Les baGanda sont en nombre le premier peuple d’Ouganda. Il y a 3 siècles, leur royaume du Buganda émergeait comme l’Etat le plus important de la region des Grands Lacs…
Aux origines
L’origine de cet Etat est attribuée à un homme semi-mythologique du nom de Kinta. Certains disent qu’il aurait été le premier des humains. D’autres récits le dépeignent comme un guerrier, venu des environs conquérir des territoires au nord du grand Lac Nyanza (aujourd’hui Victoria). Kinta aurait été le premier Kabaka (c’est-à-dire roi du Buganda). Enfin une autre version dit que c’est Kimera, prince du royaume voisin de Bunyoro, qui serait à l’origine du Buganda.
Tous ces récits tendent à dire que le peuple Ganda a toujours été dans les Grands Lacs et aux sources du Nil, et descend directement des premiers humains. C’est au tournant du 14e siècle que le Buganda sera constitué.
Voisin de l’hégémonique royaume du Bunyoro, Buganda va peu à peu grandir en dimension, profitant de l’affaiblissement du Bunyoro. Au 18e siècle, les conquêtes des rois Mawanda, Junju et Kamanya vont achever d’en faire le maître des Grands Lacs. Le Buganda s’étendra dès lors pour finir par couvrir une superficie grande comme deux fois le Rwanda actuel.
L’organisation du Buganda
Conformément à la tradition matriarcale africaine, le règne du Kabaka était mis sous la protection de sa mère, à travers les frères et sœurs de celle-ci. Portant le titre de Namasole, la Mère-Royale, équivalente d’Aïssata (Isis) jouissait d’un très grand prestige et pouvoir. Elle avait sa propre cour. La sœur du Kabaka avait aussi une importance majeure. La mère comme la soeur du roi portaient également les titres de Kabaka.
Le peuple Ganda était divisé en de nombreux clans et chaque clan donnait une de ses filles au roi, espérant ainsi qu’elle enfanterait le futur souverain et que celui-ci règnerait au nom du clan. Le Buganda a eu la particularité de n’avoir pas de clan royal. Ainsi chaque clan pouvait être par la Mère Royale, le clan regnant. Le Kabaka se retrouvait donc avec une pléthore d’épouses et de nombreuses intrigues entre elles ou les héritiers pour accéder au trône. Le Kabaka Muteesa I avait ainsi 85 femmes.
Alors que de manière générale en Afrique le roi était succédé par le fils de sa sœur, le Kabaka était lui succédé par le fils du roi précédent, qui pouvait être son frère ou son neveu. Le monarque était appuyé par son premier ministre (Katikoro) et par un conseil royal (Loukiko), formé de 10 chefs de provinces et de dignitaires de la cour. A sa mort, le nouveau roi était choisi par le Katikoro et le Mougenia (chef du plus grand clan).
Quand le Kabaka conquérait un territoire, il adoubait le roi local qui lui prêtait allégeance, et le laissait régner sans pouvoir le démettre. La structure de l’Etat était fédérale.
L’économie du royaume reposait sur l’agriculture, très fructueuse grâce à l’exceptionnelle fertilité des terres des Grands Lacs. La famine était inconnue pour les 2 millions d’habitants. Le lac Nyanza était la principale voie du commerce regional. Les baGanda vendaient en particulier des étoffes végétales de qualité. Le minerai de fer était exploité.
Les chefs de province prélevaient les impôts et des fonctionnaires étaient chargés d’entretenir les routes menant aux capitales. Au 17e siècle, le Kabaka Kyabazou avait de la vaisselle en porcelaine et des verres. Les baGanda commerçaient egalement avec les Arabes, échangeant de l’ivoire contre des armes à feu.
Le britannique Speke nous a laissés une description du Kabaka Muteesa I en 1862. Il dit « Il (Muteesa) siégeait sur un tapis rouge étendu sur une estrade, scrupuleusement bien vêtu d’un habit tiré des écorces d’arbre. Au cou, un grand anneau de perles minutieusement agencées. A chaque doit des mains et des pieds, il portait des anneaux alternativement de laiton et de cuivre. Tout était léger, net et élégant. A ses pieds les insignes de la royauté : une lance, un bouclier et un chien blanc » [1]. Ce passage nous apprend aussi que les baGanda étaient d’habiles métallurgistes.
L’armée
La défense du pays était particulièrement élaborée. Le roi avait réussi lors de la visite de l’explorateur Stanley, a levé 125 000 hommes et 230 bateaux pour une bataille. Les baGanda fabriquaient des canoës longs de 25 mètres.
La fin du Buganda indépendant
A la mort de Muteesa I, son fils Mwanga II devient roi. Fidèle au Vitalisme (animisme) ganda, le nouveau Kabaka voit le christianisme comme une arme de pénétration insidieuse des colons. Il fait chasser les nombreux missionnaires et fait tuer l’archevêque britannique James Hennington. Il ordonne aux sujets de sa cour de renoncer au christianisme. Devant le refus de certain, il les fait bruler.
On dit aujourd’hui que certains de ceux tués étaient des amants du roi qui furent mis à mort parce qu’ils refusaient ses avances. On ne sait pas si ces faits d’homosexualité sont réels ou sont une propagande chrétienne contre un roi vent debout contre le Christianisme.
En 1888, les Britanniques viennent en renfort de baGanda chrétiens et musulmans, qui fomentent une insurrection pour remplacer Mwanga par son frère Kiweewa. Mwanga est vaincu et Kiweewa puis Kalema occupent le trône. Mwanga négocie la cession d’une partie des pouvoirs du Buganda aux colons et se convertit dans la foulée au christianisme. Les Britanniques le soutiennent alors et il reprend le trône en 1889.
En 1893, Mwanga signe un accord mettant le Buganda sous protectorat britannique. Cet acte tout comme la conversion préalable ont-ils été pour le roi dans le but de reprendre tout son pouvoir ? En 1897, il déclare la guerre aux Anglais et est défait à Buddu le 20 Juillet de la même année. Il est pris et exilé aux Seychelles où il mourra. Sa dépouille repose aujourd’hui à Kasubi.
Le terme swahili Ouganda désignant le royaume, sera adopté par les Anglais pour nommer leur colonie au nord du lac Nyanza. Même occupé, le royaume resta fort et considéré. Muteesa II fut ainsi le 1er président (rôle honorifique) de l’Ouganda indépendant. En 1966, le royaume sera démantelé par les autorités avant d’être restauré en 1993.
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Notes :
- Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo, pages 307 à 312
- Buganda.com
- University of North Carolina at Chapel Hill
- Shaping the society christianity and culture, Pastor Stephen Kyeyune, page 87
- [1] Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo, page 312