Les Mossis constituent plus de 50% de la population du Burkina Faso. Du 15e au 19e siècle, sur le plateau de la Volta blanche (Nakambé), ils ont érigé jusqu’au nord du Ghana, des Etats savamment structurés…
Aux origines
D’après les données écrites de l’historien malien Saadi au 17e siècle, combinés aux travaux anthropologiques, c’est dans une migration d’Est en Ouest qu’il faudrait tracer les origines des Mossis. On les trouvait initialement au nord du Cameroun avec le peuple Mossah qui portait les mêmes scarifications. On les retrouvait encore au nord du Nigeria puis à l’Est de Tombouctou. Dans leur déplacement ils fondèrent deux royaumes appelés Diamaré, ce qui est jusqu’à nos jours le nom d’un territoire au nord du Cameroun.
Dans la région du fleuve Niger, ils allaient pendant des siècles guerroyer comme des lions contre les armées de Soundjata Keita, Sonni Ali Ber puis Askia Mohamed Touré. Ils furent finalement absorbés par les vainqueurs. Depuis le Mali-Niger, une partie s’exila tôt vers le nord du Ghana actuel, dans la région de Gambaga. C’est cette branche qui est à l’origine des royaumes Mossi.
Na Negeda, aux racines des royaumes Mossi
La fondation des royaumes Mossi part véritablement de Na Negeda encore dit Gbewa, roi à Gambaga. 3 de ses fils, Tosougou, Ngmantambou et Siboutou fondèrent respectivement les royaumes Mamprousi, Nanoumba et Dagomba. Negeda avait aussi une fille du nom de Yennenga. Célébrée pour sa beauté et pour porter bonheur aux armées sur les champs de bataille, elle était tellement aimée de son père qu’il ne voulait pas la laisser se marier. Elle sera emportée un jour par un cheval fou et croisera un chasseur Mandé du nom de Rialé. De leur union naquit Ouedraogo.
Negeda d’abord furieux, accepta le mariage et dota Rialé de chevaux et de soldats pour leur départ vers le nord. Ouedraogo fils de Yennenga fonda le royaume de Tenkodogo. Oubri, petit-fils de Ouedraogo, fonda le royaume de Ouagadougou en 1495. Yedega, petit-fils d’Oubri, fonda celui de Yatenga en 1540.
Les 5 Etats Mossi principaux, Ouagadougou, Yatenga, Mamprousi, Nanoumba et Dagomba étaient ainsi nés au Burkina Faso et Ghana actuels. Tous ces Etats furent donc fondés par les descendants de Na Negeda.
L’organisation du Mossi
Les Etats Mossi ne furent jamais réellement sous la gouvernance d’un pouvoir central. Bien qu’indépendants les uns des autres, tous reconnaissaient le roi de Ouagadougou comme le plus puissant et le plus vénérable de tous.
Quand ils conquéraient par la force un territoire et avaient obtenu la soumission de son chef à leur autorité, les descendants de Na Negeda nouaient des alliances en épousant des princesses locales ou en mariant leurs filles aux princes locaux pour sceller la tutelle. Ils négociaient une part de la terre avec les prêtres locaux, qui laissaient la majorité aux habitants originels.
Les peuples conquis, sous peine d’être considérés comme captifs de guerre, adoptaient en masse les scarifications Mossi pour maintenir leur condition d’hommes et de femmes libres. La société Mossi était ainsi divisée en 3 castes principales : le clan royal (Nakomsé), les libres et enfin les captifs ou dépendants. Bien que ne subissant pas de maltraitance et étant libre de s’enrichir, la caste des captifs était inférieure sur le plan social.
Le roi portait le titre de Mogho Naba. Mogho signifie le pays, l’espace ordonné ; et signifie aussi les lois divines qui gouvernent cet espace. Naba veut dire Chef ou Maître. Comme expliqué par l’anthropologue camerounais Nkoth Bisseck, le Mogho n’est autre chose que la Maât égyptienne. Dans la même langue ancestrale, Maitre était écrit – sans voyelle – Nb. Le Nb égyptien est donc, si on le lit dans son contexte africain, Naba. Naba Maât était un des titres principaux du Pharaon. Comme Mogho Naba, il signifie ainsi Maitre de la Maât.
Comme Naba Maât, le Mogho Naba est Wend Pusyan en langue des Mossis, c’est-à-dire l’incarnation du Soleil messager de Dieu. Quand il est intronisé, il apparait au lever de l’astre pourvoyeur de vie. Comme Pharaon qui a le plus grand des Ka parmi les humains, Mogho Naba a le plus grand Nam (énergie divine), qui lui permet de dominer les forces du mal et régner effectivement. Cette énergie supérieure était symbolisée par un feu qui était allumé tout le long du règne, pratique qui se retrouvait aussi chez les baTéké du Gabon et dans l’empire de Zimbabwe.
Mogho Naba est Horus, et par ses contacts privilégiés avec le monde invisible, il garantit l’abondance des récoltes, la natalité et la continuation de la vie. Comme devant Naba Maât, on se met par terre quand on approche Mogho Naba. Comme le Mansa du Mali, on ne peut adresser directement la parole au roi même s’il est proche, il faut passer par un ministre.
Le Mogho Naba est secondé par le Togo Naba, c’est-à-dire le premier ministre, lui-même issu de la caste des libres et choisi de manière rotative parmi les clans du pays, par les représentants des grandes familles. Le 3e personnage de l’Etat est le Rassam Naba, issu de la caste des captifs. Il est le ministre des finances et gardien du trésor. Il est maitre des forgerons et chef d’un territoire. Bien que captif, le Rassam Naba a un pouvoir exceptionnel et commande nombre d’hommes et de femmes libres. Le roi règne avec un conseil de ministres qui représentent le peuple dans sa diversité.
Comme partout en Afrique, quand le Roi des Mossis meurt, l’Horus n’est donc plus, la Maât qu’il défend est rompue, les forces du mal ont vaincu. La sècheresse va s’abattre, la vie va s’arrêter et le désordre s’installe dans tout le pays. Alors comme chez les Shillouks du Soudan, le Bend Naba (tambourinier royal) s’écrie rituellement Bougsaré Kimé, Mogho sama mé (le feu s’est éteint, le pays est abimé).
La fille ainée du roi porte les vêtements de son père et occupe la fonction la durée des funérailles. Toute la noblesse vient se prosterner devant elle. Les veuves du roi quant à elles, se rasent la tête, comme chez les Bamilékés du Cameroun.
C’est alors un collège électoral d’hommes libres et dirigé par le premier ministre, qui élit le nouveau roi parmi les frères ou fils du défunt roi. Elu, le nouveau Mogho Naba, sous le controle des prêtres vitalistes, prête serment au nom des ancêtres divins et jure d’obéir aux lois de Naba Wende et Napaga Tenga, respectivement parties masculine et féminine de Dieu. Le roi est la plus haute autorité judiciaire et peut ordonner la mise à mort d’un fautif ou sa castration.
L’économie et les connaissances
Le Mossi était traversé par pas moins de 6 routes commerciales transafricaines. Il était devenu expert dans le croisement et l’élevage de chevaux et d’ânes qui étaient demandés partout. La cavalerie Mossi avait ainsi protégé le pays des intrusions pendant 4 siècles. Les royaumes exportaient aussi les cotons et les habits de coton. Ils importaient des parfums, des tapis, des broderies. La production agricole, principale activité, était florissante. On trouvait toute sorte de céréales, du tabac, du poivre etc… Tout ce travail permettait aux Etats de lever des taxes et d’entretenir l’administration.
Le Vitalisme et rien d’autre !
Les Mossis considéraient que l’Islam et le Christianisme étaient les armes morales de conquête des Arabes et des Européens. Ayant besoin des commerçants et caravaniers arabes pour le commerce international, ils réglementaient avec une rigidité remarquable leur présence sur le sol. Les Arabes avaient interdiction de s’installer dans le pays et de posséder la terre. Ils avaient interdiction de pratiquer ouvertement leur religion et de faire du prosélytisme. L’Islam et le Christianisme étaient proscrits. Seul le Vitalisme africain avait droit de cité.
Mais après 3 siècles sans menace et sûrs de leurs forces, cet interdit commença à être levé et le Mogho Naba Kom à la fin du 18e siècle, fut le premier à laisser entrer l’Islam.
La fin
A la fin du 19e siècle, les royaumes Mossi sont encerclés par les colons anglais, français et allemands qui conquièrent par la guerre les pays environnants. Le français Louis Binger entre à Ouagadougou et hautain, propose au Mogho Naba Sanum de mettre le pays « sous protection » de la France. Le roi rejette violemment l’offre et fait chasser Binger. Les armées Mossi qui communiquent par les Tam Tam parleurs étant trop fortes, les 3 nations coloniales décident d’affaiblir le pays en brisant les caravanes marchandes qui le traversent.
L’officier français Voulet, à la tête de sa tristement célèbre colonne meurtrière, franchit ensuite les frontières du pays et entre à Ouagadougou en 1896. Les soldats Mossi vacillent, le Mogho Naba Wobgho résiste héroïquement. Il refuse de se rendre et continue pendant des mois les contre-attaques.
Wobgho, de son nom de naissance Boukary Koutou, dira à l’officier Destenave venu lui proposer la mise du pays sous protectorat français «Je sais que les Blancs veulent me faire mourir pour me voler mon pays. Et tu prétends qu’ils vont m’aider à organiser mon pays ! Or, je trouve mon pays très bien, tel qu’il est. Je n’ai nul besoin des Blancs. Je sais ce qu’il me faut et ce que je veux. J’ai des marchands. Estime-toi heureux que je ne te fasse pas couper la tête. Va-t-en donc. Et surtout, ne reviens pas».
Le pays cède finalement, Wobgho s’enfuit vers le Ghana. La France le remplace par Siguiri qui signe la capitulation. Le Mossi devient une colonie au sein de l’Afrique Occidentale Française, puis Haute Volta à l’indépendance, renommée Burkina Faso par Thomas Sankara, le plus célèbre des Mossis.
Les rois Mossi continueront d’exister, bien que n’ayant plus toute l’étendue de leur pouvoir passé. Le Mogho Naba de Ouagadoudou, capitale du pays, reste une des principales autorités morales du Burkina Faso.
Hotep !
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Notes :
– Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
– The destruction of black civilization, Chancellor Williams
– Histoire Générale de l’Afrique, volume 5, Unesco ; chapitre de Joseph Ki-Zerbo et Michel Izard
– L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop