Il y a 600 ans, Nyatsimba Mutota puis son fils Nyanhehwe Matope, complétaient le projet très ambitieux de fondation du Mutapa, empire le plus glorieux de l’histoire de l’Afrique australe.
Défiant l’adversité des ressources naturelles précaires, les divisions locales et une situation géopolitique difficile, les deux Rois allaient faire aboutir leur vision, en étouffant notamment, l’influence des Arabes dans la région. Le Monomotapa allait atteindre une prééminence telle, qu’il fut décrit en son temps comme fort riche, abondant en or et en éléphants.

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Lisapo ya Kama
Nos présents écrits font suite à notre premier article général sur La Civilisation de Zimbabwe.
Le chute de Grand Zimbabwe
57e siècle de l’ère africaine (15e siècle de l’ère occidentale). Après 300 ans, la Cité-Etat de Grand Zimbabwe commence son déclin. Le sacro-saint et vénéré lieu vitaliste (animiste), a vu sa population croitre au cours du temps. Cette augmentation pousse à des récoltes fréquentes. Les terres s’appauvrissement par conséquent. La situation n’est plus tenable. Il faut partir.
Où aller ? Le prince Nyatsimba Mutota du clan des Rovzi veut répondre en nourrissant un but grandiose, celui d’un Etat plus puissant. Devant son dessein, se dressent les chefferies et Etats voisins désireux de rester indépendants, mais aussi les Arabes, présents sur les Côtes Est africaines depuis des siècles, et qui gagnent inexorablement en pouvoir.
Le commerce à l’époque et l’implantation des Arabes
Au temps de la fin de Grand Zimbabwe, le commerce sur l’océan Indien est florissant. De la Somalie au Mozambique, en passant par le Kenya et la Tanzanie, un ensemble de royaumes portuaires africains et richissimes s’est constitué. Le peuple Karanga de Grand Zimbabwe extrait son or, son cuivre et son étain, pour l’écouler par le port de Sofala au Mozambique, port créé par les Somali. Les villes swahilies de Kilwa, Songo-Mnara ou Mombasa, ont également atteint une remarquable opulence.

Les Arabes, alors maitres politiques du monde, font voyager par mer ces richesses de l’Afrique vers toute l’Asie. Au fil du temps, ils se sont installés sur la Côte et enfoncés dans les terres en Afrique australe. Ils contrôlent des postes commerciaux le long du fleuve Zambèze. Ils ont leurs entrées au sein des familles régnantes de la région.
Est-ce un rejet de l’islam par les très vitalistes princes de Grand Zimbabwe, ou la volonté de contrôler le commerce, qui les a décidés à écarter particulièrement et à combattre les Arabes ? Probablement les deux.
Nyatsimba Mutota : la conquête
Bien que déclinant, Grand Zimbabwe est toujours religieusement et économiquement très respecté. Le prince Mutota profite de cette aura, pour conclure des accords avec des rois voisins. Ces derniers acceptent, tout en gardant leur autonomie, de reconnaitre le pouvoir de Mutota comme suprême. Le désormais roi offre à chaque Etat coalisé – comme le veut la tradition africaine – un siège au conseil de gouvernement, de la grande nation fédérale en devenir.
Aux chefferies et royaumes refusant de s’allier, Nyatsimba Mutota déclare la guerre. Il leur refusera, une fois conquis, une place au conseil. L’assemblée des sages de Grand Zimbabwe donne son autorisation au roi conquérant, pour utiliser la force, afin de fonder l’empire qu’il imagine.
Le souverain constitue des bataillons armés bien entraînés et remarquablement organisés. Fort de ses soldats montés sur des éléphants, et de la maitrise du métal, Nyatsimba Mutota foudroie les troupes résistantes les unes après les autres. Les territoires de Korekore et Tavara saccagés, tombent.
Les vaincus, impressionnés par les prouesses militaires du roi rovzi et repoussés par ses méthodes, nomment ainsi Mutota Mwene Mutapa. C’est Mwene Mutapa qui sera déformé par les Portugais en Monomotapa. Mwene Mutapa signifie Maitre des Terres Conquises ou Maitre du Pillage.
Le roi expansionniste avance irrésistiblement. Il atteint le fleuve Zambèze au nord, en dirigeant son armée lui-même, avec pour intention de mettre la main sur les routes commerciales, et se rapprocher des fortunées villes swahilies. Il atteint le désert du Kalahari à l’est, le fleuve Limpopo au sud, et se rapproche de l’océan Indien et du port stratégique de Sofala à l’est.
Mutota refuse quelconque coalition avec les Arabes, préparant le terrain, pour écraser leur influence. En 1450 le Roi meurt pourtant. Il aurait été tué sur le champ de bataille, sans avoir conquis tout l’espace qu’il convoitait. Son fils Matope, s’appropriant l’ambition de son père, va achever la formation du Mutapa.
Nyanhehwe Matope : la construction
Adoubé par l’armée et consacré par les autorités religieuses, le prince et commandant Matope devient Roi. Déterminé à parfaire le but ultime de son père, il renforce les troupes et améliore l’armement.
Pendant 30 années, le monarque poursuit une campagne diplomatique pour rallier à lui des dizaines de nations, ou soumettre par la guerre celles qui le défient. Il assoit son emprise sur les routes commerciales, cassant le pouvoir des Arabes et leurs ingérences qui visaient à saper son projet. Matope atteint finalement l’océan Indien, marquant la fin symbolique de 60 ans de conquête. Le Mutapa, dans toute sa vasteté, est né.
Le bâtisseur
L’Empereur guerrier se mue en gouverneur suprême efficace. La riche économie militaire et ses infrastructures sont savamment recyclées. L’activité minière, le commerce à l’intérieur de l’Empire, le commerce avec les autres Etats africains, ainsi qu’avec l’Asie de l’Ouest et l’Asie de l’Est, s’intensifient. La production agricole, profitant de la paix, est foisonnante.

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En bon héritier de Grand Zimbabwe, Matope met surtout sur pied une religion unique pour tout le territoire. Il ordonne et fait financer la formation d’un puissant clergé dédié à Mwari (Dieu) et aux Mudzimu (Ancêtres). Les Chengere Mwari (prêtres et prêtresses de Mwari) officient ainsi dans tout l’empire.
Les travaux de construction de palais, notamment dans la capitale Khami, et de temples à travers tout le pays, génèrent de la richesse.

Le second Mwene Mutapa meurt vers 1480, en ayant fait aboutir le rêve de son père Mutota. Le Monomotapa continuera encore à prospérer pendant des décennies. Nous sommes loin des actes terroristes des esclavagistes portugais et de la sécession du prince Changamire, qui entraineront le plus vénérable empire d’Afrique australe vers son déclin.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- The destruction of Black civilization, Chancellor Williams
- Histoire generale de l’Afrique, Unesco
- Gouvernement du Zimbabwe
- L’Afrique impériale, Nioussérê Kalala Omotunde

