reconnue de tous, un pays attractif pour les entreprises etc… le Botswana a vécu en 6 décennies d’indépendance un miracle économique pourtant inconnu de la majorité des Africains. Un homme est à l’origine de cette réussite : Seretse Khama. C’est de lui, de ce succès, des défis qu’il reste encore au pays, dont nous allons vous parler.
Le Botswana avant l’indépendance
Couvert à ¾ par le désert du Kalahari, le Botswana a initialement été peuplé par les Khoisans. A l’époque impériale, l’Est du pays fut une partie du tout puissant et richissime empire du Mwene Mutapa. Vers 1800, des baSotho venus d’Afrique du Sud – et appelés Tswana – s’établissent sur une bonne partie du territoire. Les baTswana – divisés en 8 clans dirigés par des patriarches riches en bétail – vont faire vivre des institutions particulièrement ouvertes au peuple.
Conformément à la tradition africaine, les sociétés Tswana étaient animés par les Kgotla, c’est-à-dire des groupes de palabreurs dans chaque communauté, qui discutaient librement de l’état de la société et dont les avis étaient remontés jusqu’aux rois. Il s’agissait ici de démocraties qui avaient une réelle influence sur les régents.
Vers la fin du 19e siècle, afin de contrer les ambitions coloniales allemandes sur l’Afrique australe, les Britanniques font du territoire un protectorat avec l’approbation des rois Tswana, qui y voient un moyen de se protéger des Blancs d’Afrique du sud.
Les Anglais donnent au pays le nom de Bechuanaland, c’est-à-dire le pays des Bechuana. Bechuana étant une déformation de baTswana. Le pays n’ayant à l’époque aucune ressource naturelle importante connue, c’est une colonisation peu présente que les Britanniques vont y exercer, laissant les institutions Tswana dominer.
Seretse Goitsebeng Maphiri Khama nait en 1921. Il est le fils de Sekhgoma Khama II, roi du clan Tswana des bamaNgwato. A 4 ans, il succède à son père décédé, mais enfant, c’est son oncle qui exerce la régence. Le jeune roi est instruit dans les écoles anglaises en Afrique du Sud avant de poursuivre ses études au Royaume-Uni. Il y rencontre Ruth Williams, une anglaise, avec qui il se marrie en 1948.
Ce mariage entre un roi noir et une femme blanche a des répercussions internationales. L’Afrique du Sud qui interdit les mariages interraciaux entre en colère. Les bamaNgwato quant à eux soutiennent le roi quand il rentre au Bechuanaland. Les colons britanniques finissent par céder devant l’Afrique du Sud. Seretse Khama est expulsé vers la Grande Bretagne.
La voie vers la souveraineté
Après avoir renoncé à son statut de souverain, Seretse Khama est autorisé à retourner au Bechuanaland en 1956. Il se lance dans la politique en fondant le Botswana Democratic Party (BDP). Sa légitimité d’ancien roi et sa popularité suite aux déboires liés à son mariage le propulsent au premier plan de la politique du pays, qu’il mène à l’indépendance en 1966. Il est le premier président du Botswana, c’est-à-dire le pays des Tswana.
A l’indépendance, le Botswana est un des 3 pays les plus pauvres au monde, comptant 12 km de routes bitumés, 22 diplômés universitaires et 100 de l’enseignement secondaire. Seretse Khama va transformer le pays.
Le miracle économique
Le président fonde des institutions dans la continuité de l’héritage Tswana. Les élections libres et le parlement vont dans le sens de la démocratie participative traditionnelle. Cherchant à mettre les rois sous contrôle de l’Etat, il fonde le Ntlo ya Dikgosi, c’est-à-dire l’assemblée des chefs, qui regroupe dans un rôle consultatif 8 régents Tswana, 4 des autres peuples et 3 choisis par l’assemblée.
Le président institutionnalise également le principe de protection de la propriété privée cher aux rois possédant le bétail. Il incite les fonctionnaires britanniques à rester jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par des locaux bien formés. Les fonctionnaires botswanais, dont la performance et le dévouement sont requis, reçoivent des salaires confortables pour les éloigner de la corruption. Ils sont jugés au mérite.
En 1967, d’immenses gisements de diamants sont découverts dans le pays, tout va s’accélérer. Le président les faits exploiter par la compagnie sud-africaine De Beers et négocie toujours à la hausse la part de son pays dans les revenus du secteur, jusqu’à en avoir la moitié. La rente liée au diamant enrichi l’Etat à l’administration efficace. Vers la moitié des années 70, le budget du pays devient excédentaire et le Botswana enregistre la plus forte croissance économique au monde pendant des années.
Le gouvernement investi massivement dans les infrastructures, l’éducation, la santé. Le pays se modernise, l’alphabétisation explose. Le président baisse les impôts pour pousser les entreprises étrangères à s’installer. Il étend le principe traditionnel de propriété privée aux entreprises, lutte sans merci contre la corruption, sort du rand sud-africain et fait battre la monnaie nationale, le Pula. Les institutions financières internationales s’installent en nombre dans le pays.
La faible population botswanaise commence à prospérer de ce statut de premier producteur mondial de diamants et de pays attractif pour les entreprises. Le BDP remporte élection après élection. Le Botswana sort du statut de pays pauvre.
Sur le plan régional, Seretse Khama interdit aux mouvements armés de libération de l’Afrique australe de s’implanter dans le pays, mais leur permet le transit. Ce soutien réel mais mesuré va en faire la cible des pouvoirs blancs d’Afrique du Sud et du Zimbabwe. Seretse Khama pèse dans les négociations pour l’indépendance du Zimbabwe et dans l’organisation des Etats de l’Afrique australe.
Diabétique depuis les années 60, le président meurt au pouvoir en 1980 d’un cancer du pancréas. Ses successeurs vont maintenir Jusqu’a nos jours les institutions qu’il a créées.
Dans les grandes lignes, pourquoi ce succès ?
- Des institutions anciennes démocratiques : la possibilité qu’a toujours eu le peuple de dire ce qu’il pense de la gestion du pays a permis la prise en compte des intérêts du plus grand nombre.
- La grande légitimité de Seretse Khama : en tant que roi devenu président, le fondateur du Botswana moderne avait la légitimité traditionnelle renforcée par son statut de chef d’Etat. Cela lui a permis de façonner le pays comme il le voulait, y compris en mettant sous tutelle les autres rois.
- L’ambition de Seretse Khama : la force du Botswana réside dans ses institutions efficaces et ordonnés, créées par la volonté d’un homme, d’un patriote, qui a voulu développer son pays.
- La richesse naturelle : la rente minière a permis de financer le développement du pays. N’eut été elle, le processus aurait été plus lent. Par ailleurs, si les pierres précieuses avaient été découvertes pendant la période coloniale, certainement les Anglais auraient pris vraiment le contrôle du pays.
Les problèmes du Botswana
Si le pays se démarque clairement, tout n’est bien entendu pas idéal. Les inégalités économiques existent. Le problème le plus préoccupant est le SIDA qui touche plus d’une personne sur 6. C’est un malheureux record. Les peuples non-Tswana se plaignent quant à eux de ne pas être toujours pris culturellement en compte face à l’omniprésence de la langue seTswana. Le gouvernement cherche aujourd’hui à exproprier des Khoisan de leurs terres pour exploiter les gisements miniers.
Conclusion
Le Botswana est un succès économique, un pays qui fait exception dans une Afrique généralement pauvre. C’est aussi un pays avec des défis encore à relever. Il convient pour tous les Africains de saluer et de connaître cette réussite, de s’inspirer du leadership et de la volonté de Seretse Khama, pour essayer de faire aussi bien, voir mieux, sur tout le continent.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- An African success story: Botswana; par Daron Acemoglu, Simon Johnson, James A. Robinson (Massachussets Institut of Technology)
- – Organisation mondiale de la Santé