Nelson Mandela et les véritables conditions de la fin de l’apartheid

Nelson Mandela fait partie des personnalités noires les plus connues de l’histoire. Mais au-delà du consensus apparent et de l’aspect messianique que lui a attribué le monde occidental, qui a été l’homme et dans quelles conditions est-il parvenu a amené à sa fin, un des systèmes les plus injustes ayant existé ? Cet article se propose d’éclaircir certains points de la vie de cet homme.

Rolihlahla Mandela dit Madiba ou encore Nelson, est né en 1918 au sein d’une famille royale Xhosa. Son père Mphakanyiswa meurt alors qu’il n’a que 9 ans. Mandela est initié à la tradition. Son ancrage culturel sera le fondement sur lequel il construira sa personnalité et guidera toute son action.

Mis à l’école en pleine période coloniale hollandaise et anglaise, il entre à l’université de Fort Hare en 1939, une des seules acceptant les Noirs. Il devient avocat au terme de ses études et est confronté directement à la discrimination raciale. Il rencontre Walter Sisulu, qui est déjà membre et militant de L’ANC (African National Congress), parti fondé en 1912. Il décide lui aussi de s’engager dans l’ANC en 1943 et de lutter contre la ségrégation que subissent les Noirs.

Mandela en tenue d’inité Xhosa

En 1944, Nelson Mandela fonde la ligue de la jeunesse de l’ANC avec son ami d’université Oliver Tambo. La même année, il rencontre Evelyn Mase, parentée à Sisulu. Elle sera sa première épouse et lui donnera ses 4 premiers enfants.

En 1948 les discriminations et le racisme des colons hollandais à l’endroit des Noirs sont institutionnalisés, légalisés et réglementés dans la constitution, par le système de l’apartheid.

Il faut savoir que l’apartheid était similaire, dans ses bases, à la ségrégation raciale des Européens-Américains contre les Africains aux Etats-Unis ; au code de l’indigénat dans les colonies françaises ; aux ségrégations par les colons allemands, portugais etc… Les Hollandais n’ont fait que reproduire en Afrique, une attitude vis-à-vis des Noirs, encrée dans la pensée européenne depuis le début de la traite négrière, quand l’Europe a décidé que les Africains devaient être chassés de l’espèce humaine. C’est pourquoi ce système, fondé sur l’idéologie de la suprématie blanche commune à toute l’Europe, aura toujours eu le soutien officiel ou officieux des pays occidentaux.

Durant l’apartheid les Noirs n’avaient pas le droit de libre circulation, un droit limité à la possession de leurs propres terres, étaient exclus de beaucoup de lieux réservés aux blancs, avaient un droit limité de vote, étaient exploités, exclus des cercles de décision politique, massacrés etc…

En 1952, Nelson Mandela mène une campagne de défiance pacifique contre l’apartheid. Pour les raisons liées à la lutte, il entre en clandestinité. En 1956 il est arrêté et accusé de haute trahison. L’instruction de son procès durera trois ans. En 1957 alors en instance de divorce avec Evelyn Mase, il rencontre Nomzamo Zanyiwe Winnifred Madikizela dite Winnie. Elle devient Winnie Mandela lorsqu’il se marie avec elle en 1958. Ils auront deux filles.

Winnie et Nelson Mandela, avec une de leurs filles

En 1961 Mandela est acquitté dans le procès pour haute trahison. Las du manque de résultats de son attitude pacifiste, il s’engage dans la lutte armée contre l’apartheid. En Décembre 1961, suite au terrible massacre de Sharpeville, il fonde uMkhonto we Sizwe, c’est-à-dire le fer de lance de la Nation en isiXhosa. Mandela part à l’étranger chercher des soutiens pour sa lutte armée. 

En 1960, les habitants noirs du bidonville de Sharpeville protestent contre l’obligation faite aux Noirs d’avoir sur eux des passeports pour pouvoir circuler dans le pays. La police tire, 69 morts. Cet événement est un des principaux motifs ayant poussé l’ANC vers la lutte armée

Nelson Mandela incite les travailleurs à la grève et la protestation. uMkhonto we Sizwe qu’il dirige mène des attaques à main armée et des actions de sabotages contre le système des Blancs, leurs installations (chemins de fer, etc)…et contre des personnages blancs champions de la promotion de l’apartheid. Une de ses consignes à ses troupes sera de ne pas faire de blessés en posant des bombes artisanales. En 1962, il est arrêté et condamné à cinq ans de prison pour incitation à la grève et pour être sorti clandestinement du territoire de l’Afrique du Sud. Le monde occidental le considère comme un terroriste.

Image de Mandela en clandestinité en Algérie. Sur cette photo, en compagnie de membres de l’Exercice de Libération Nationale Algérien, il est en formation militaire  pour les besoins de sa lutte armée contre l’apartheid. Voilà le Mandela, radical et violent dont les médias dominants aujourd’hui ne parlent presque jamais
Le front d’Afrique australe avec les présidents Kenneth Kaunda de la Zambie, Samora Machel du Mozambique et le patriarche Julius Nyerere de la Tanzanie. C’est ce front, qui comptait aussi Mugabe du Zimbabwe, Neto de l’Angola et Khama du Botswana, qui a été en première ligne pour faire tomber l’apartheid. Les pays de la ligne de front, déterminés, ont entraîné et armé les résistants. Les représailles des Occidentaux furent considérables. Ce soutien à l’ANC est probablement à l’origine de la mort de Samora Machel
Nelson Mandela (après sa libération) et Fidel Castro. Les cubains ou les dirigeants du monde arabe comme de Khadafi de la Libye, ont aidé Nelson Mandela et l’ANC en leur  apprenant des techniques de guerre, leur fournissant des  armes et même des hommes pour la lutte  armée contre l’apartheid.
Nelson Mandela et son ami et soutien Muammar Kadhafi

En 1963 Mandela est inculpé pour sabotage et haute trahison à la nation coloniale sud-africaine, par tentative de coup d’Etat. Etant avocat, il assure sa propre défense. Durant ce procès il est jugé en compagnie d’autres militants. Il déclare qu’il est prêt à mourir pour la cause qu’il défend. Le 12 juin 1964, soit à 46 ans, il est condamné à la prison à vie, et envoyé au bagne sur l’île de Robben Island, au large du Cap. Cette prison était faite pour briser les plus entêtés et les plus radicaux.

Aussi, une fois en prison, il était astreint aux travaux forcés, à raison de 10 heures par jour, et coupé du monde. Il n’avait droit qu’à 2 visites par an, et a subit des années durant d’autres privations, tortures et humiliations. Il a échappé à plusieurs tentatives d’empoisonnement, etc… On lui a fait subir, pendant ces années, toutes sortes de mauvais traitements, pour le détruire physiquement et psychologiquement.  Tout ceci était fait pour qu’il abandonne son combat qui se résume globalement pour nous à cette citation de Malcolm X :

« Nous déclarons notre droit sur cette terre à être des hommes, à être des êtres humains, à être respectés en tant qu’êtres humains, à avoir les droits réservés à l’être humain, dans cette société, sur cette terre, et cela dès aujourd’hui, et nous comptons le mettre en œuvre, par tous les moyens nécessaires !!! »

Qu’est-ce que tout cela signifie ? Cela signifie que Mandela s’est battu de toutes ses forces pour la cause noire lorsqu’il s’est engagé pour elle.

Pendant toutes ces années de prison, la résistance des Noirs continuait dehors. Winnie Mandela a continué la lutte. Winnie fut une femme forte. Elle a souffert de l’absence de son mari, a été elle aussi détenue, torturée, menacée de mort, etc… Elle a affronté main nue la brutalité des Blancs, opiniâtre et déterminée, faisant corps avec les souffrances du peuple sur le terrain, pendant que les autres leaders étaient en prison et en exil.

C’est ce sacrifice terrible qui lui vaut jusqu’à nos jours d’être appelée en Afrique du Sud la mère de la Nation. Ce sont ces luttes incessantes des Noirs et de leurs alliés, qui ont forcé les Blancs à envisager la fin de l’apartheid.  

La combattante Nomzamo Zanyiwe Winnifred Madikizela, dite Winnie Mandela, en tenue militaire. Durant les 27 années de prison de son mari, c’est elle qui était devenue son autre visage, le symbole de la lutte sur le terrain
Winnie Mandela en tenue militaire, portant le cercueil de Peter Mugubane, victime de l’apartheid

Mandela a passé 27 ans de prison, qui sont 27 années de souffrance pour son combat. 27 ans, ce n’est pas rien dans la vie d’une personne. C’est pourquoi si aujourd’hui on mettait ceux qui critiquent Mandela pour ses erreurs en prison, aucun d’eux ne serait capable de tenir 27 années de tortures et de mauvais traitements ! Son éducation encrée dans la tradition initiatique Xhosa, qui comme dans toute l’Afrique incite le leader à se sacrifier pour la cause, lui a permis de tenir. 

Pourquoi les occidentaux « adorent »-ils Nelson Mandela ?

C’est une question très importante qui permet de comprendre beaucoup de choses :

Il convient de rappeler que Nelson Mandela a été considéré comme un terroriste, un démon, etc…  par l’Occident en raison de ses luttes.

Si aujourd’hui les occidentaux rendent hommage à Mandela c’est pour plusieurs raisons qui sont en lien avec sa sortie de prison. Mandela luttait pour la fin de l’apartheid et  pour que les Noirs aient des droits. A sa sortie les Blancs ont financé le parti Inkhata du leader zulu Mangosuthu Butelezi, opposant à Mandela, et incité les violents affrontements entre les partisans des 2 camps. Ceci visait à créer un front noir désuni pour s’imposer pendant les négociations.

Sans compter les séquelles de la prison, c’est donc un Mandela affaibli politiquement qui a négocié les conditions de sa sortie et la fin de la ségrégation. En échange de la fin de l’apartheid, Mandela a fait plusieurs compromis. On peut citer ceux-ci :

  • L’Afrique du sud possédait la bombe atomique durant l’apartheid. L’arrivée au pouvoir des Africains fit craindre que l’ANC n’utilise l’arme ultime pour prétendre à la dissuasion nucléaire, et sauvegarder ainsi les intérêts des Noirs et de l’Afrique. A cet effet, le système de l’apartheid a forcé Mandela à renoncer aux bombes atomiques, qui furent démantelées.
  • Durant la période de l’apartheid, le système soutenait des criminels et supportaient les  programmes de recherche visant à exterminer les populations noires, et tuer les leaders noirs qui résistaient. Mandela a accepté de leur accorder l’amnistie. Ils n’ont jamais été punis.
  • Durant l’apartheid, l’économie et le business dans le pays, extraordinairement riche en ressources naturelles, étaient aux mains des Blancs hollandais et anglais, soutenus par tout le monde occidental. Mandela a été forcé de garantir les privilèges économiques des Blancs, de convenir à un lent et lourd processus de redistribution des terres aux Africains, ce qui assurait que la situation ne change pas fondamentalement. C’est pourquoi, même s’il y a une classe moyenne noire aujourd’hui, les Noirs sont toujours pauvres et marginalisés économiquement. Alors que les Blancs ont un niveau de vie élevé.
  • Les Européens installés en Afrique du sud, étaient considérés comme des colons par beaucoup de membres de l’ANC. Et ce faisant, ils devaient donc rentrer chez eux comme tous les autres colons en Afrique l’avaient fait avant, y compris les Portugais arrivés les premiers. Mandela, il est vrai dans la continuité de ce qu’il avait toujours pensé, est allé dans le sens du système en se présentant officiellement comme un homme de paix, d’amour et de réconciliation, et en présentant l’Afrique du sud, pourtant un pays africain, comme une nation à part, multiculturelle dite « arc en ciel » (blancs, noirs, etc…). Les Blancs ont bien joué le jeu de l’unité. Les Noirs ont ainsi pensé que les Blancs avaient enfin changé et deviendraient gentils. C’est pourquoi ils ne se sont pas vengés et les ont laissés avec leurs privilèges au départ. Tout le monde a déchanté depuis, le mépris et la suprématie blanche continuent.

En échange de sa libération et la fin de l’apartheid, Mandela usé et fatigué après des décennies de prison, a dû céder à toutes ces pressions occidentales. Ne l’aurait-il pas fait, l’apartheid aurait possiblement continué, il serait mort en prison. Le Mandela d’après sa sortie de prison était fatigué et gardait ces secrets au fond de lui, préférant sourire tout le temps.

Nelson Mandela et Frederik De Klerk, dernier président du régime de l’apartheid, et qui a conduit des meurtres et massacres contre les Africains. Ils sont main dans la main, signe du pacte conclu entre Mandela et les Occidentaux. C’est au prix de tous ces compromis que Mandela est devenu un « dieu vivant » chez les Occidentaux

C’est tous ces compromis de Mandela avec les Occidentaux et non les histoires de trahisons conjugales brandies à bout de bras par les médias, qui ont été à la base de sa séparation avec Winnie Mandela. Winnie a souvent incarné une branche dure et radicale, et les Occidentaux avaient peur qu’en restant avec elle, Nelson Mandela ne soit influencé par ses conseils et finisse une fois au pouvoir, par renoncer à certains des compromis qu’ils avaient passés avec lui. 

La suite on la connait tous. Mandela, le terroriste des années 60, est devenu une sorte de héros messianique, alors que Winnie a été horriblement salie et continue à l’être par les médias occidentaux, qui ne ratent jamais une occasion de l’insulter. C’était d’abord un divorce politique.

Nelson Mandela à sa sortie de prison en compagnie de Winnie, avec laquelle il a tenu a parader devant les caméras du monde entier à sa sortie de prison, pour afficher leur union et la remercier de l’avoir soutenu durant toutes ces années difficiles.

Le fait de garantir toutes ces conditions à ses ennemis d’hier, c’est cela qui a fait que l’occident a donné à Mandela cette image d’homme parfait, de sauveur, d’apôtre de la paix. L’Occident a érigé en blasphème le fait de critiquer Mandela. Ne pas le critiquer, c’est ne pas critiquer les conditions de la fin de l’apartheid, et s’assurer ainsi que les privilèges des Blancs continuent et que rien ne changera fondamentalement pour les Noirs. L’image de Mandela est brandie pour anesthésier la volonté de progrès des Noirs. 

Statue de Mandela à Londres. Un des symboles qui représente bien « le culte » hypocrite voué à Mandela par les Occidentaux

Après sa libération, Nelson Mandela n’a pas tenté de s’accrocher au pouvoir comme le font beaucoup de présidents africains, lorsqu’il est devenu le premier président noir de son pays. Ceci est à saluer. On n’a jamais entendu dire que Mandela avait des comptes en Suisse, etc… ou qu’il aurait détourné de l’argent, jamais on a entendu chose pareille. Ceci est aussi à saluer.

Le Mandela des médias, avec un sourire de façade désormais célèbre. Il n’est plus le guerrier bouillant et le combattant d’autrefois, mais un homme fatigué et souriant tout le temps, masquant ainsi ses difficultés, ses problèmes, ses tristesses ou ses regrets.

Et malgré ses erreurs, un seul homme ne peut pas régler tous les problèmes. Il a fait ce qu’il a pu, il a obtenu des avancées pour les Noirs, et malgré ses apparents sourires, il a été fondamentalement brisé et détruit par plusieurs années de tortures, de terribles souffrances en prison, le sacrifice de plusieurs années de sa vie, par 27 années loin de sa femme et de ses enfants, etc…

Par son sacrifice, celui de beaucoup d’autres compagnons de lutte, des pays d’Afrique australe en particulier, grâce à la mobilisation internationale, son pays a pu obtenir la fin de l’apartheid, et des droits nouveaux pour les Noirs. Puisqu’un seul homme ne peut pas tout faire – ici Mandela – c’est donc aux Africains de continuer la lutte pour obtenir le reste de ce qu’ils veulent !

La dernière image publique de Nelson Mandela, avant sa mort.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

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