Les Haoussa sont en nombre, le plus grand peuple d’Afrique. Ils comptent près de 80 millions de personnes aujourd’hui. Du 11e au 19e siècle, au Nigéria et au Niger actuels, ils ont érigé des Etats-Cités centraux dans l’activité économique du continent à l’époque…
Aux origines
L’élément fondamental de l’identité haoussa est la langue, d’où originellement le mot Hawsawa, c’est-à-dire ceux qui parlent le Haoussa. Cette langue est parfaitement noire et africaine. Les apports arabes, contrairement à ce qu’on peut penser, n’ont que peu d’importance. Le Haoussa est même une langue particulièrement proche de l’Egyptien ancien. Le mot peut-être le plus marquant – eut égard à cette connexion – est le célèbre Râ. Il signifie dans les deux langues le Soleil messager de Dieu.
Les Haoussa sont – selon toute vraisemblance – issus du mélange entre peuples du Sahara, premiers peuples du nord du Nigéria et migrants d’Egypte et du Soudan. C’est la rencontre de tous ces courants et la propagation de la langue qui a fait naitre le peuple et l’identité Haoussa.
L’avènement des royaumes
Le royaume mère de la civilisation Haoussa est Daura. Les écrits laissent apparaitre qu’aux temps premiers, les femmes, conformément à la tradition matriarcale africaine, régnaient entièrement. Râ/Rana chez les Haoussa est ainsi une divinité féminine.
La conversion à l’Islam plus tard faisant, les Haoussa ont réécrit leur histoire initiale pour y incorporer un Arabe de Bagdad, qui par sa descendance avec une reine de Daura aurait fait naitre les 7 principaux Etats Haoussa, dits Haoussa Bakwaï. Ce genre de révision visant à s’inventer des origines arabes se retrouve chez de nombreux peuples africains islamisés.
A partir du 11e siècle Daura, Kano, Katsina, Zazzau (ou Zaria), Gobir, Biram et Rano allaient se constituer les uns après les autres, dans un espace entre les empires du Mali-Songhaï à l’ouest et le Kanem-Bornou à l’est. Kano sera la plus importante des 7 Haoussa Bakwaï. Bien que conscients de leur unité linguistique et culturelle, les Etats-Cités étaient en très forte compétition entre eux et n’auront cesse de se livrer des guerres.
Kasar Haoussa – c’est-à-dire le pays haoussa – naquît au croisement des routes commerciales entre l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, et le nord et le sud du continent. Le territoire remontait jusqu’au centre du Niger, avant que les Haoussa ne soient contraints, devant les conquêtes touareg, d’aller vers le sud.
Ce carrefour ouvert à toutes les convoitises allait pousser les souverains à se doter de fortifications. Gigamasu, sarkin (roi) de Kano, éleva des murailles au 12e siècle. A l’intérieur de ces remparts se trouvaient des marchés, des ateliers pour l’industrie textile et les nombreux champs, qui produisaient les vêtements de coton et de cuir, et les vivres qui allaient faire la richesse des Haoussa.
Katsina pour sa part profitera d’un sol très riche en minerai de fer. Il était fondu dans des fourneaux et transformé pour produire l’armement et l’équipement agricole dont les Haoussa avaient besoin.
Les unifications éphémères
Si les Haoussa sont restés divisés pendant quasiment toute leur histoire, à deux reprises une unification a été achevée.
La première unification fut sous Kanta au 16e siècle. Il était au départ à la tête d’une armée de mercenaires chargée de mettre Agadez au centre du Niger sous le pouvoir Songhaï. Décidant finalement de faire cavalier seul, il bâtit une ville fortifiée à Kebbi et conquit tout le Kasar. Il triompha – avec une force extraordinaire – des armées du Songhaï et du Kanem-Bornou. L’unification sous Kanta s’acheva quand il fut tué au combat par le Bornou.
La deuxième unification, quelques décennies plus tard et toujours au 16e siècle, fut sous Amina, la plus grande femme souverain haoussa et célébrée aujourd’hui comme une des plus illustres femmes africaines de l’histoire. Fille de la reine Bakwa Turunku de Zaria, elle mena elle-même ses armées sur tous les fronts et mis sous son pouvoir militaire les puissants Kano et Katsina.
La princesse érigea des fortifications dans tout le pays, dits Ganuwa Amina (les murs d’Amina). Pendant 34 années, elle régna sur le Kasar Haoussa, les dirigeants des autres Etats venant lui porter tribut en signe d’allégeance.
L’organisation des Etats Haoussa
Avant l’introduction de l’islam, le matriarcat était entier chez les Haoussa. La femme la plus puissante du clan royal, dite Madaki ou Magadjiya, supervisait l’exercice du pouvoir. Elle le faisait exécuter par son fils le Roi, qui portait le titre de Sarkin. Les prêtresses et les prêtres du Bori, c’est-à-dire la spiritualité haoussa, étaient puissants et pratiquaient, comme partout en Afrique, au secret des forêts sacrées. La Mère Royale dirigeait le culte national.
Après l’introduction de l’islam, le matriarcat africain commença à s’effacer au profit du patriarcat arabe. Le pouvoir se transmettait de père en fils.
Mais même dans ce système de succession patrilinéaire, les noms des mères des Sarkin étaient toujours mentionnés. Conformément à la conception du rôle du roi en Afrique, la personne du Sarkin – équivalent d’Horus – était vue comme garante des bonnes récoltes et de la continuité de la vie du royaume.
Le roi était élu par des représentants des clans du pays et régnait avec un conseil fait de ces représentants, qu’il ne pouvait pas démettre. Ce conseil était composé de 9 membres à Gobir. 9 étant le chiffre sacré de l’Afrique et reflétant les 9 éléments primordiaux de la Spiritualité Africaine. Le roi était secondé par le Galadima, c’est-à-dire le premier ministre.
Les Haoussa étaient divisés en 3 castes principales : la caste dirigeante, les libres et les dépendants/captifs. A Kano c’est un captif, comme chez les Mossis du Burkina Faso, qui occupait le poste de ministre du trésor et gérait les finances du pays.
Les communautés familiales (gari) avaient à leur tête le chef (maïgari). Maï étant le titre du roi au Kanem-Bornou. Ceci reflète l’influence qu’avait l’empire sur le Kasar. Les Haoussa regardaient Bornou comme un Etat supérieur aux leurs.
Pendant longtemps, l’islam, introduit au 14e siècle par des Malinkés, était resté pratiqué par les rois et leurs entourages seulement. Le peuple pratiquait le Bori. Le sarkin nomu (ministre de l’agriculture), continuait à diriger les rites aux Iskoki – c’est-à-dire les formes de Dieu – chargés de faire fructifier les récoltes.
Au fur et à mesure que l’islam avançait, les forêts sacrées furent rasées pour construire des mosquées, les érudits musulmans prirent plus d’importance que le clergé du Bori. Kano sous l’influence des Malinkés devint un centre d’études islamiques comme Tombouctou au Songhaï, l’écriture arabe fut ainsi utilisée pendant des siècles au Kasar.
Comme partout en Afrique encore, la monnaie chez les Haoussa était surtout faites de coquillages ou cauris. Les barres de fer servaient aussi aux échanges. Le pays accueillait des marchands et des clients venus de partout, et avait des ambassadeurs jusque chez les Ashantis au Ghana actuel.
Le territoire et l’architecture Haoussa
En périphérie des Etats-Cités se trouvaient des Kauaye ou villages relativement isolés, restés pratiquant du Bori et dirigés par les femmes. Autour de la capitale, les communautés familiales ou Gari étaient nombreuses, l’islam y gagnait du terrain et la place de la femme reculait d’autant. Au centre, la capitale (Birni) était la ville fortifiée.
Les fortifications (Ganuwa) étaient faites de briques de terres et de chaume. Ces mêmes briques dites Tubali servaient à élever les maisons. Les demeures étaient richement décorées, colorées, et surtout portaient les fameuses Zankwaye (les cornes) aux angles, si caractéristiques de l’architecture haoussa.
Yan Lifida : la célèbre cavalerie haoussa
L’introduction de la cavalerie en Afrique de l’ouest remonterait au 11e siècle, et pourrait être le fait des Noirs berbères du Maghreb – dits Maures ou Sarrasins – à l’époque de la dynastie almoravide. La lourde armurerie, les protections renforcées des cavaliers, les javelots, les cottes de mailles, qu’on associe beaucoup au Moyen-Age européen, existaient aussi en Afrique à la même époque. La célèbre cavalerie haoussa arborait toutes ces défenses.
La fin des Etats-Cités haoussa
Un nom bien connu en Afrique symbolise la perte de souveraineté du pays haoussa, c’est Ousmane Dan Fodio. Né à Gobir et issu de l’élite peule établie en territoire haoussa, il reçût une éducation islamique poussée et finit par critiquer les Haoussa qui mélangaient encore l’islam avec le Bori.
Dan Fodio s’en alla prêcher l’islam fondamental dans le Kasar et rentra à Gobir où sa popularité atteignit un sommet. Lui et ses partisans décidèrent de renverser les Sarkin et de prendre tout le pays haoussa, vu comme infidèle et non-musulman. Yunfa, Sarkin de Gobir, tenta de faire tuer Dan Fodio et persécuta ses fidèles. L’islamiste radical monta une armée de cavaliers peuls et décida du Djihad contre les Haoussa.
Après une série de batailles, Yunfa fut tué au combat en 1808. Ousmane Dan Fodio se rendit maitre de tout le Kasar Haoussa, sur lequel il fonda le califat peul de Sokoto et y fit appliquer le Coran à la lettre. Les Etats haoussa continuèrent d’exister mais ne retrouveront plus leur indépendance totale. Le Kasar Haoussa sera annexé par la Grande Bretagne au sud (Nigéria) et la France au nord (Niger) pendant la colonisation.
Hotep !
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Notes :
- Histoire générale de l’Afrique, volume 4, Unesco
- Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
- Smithonian https://www.si.edu/object/siris_arc_120581
- The practice of Hausa traditional architecture: Towards conservation and restoration of spatial morphology and techniques, Gali KabirUmar et al.