“On mène contre nous (les Noirs) le combat le plus violent, plus violent même que celui qui a abouti à la disparition de certaines espèces. Et il faut justement que votre sagacité intellectuelle aille jusque-là” Cheikh Anta Diop, conférence de Niamey, 1984.
Depuis plus de 3 siècles, un effort surhumain est déployé pour effacer le rôle civilisateur des Noirs sur la Terre. Pourquoi ? Que nous veulent l’Occident et le monde arabe qui sont à la maneouvre ? Comment en est-on arrivé, à jeter l’humanité entière dans le mensonge le plus obstiné ?
C’est des raisons de ce crime, qui quand nous les Africains y auront mis fin, et qui sera alors vu comme la pire conspiration et le pire génocide mémoriel de l’histoire, dont il est question dans cet article. Nous rappelons comme toujours que les textes colorés en bleu, sont des liens qui renvoient vers des articles plus détaillés.
La situation
Toutes les civilisations noires en dehors de l’Afrique dite subsaharienne, sont présentées blanchies, ou l’apparence noire de leurs bâtisseurs, pourtant prouvée par la science, est volontairement passée sous silence par l’information dominante. C’est le cas du Maroc impérial et de Carthage en Afrique du nord ; de la Phénicie-Canaan, Sumer en Mésopotamie et la civilisation de l’Indus en Asie ; de Stonehenge, des civilisations minoenne, étrusque et maure en Europe ; de la civilisation olmèque en Amérique.
Même en Afrique dite subsaharienne, jusque dans les années 80, l’apartheid interdisait d’attribuer aux Africains la civilisation de Zimbabwe. Jusqu’à nos jours, beaucoup pensent que les civilisations Swahili et Somali par exemple, pourtant indigènes, sont le fait des Arabes.
Ce constat a fait dire à Cheikh Anta Diop en 1954 dans Nations Nègres et Culture, page 13 « En effet, s’il faut en croire les ouvrages occidentaux, c’est en vain qu’on chercherait jusqu’au cœur de la forêt tropicale, une seule civilisation qui, en dernière analyse, serait l’œuvre des Nègres ».
La falsification la plus monstrueuse de toute porte bien entendu sur la civilisation égyptienne, incontestablement la plus grande civilisation de l’histoire pour ses savoirs très avancés dans tous les domaines, ses exploits techniques inégalés et pour avoir enfanté les autres civilisations.
Malgré le Colloque du Caire où l’Unesco en 1974, a reconnu après les arguments massus de Diop et Obenga, son caractère strictement noir et africain, on s’acharne à présenter l’Egypte comme blanche.
Comment est-ce que les Noirs qui ont civilisé la Terre à travers l’Egypte, en sont-ils venus à se penser, ou à être souvent regardés, comme le contraire de la civilisation, comme le visage même de la barbarie ? On verra que les motivations qui ont poussé l’élite occidentale à commettre ce crime mémoriel sont bien traçables et qu’il est possible de détailler le procédé employé.
Quand la falsification a-t-elle commencé ?
Jusqu’au haut Moyen-Âge, il était admis comme une évidence que les Egyptiens anciens étaient des Noirs. Et de nombreux auteurs européens et arabes de l’époque ont déposé dans ce sens. La falsification commence en réalité des siècles plus tard. Mais avant de la confronter directement, il convient de dégager une particularité de l’Occident :
Une culture plus violente que les autres
“L’Europe (l’Occident), c’est la région du monde la plus sanguinaire, depuis Homère (…) ensuite vous avez Rome. Jules César (…) a détruit la Gaulle (…) après, Moyen-Âge : les guerres qui ont duré cent ans, les croisades, le sang en pagaille (…) ensuite Napoléon qui a brulé toute l’Europe jusqu’à Moscou (…) première guerre mondiale (…) deuxième guerre mondiale” Théophile Obenga, interview à Ouagadougou, 2022
Du fait de l’hostilité du climat et de la rareté des ressources naturelles, les hommes en Europe ont pensé qu’il était nécessaire de s’accaparer par la force les terres de l’autre et ses ressources, voir le détruire complètement pour survivre. Cela a conduit à une culture prédatrice, guerrière, centrée sur la domination par tous les moyens.
Ceci contraste avec les civilisations du sud au soleil, qui bien qu’ayant elles aussi eu leurs lots de crimes de guerre, avaient développé un idéal humaniste à l’origine de leurs cultures plus douces.
C’est cet idéal africain, pacifiste et humaniste de Maât qui a enfanté les idéologies pacifistes retrouvées dans l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Taoïsme.
Mais cette violence originelle de l’Europe avait pour principale victime les Européens eux-mêmes et il n’y avait pas de haine contre les Noirs à ces époques. Certes Rome a commis le premier génocide de l’histoire, contre les Carthaginois, puis a très violemment supprimé le culte africain d’Isis de la Méditerranée, mais c’est parce que Carthage et l’Egypte étaient des forces adversaires et non pas parce qu’elles étaient des civilisations noires.
Le racisme anti-noir et la falsification de l’histoire n’arriveront que plus tard, dans le contexte de la mise en esclavage des Africains par l’Occident.
La traite négrière européenne
En conquérant le monde à partir du 15e siècle, les armées européennes déversent leur violence extrême sur l’Amérique et sur l’Afrique. Pendant 160 ans, l’empire portugais va anéantir au canon une quinzaine de royaumes et empires africains opposés à ses projets esclavagistes.
A la fin du 17e siècle, les résistances sont vaincues. Plusieurs autres Etats africains acceptant de vendre leurs captifs de guerre en échange d’armes à feu principalement, entrent de gré dans la traite. Le nombre d’Africains arrivant en Amérique pour être mis en esclavage explose par conséquent. Ces Africains viennent y remplacer les Européens qui subissaient déjà les privations et coups de fouet. C’est un tournant dans le monde occidental, désormais Noir = Esclave.
Mais vu la cruauté exceptionnelle que subissaient les Africains aux Amériques, l’immoralité de l’activité de l’esclavage, et la volonté de maintenir cette activité qui enrichissait l’Europe après la pauvreté du Moyen-Âge, l’Occident a décidé – suivant la méthode d’Aristote dans l’antiquité – de justifier l’esclavage, en faisant passer les Noirs pour des non-personnes, en les chassant de l’espèce humaine. Noir = Esclave devait devenir une équation éternelle.
La Suprématie Blanche
Dans son article The Invention of Whiteness : The Long History of A Dangerous Idea (l’invention de l’identité blanche : la longue histoire d’une idée dangereuse), Robert P Baird documente comment c’est à la fin du 17e siècle, afin de se distinguer des Africains qu’il fallait mettre en esclavage, que les Européens ont commencé à se définir comme des Blancs pour la première fois de l’histoire.
A partir de là, une dichotomie a été créée, celle des Blancs européens supérieurs, intelligents, civilisés, beaux, bons, contre les Noirs africains inférieurs, illogiques, sauvages, laids, mauvais etc… Il existe une expression en anglais très juste pour désigner ce qui a été fait contre nous : character assassination.
Ce n’était donc plus faire le mal, que de mettre en esclavage ces créatures mauvaises et sans valeur humaine.
Les penseurs de la Renaissance européenne et les scientifiques du 19e-20e siècles, feront tout pour enraciner l’infériorité supposée des Noirs et poser la hiérarchie professant que le Blanc est supérieur au Noir. C’est la naissance de la Suprématie Blanche. C’est ici que le mépris et la haine les plus absolus ont été pensés contre nous.
Dans ce contexte de l’esclavage et de la colonisation, il fallait effacer tout récit historique montrant les Africains en situation d’intelligence, de pouvoir ou de position dominante. Dire que les Noirs avaient eu une quelconque civilisation était risible. Dire qu’ils avaient été plus avancés que les Blancs était intolérable. Dire qu’ils étaient à l’origine de la civilisation égyptienne était un blasphème. Dire que c’est cette Egypte strictement noire et africaine qui était à l’origine de la civilisation sur les autres continents, y compris en Europe, était la pire des insultes qui soit.
Martin Bernal écrit dans Black Athena, page 202 “Les politiques jumelles d’extermination des Amérindiens et de mise en esclavage des Africains (…) posaient des problèmes de morale aux sociétés protestantes, où l’égalité de tous les hommes devant Dieu, et la liberté individuelle, étaient des valeurs centrales, qui pouvaient seulement être atténuées par un fort racisme”.
Cheikh Anta Diop ajoute dans Nations Nègres et Culture page 62 “La naissance de l’égyptologie (moderne au 19e siècle) sera donc caractérisée par la nécessité de détruire à tous prix et dans tous les esprits, le souvenir d’une Egypte nègre, de la façon la plus complète”.
Martin Bernal continue « S’il était prouvé (…) que les Noirs étaient (…) incapables de civilisation, comment expliquer l’Egypte ancienne malencontreusement située sur le continent africain? Il y avait deux ou plutôt trois solutions : la première consistait à nier que les Egyptiens fussent noirs. La deuxième à nier que les anciens Egyptiens aient donné naissance à une « véritable civilisation ». La troisième consistait à nier les deux. Deux sûretés valant mieux qu’une, c’est la dernière solution qu’ont préféré les historiens du 19e et du 20e siècle ».
C’est sur la base de cette hiérarchie “raciale” découlant de la Suprématie Blanche, que se justifieront aussi l’élimination des Africains-Argentins, la colonisation, les ségrégations, l’apartheid et même le néocolonialisme aujourd’hui, avec leur cortège immense de souffrances.
Pourquoi l’Occident continue-t-il à falsifier l’histoire africaine ?
On peut citer les raisons suivantes :
- La violence et la domination originelles sont toujours là. Elles n’ont pas disparu chez l’élite occidentale, bien que les sociétés occidentales se soient beaucoup adoucies envers leurs citoyens. Cette violence est exercée, plus subtilement, sur nous les Africains en particulier.
- La volonté de continuer avec le modèle de la Renaissance et donc l’idéologie de la Suprématie Blanche, qui a vu l’Occident devenir la puissance dominante du monde.
- La très grande difficulté, vu comment le mensonge a été poussé jusqu’à l’extrême, de faire marche arrière.
- La perspective, en étant exposé pour ses mensonges, de devoir porter sur la conscience, un crime contre l’humanité.
- Le refus, pour beaucoup d’Occidentaux qui découvrent la vérité, d’arriver à la conclusion suivante : la civilisation occidentale moderne – bien qu’ayant ses bons cotés aujourd’hui – repose sur un mensonge monumental, et est fondamentalement raciste.
- La peur, souvent terrorisante dans certains milieux, de voir les Noirs se venger si on reconnait, en plus de l’esclavage et de la colonisation, qu’on a commis et qu’on commet jusqu’à nos jours, contre eux, un génocide mémoriel.
Pourquoi le monde arabe fait-il alliance avec l’Occident ?
Le racisme anti-noir dans le monde arabe remonte au moins au 9e siècle, ici aussi pour les besoins de la mise en esclavage des Africains par le monde arabe. Mais c’est au contact de l’Occident que le monde arabe et blanc berbère, intégrera de manière solide que Noir = Esclave et peau claire est supérieure à peau noire.
Pour les Arabes, le fait de s’attribuer la paternité de la civilisation égyptienne, avec laquelle ils n’ont pourtant rien à voir, leur permet d’avoir une légitimité sur, et de posséder réellement, les territoires conquis en Afrique du nord depuis 1400 ans.
Malgré donc les conflits de civilisations, souvent violents, entre le monde arabe et l’Occident, c’est l’union sacrée de leurs élites quand il s’agit de voler aux Noirs leur histoire.
Peu importe les preuves indiscutables, beaucoup d’Européens, d’Arabes et de Berbères clairs de peau nous répondent droit dans les yeux, que ce ne sont pas des Noirs à l’image.
La question est : comment peut-on nous opposer des arguments aussi incroyablement absurdes ?
Cheikh Anta Diop répond “(Ils) compte sur votre complexe, sur votre aliénation, sur le conditionnement, les réflexes de subordination”. En d’autres termes, ils ne sont pas sur le terrain des faits où ils sont pour toujours vaincus. Ils sont habitués, grâce à la pensée coloniale qui nous a mentalement décapités – et leurs religions qui nous font les voir comme des êtres divins auxquels nous devons obéir – à nous voir complexés et baisser le pantalon devant eux.
Ils viennent donc nous combattre seulement en comptant sur l’emprise psychologique et la domination spirituelle qu’ils exercent sur nous. Nos très nombreux adversaires mentent avec tellement de force, de conviction, de dévouement, de méchanceté, de haine, de violence, de volonté d’extermination, que nous avons souvent l’impression – nous le disons calmement – d’être en face de gens possédés par le démon. Porter autant le mal en soi est absolument phenomenal.
Que retenir de cet article
- L’Europe a à l’origine une culture de la violence et de la domination
- Ces caractéristiques l’ont prédisposé à perpétrer le génocide de la falsification
- La falsification a été faite pour justifier la mise en esclavage des Africains
- Le monde arabe s’est allié pour se sentir supérieur et s’approprier l’Afrique du nord
- La falsification continue pour maintenir la hiérarchie mondiale créée pendant l’esclavage
Qu’on se le dise bien : tout effacement des Noirs des civilisations dont ils sont à l’origine, toute représentation des Egyptiens anciens en particulier – comme autre chose que des Noirs et Africains – est un acte de guerre contre nous, par des gens qui ont choisi de servir le mal et le mensonge.
Notre objectif est donc le suivant : procéder, sans aucune violence et par les moyens intellectuels les plus véridiques, à la démolition la plus totale de la pensée de la Suprématie Blanche dans les espaces africains. Nous devons être les dernières générations de Noirs à avoir été extraordinairement humiliées et détruites par le vol de notre histoire. Les prochaines générations ne doivent pas trouver cette infamie. Ça s’arrête avec nous!
Nous sommes en guerre.
Que nos Ancêtres nous guident.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite)