« Et comment est-ce que vous faites dans votre pays pour survivre ? ». Cette question est venue au milieu d’une conversation, d’un ton parfaitement naturel. Cette question m’a laissé les yeux écarquillés. C’était la première fois que je séjournais en Europe et parce que je venais d’Afrique, cette question m’a été posée.
Pourtant ma vie n’a jamais rien eu d’une survie. J’ai grandi dans une grande ville africaine, dans un relatif confort matériel, j’ai été dans des écoles bien équipées, je n’ai jamais su ce qu’est la faim, il n’y a qu’à la télévision que j’ai vu des scènes de famine ou de guerre.
Cette réalité est la réalité de beaucoup mais l’image qu’a l’Afrique aujourd’hui est celle d’un continent – excepté Afrique du Sud et Afrique du nord – qui n’a jamais rien donné à l’avancement de l’humanité, et dont le peuple arriéré vit affamé dans des huttes, au milieu de guerres.
Cette image déplorable est celle qu’a le reste de la planète de nous. Cette image est également celle qu’ont les Noirs des Amériques de ce continent qu’ils ont fini – souvent violemment et de manière irréversible – par rejeter, alors qu’il est aussi le leur. Cette image est aussi celle qu’ont des peuples insulaires d’Afrique comme les Malgaches ou les Cap-Verdiens, qui s’estiment sauvés de l’Afrique par la Mer et par leur métissage.
C’est aussi celle qu’ont de nombreux Sud-Africains qui connaissent mal le continent et qui s’estiment sauvés par la présence des Blancs ; d’où la haine souvent meurtrière contre les autres Africains.
Cette image extraordinairement négative est celle que les médias occidentaux ont décidé de donner de l’Afrique. Nous allons donc vous parler des enjeux de la perception qu’ont les autres de nous, et de l’importance d’en prendre définitivement le contrôle.
L’importance de l’image
43 millions de pauvres et 15 millions de personnes qui ont faim [1], 2,1 millions de personnes en prison [2], près de 16 000 mariages de mineures chaque année [3], 13 200 morts par arme à feu en 2015 [4]. Ces chiffres sont ceux des Etats Unis. Mais pourtant les Etats-Unis restent probablement au monde le pays avec la meilleure image qui soit. C’est un pays qui fait rêver tant de jeunes, parce qu’il s’est donné les moyens de susciter cette admiration.
Ses forêts de building, ses milliardaires, le hip-hop avec l’affichage ostentatoire de la richesse etc… C’est cela essentiellement que les médias nous montrent de ce pays. Par conséquent, chaque fois qu’on voit un Américain, il a automatiquement de la valeur. On a pour lui du respect, de l’admiration, sa parole est écoutée, car il porte l’image de marque de son pays.
De Dubaï on connaît les immeubles flamboyants et autres infrastructures ultramodernes. Mais derrière ce décor il y a 53% de sa population [5], composée de travailleurs de l’Asie du Sud. Ils gagnent moins de 100 000 Francs CFA par mois en moyenne, une somme qui dans les pays africains vous installe dans une relative pauvreté. Ils vivent dans des conditions calamiteuses, travaillent à l’extrême sous la canicule, se suicident à un rythme effréné. Mais pourtant Dubaï ne montre pas cela. Il faut que l’image de marque soit bonne. La vie d’un Emirati est perçue aujourd’hui comme précieuse.
Tous les pays qui ont compris cet enjeu projettent une image positive d’eux-mêmes et ne font en aucun cas étalage excessif de leurs problèmes. C’est ce qu’on appelle le Nation Branding (la marque d’un pays). L’image positive d’une nation s’accompagne d’une valorisation de son peuple. Très peu de personnes penseraient aujourd’hui à faire du mal verbalement ou physiquement à un Blanc Américain, à un Emirati ou à un Chinois, tant l’image de puissance qu’ils dégagent est forte.
L’image est aussi un formidable levier économique. Il est la base du tourisme et il suffit par exemple qu’on dise qu’un produit vienne des Etats-Unis pour que sa valeur soit automatiquement démultipliée et que des gens se ruent dessus pour l’acheter, même si la qualité n’est pas forcément au rendez-vous. C’est aussi la raison pour laquelle tant de produits français ont la mention Paris en dessous du nom de la marque, Paris projetant une image agréable. L’image est un facteur important d’enrichissement.
L’image positive d’un pays sur la scène internationale lui donne donc de l’influence, protège ses habitants à l’extérieur et donne une plus-value à son économie.
La réalité de la situation en Afrique
On estime à près de 40% la proportion d’Africains qui vit dans les villes, soit près de 500 millions de personnes. A quoi ressemblent ces villes ? Ces villes ont des immeubles, des supermarchés, des universités, des lieux de loisir, de larges routes, de (très) nombreuses automobiles, l’électricité, l’eau courante, internet, des beaux quartiers résidentiels et des quartiers populaires démunis.
Si le continent accuse un réel retard économique par rapport au reste du monde, la photographie globale est plus contrastée que ce qu’on veut faire croire. Même dans les villages les constructions en dur se rependent.
Sur les 49 pays que comptent l’Afrique au sud du Sahara, 39 ne connaissent aucun conflit armé en ce moment, 44 ne connaissent aucune famine. Le grand problème de l’Afrique en général est le chômage de masse et les bas revenus. C’est le manque d’opportunités économiques et de perspective d’un avenir enviable qui poussent tant à émigrer. Cette situation économique est le fait du pillage de l’Afrique par l’Occident et ses collaborateurs africains. Ceux qui émigrent sortent des villes, ils ne sortent pas des huttes.
La guerre de l’image de l’Occident contre l’Afrique
Aujourd’hui l’image de l’Afrique est déterminée par l’Occident parce que les Africains n’ont pas compris l’importance de la maîtriser. Salir l’Afrique est depuis le début de la traite négrière il y a 500 ans la politique de l’Occident pour justifier ses crimes contre nous. Le mode opératoire n’a pas varié, encore qu’avant la traite l’Afrique était simplement le continent le plus riche au monde.
Généraliser des images de huttes, de guerre, de famine, de maladies permet de retirer toute respectabilité aux Africains, de les dépeindre comme inutiles et nuisibles, de réduire à néant la valeur de leurs vies. Ça permet de piller tranquillement, car ceux qu’on vole sont de pauvres incapables qui passent le temps à se faire la guerre.
C’est ainsi qu’on explique que 8 millions de personnes ont été tuées ces 20 dernières années au Congo – sur fond d’accaparement des extraordinaires ressources du pays – dans l’indifférence générale.
Salir l’Afrique permet aussi de faire vivre le mythe de la supériorité blanche qui est la doctrine de l’Occident. Chaque fois qu’on regarde un Noir avec mépris dans le monde, c’est en grande partie parce qu’il porte l’image de l’Afrique.
Chaque Noir sur la planète porte l’image de l’Afrique. Peu importe la détermination avec laquelle il renie l’Afrique et les Africains, peu importe la façon dont il s’estime chanceux d’avoir échappé à cette Afrique, peu importe la façon dont il tente donc physiquement et culturellement de s’assimiler aux Blancs ou à un quelconque autre groupe, il sera toujours associé à cette image.
Avec la falsification de l’histoire de l’Afrique civilisatrice de l’humanité, avec la malédiction du Noir ou de sa culture dans les textes judéo-chrétien et islamique, la manipulation médiatique est le 3e pilier sur lequel repose la justification des atteintes aux Noirs partout dans le monde. La polémique sur la natalité africaine en a été un exemple flagrant.
Suite aux propos du président français Macron et de la soumission inqualifiable de responsables de l’Afrique de l’ouest, il y a eu un emballement médiatique en Europe pour pousser à la limitation des naissances en Afrique. Des images d’enfants nombreux et pauvres ont tourné en boucle.
Pourtant l’Afrique n’est pas du tout surpeuplée et elle doit absolument maintenir sa natalité comme nous l’avons expliqué en détail. Le but de ces publications était de pousser les opinions publiques à l’idée qu’il faut employer tout moyen nécessaire pour réduire la population africaine. Les Africains seraient donc nombreux, inintelligents, pauvres, malades, belliqueux, ayant des rapports sexuels tout le temps. Ne serait-il pas mieux au final qu’ils ne soient plus là ? Voilà comment on prépare un génocide. C’est ainsi qu’on a préparé psychologiquement tous les génocides dans l’histoire humaine.
L’importance de prendre en main notre image
Il faut donc présenter au monde une image positive de l’Afrique pour donner de l’influence au continent sur la scène mondiale, protéger les Africains et les Africains des Amériques, et pour valoriser notre économie. Comme nous aimons toujours le dire, si le problème c’est eux, la solution c’est nous. Il ne sert à rien d’aller demander aux autres de modifier l’image qu’ils projettent de nous. Nous devons créer notre pouvoir médiatique international.
C’est dans cet esprit par exemple que Lisapo ya Kama a été créé. Il était hors de question pour nous de demander à ces autres de corriger leurs mensonges sur l’histoire de l’Afrique. Grâce à notre conscience historique retrouvée, c’est portés par la conviction que nous pouvions tout accomplir, que nous avons créé notre média sur l’histoire.
Aujourd’hui aucune chaîne de télévision qui se veut panafricaine n’est – pour le moment – à la hauteur des enjeux que pose le problème de notre image. Il faut donc développer les médias existants ou en créer d’autres, avec le clair objectif de projeter sur la planète entière une image essentiellement positive de notre continent à travers son histoire, son actualité, sa culture.
C’est pour cela qu’existent CNN, BBC, France 24, CCTV de la Chine, Al Jazeera du Qatar, Russia Today, i24 d’Israël, Press TV de l’Iran etc… Ces chaînes internationales ne sont pas là et les Etats et privés qui les financent ne les créent pas, juste pour le plaisir d’informer. Elles ont des objectifs définis.
Conclusion
L’image est un enjeu vital de sécurité, d’influence et de prospérité économique. Un peuple avec une image catastrophique et déplorable est même – dans un cas extrême comme le nôtre – un peuple mûr pour le génocide. Si nous voulons continuer à exister et aspirons à prospérer, notre réflexion doit aller jusqu’à cet enjeu.
Notre travail consiste donc à créer des médias à dimension internationale afin de promouvoir une image positive de l’Afrique. Cette image ne sera que plus positive si le progrès suit. Il revient enfin à chaque Africain d’aspirer à l’exemplarité dans sa vie, et de diffuser aussi autour de lui une image positive du continent. Chacun de nous a cette responsabilité.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- – [1] World Hunger
- – [2] Prison Study
- – [3] CBS
- – [4] BBC
- – [5] The Telegraph