Les Peuls ou Pulaar/Fulani/Foulbé sont un peuple d’Afrique sahélienne, qu’on retrouve du Soudan au Sénégal. Ils constituent probablement le peuple noir qui a le plus fait en Afrique pour la propagation de l’Islam, à tel point que beaucoup confondent leur identité profonde avec cette religion. Pourtant les Peuls sont à la base spirituellement africains – et cela de la plus orthodoxe des manières.
Aux origines
Les origines des Peuls ont occasionné bien des débats et fait couler beaucoup d’encre, vu les caractères distincts que ce peuple présente : traits fins, peau souvent claire, cheveux tendant parfois à être lisses, nomadisme dans une Afrique sédentaire.
La tradition peule dit que leur ancêtre fondateur serait un homme du nom d’Ukba, un soldat érudit de l’islam et du savoir arabe. Comme chez les Haoussa, on est ici face à un mythe créé ou exagéré pour satisfaire une identité musulmane acquise, chose qu’on voit chez beaucoup de peuples africains islamisés. Qu’Ukba ait existé ou pas, les Peuls ont des origines et une identité culturelle antérieures à leur contact avec l’islam vers le 10e siècle.
On sait aujourd’hui avec une quasi-certitude que les Peuls sont d’origine égyptienne. Cheikh Anta Diop le mentionnait déjà en 1954 dans Nations Nègres et Culture. Et il précisait qu’ils sont issus des premières dynasties royales pharaoniques. Pourquoi ? En raison de deux noms notamment : Ka et Ba. Ces noms ne sont retrouvés que chez les Peuls en tant que noms de clans totémiques.
Ka signifie Energie individuelle en égyptien ancien. L’Energie individuelle, dans la pensée africaine, étant la parcelle divine qui donne vie à chaque être humain et le rend immortel. Ba signifie âme, l’âme comptable de toutes les actions qui permet, au décès, d’accéder au statut d’ancêtre divin. Le Ka et le Ba furent deux notions suprêmes de la religion égyptienne. Jusqu’à la 6e dynastie, le Ka et le Ba étaient les attributs ontologiques quasi exclusifs du pharaon. Nous avons expliqué en détail ces attributs et leur rôle dans le culte des ancêtres ici.
Par ailleurs d’après les études génétiques, les Peuls sont liés aux peuples noirs du Sahel et de l’Afrique centrale. Ils auraient un peu d’ADN eurasiatique. La généticienne Laura Scheindfeldt qui a publié les travaux en 2010 estime que cet ADN étranger est somme toute négligeable et que les Peuls sont fondamentalement africains.
Clyde Winters conclue à partir de ces mêmes travaux que les Peuls seraient originaires du Nil et qu’ils ne sont « pas originaires du Moyen Orient ». Nous ajoutons que la langue peule est strictement négro-africaine et qu’il y a encore des vestiges du matriarcat, trait culturel propre au monde noir.
En somme soit les Peuls sont des égyptiens authentiques qui se seraient métissés avec des Blancs d’Asie lorsque l’Egypte devint un empire multinational, soit les Peuls sont des Noirs avec des caractères extrêmes non dues au métissage, comme les Somali. Quoiqu’il en soit les Peuls sont des Africains. Nous allons le voir encore avec leur spiritualité.
La source primordiale
Pour les Peuls, avant la création du monde, avant le commencement de toute chose, il n’y avait rien, sinon un être. Cet être était un vide sans nom et sans limite, mais c’était un vide vivant, couvant potentiellement en lui la somme de toutes les existences possibles. Le temps infini, intemporel, était la demeure de cet Etre-Un.
Ce passage retranscrit admirablement l’idée du Noun, l’eau primordiale infinie d’où sorti la création d’après les Egyptiens anciens. Le Noun était un liquide plein de germes ou particules d’où allait éclore toute chose vivante. Il était là de tout temps et existait avant le début de la création. Le Noun est ce que les Akan du Ghana/Côte d’Ivoire appellent Tano, que les Dogons du Mali appellent Nommo, ou que les Zulu appellent Uthlanga.
L’œuf, les 9 éléments et le verbe créateur
D’après les Peuls, cet Etre-Un se dota de deux yeux. Il les ferma: la nuit fut engendrée. Il les rouvrit: il en naquit le jour. La nuit s’incarna dans Lewrou, la Lune. Le jour s’incarna dans Nâ’ngué, le Soleil. Le Soleil épousa la Lune. Ils procréèrent Doumounna, le temps intemporel divin. Doumounna demanda au temps infini par quel nom il devait l’invoquer. Gueno, le temps infini, parla. La parole étant synonyme de donner de l’énergie ou de créer. Gueno dit à Doumounna : « Appelle-moi Guéno, l’Eternel« .
Guéno voulut être connu. Il voulut avoir un interlocuteur. Alors il créa un œuf merveilleux, appelé Botcchio’ndé, comportant neuf divisions, et y introduisit les 9 états fondamentaux de l’existence. Quand cet œuf cosmique vint à éclore, il donna naissance à vingt êtres fabuleux qui constituaient la totalité de l’univers visible et invisible, la totalité des forces existantes et de toutes les connaissances possibles.
L’idée de l’acquisition des yeux renvoie au réveil dans le Noun de la spiritualité égyptienne. Le temps premier de la création en Egypte fut la prise de conscience d’une des particules. On voit que l’éveil de la particule et l’ouverture des yeux chez les Peuls sont la même chose. La particule d’où allait jaillir la création est symbolisée en Egypte par un œuf appelé Souhet. C’est ce que les Fangs d’Afrique centrale appellent Aki Ngoss. Aki Ngoss comme Botcchio’ndé renfermait tous les fondements de la création. La même notion de l’œuf est présente dans le Vodoun au Bénin.
Atoum – c’est-à-dire la particule éveillée d’où allait jaillir la création – créa 8 dieux primordiaux à sa suite dans la pensée égyptienne. Avec eux, il forme Pesedjet, c’est-à-dire l’énnéade, les 9 dieux primordiaux. En considérant Horo (Horus) – fils d’Aïssata et Ousiré (Isis et Osiris) – on dira que Dieu a enfanté 9 divinités à sa suite. Tout cela est à rapporter aux 9 états fondamentaux chez les Peuls. Le chiffre 9 est le chiffre sacré en Afrique. Ainsi les Basaa du Cameroun disent que « La loi ne dépasse pas le chiffre 9 ».
Par ailleurs la conception de la parole chez les Peuls renvoie à la création par une vibration sonore. De l’œuf jailli une énergie qui en se dispersant dans l’eau primordiale pour créer le monde, émit un son vibratoire très bruyant, d’où la notion du verbe créateur, dit Hal en Peul, Hou en égyptien ancien, Me Kobegue chez les Fangs. Le verbe créateur est également retrouvé chez les Sérères du Sénégal.
Le culte du Soleil
Buudal yurmeende Ô Grand disque solaire de la Miséricorde
Yellitiingal e innde Geno Toi messager de Dieu (Gueno)
Yo jam nyallu haa to ciinyciide-ma kaadi Que la paix soit sur tout ce qu’éclairent tes rayons souriants
Besngu ina e wuro, jawdi ina sarii e ladde harimaaji Que ton Œil bienveillant protège notre progéniture restée au campement
On se demande si ces 4 vers magnifiques ont bien été écrits par les Peuls du Ferlo au Sénégal ou alors par le pharaon Akhenaton. Ce texte peul est égyptien dans toute sa rigueur. Dieu étant l’Energie totalisante de l’Univers, le soleil qui est la plus forte énergie vue par l’homme est considéré comme Dieu en miniature, le messager du Créateur comme le disent les Peuls. Le même culte se retrouvait chez les Haoussa du Niger-Nigeria.
Neddo, l’Osiris peul
Neddo, l’Homme primordial créé par Gueno, reçut en héritage une parcelle de la puissance créatrice divine, le don de l’Esprit et la Parole. Guéno enseigna à Neddo les lois d’après lesquelles tous les éléments du cosmos furent formés et continuent d’exister. Il l’instaura Gardien et Gérant de son univers et le chargea de veiller au maintien de l’harmonie universelle. Neddo est à la fois l’homme et la femme car il contient en lui le masculin (le ciel) et le féminin (la terre).
Dans la spiritualité égyptienne, Ousiré (Osiris) représente le bien de Dieu, il est l’ancêtre divin des hommes, celui qui a reçu tous les savoirs des dieux qui sont venus avant lui. Il est le fils de Geb (la terre) qui est masculin et d’Anouté (le ciel) qui est féminin. Il est chargé de conduire l’humanité vers la justice, l’ordre et l’harmonie de Dieu. Il est le gardien de l’univers, rôle que lui a confié Dieu. Ousiré est Oun Nefer, c’est-à-dire l’être éternellement bon.
Neddo est donc sans doute aucun Ousiré. Ils ont la même origine et les mêmes fonctions. Ousiré correspond à Osoro chez les Akan du Ghana/Côte d’Ivoire, à Awraar chez les Somali ou encore à Ngai Narok chez les Maasaï de Tanzanie/Kenya.
En résumé, la tradition spirituelle peule est profondément ancrée en Afrique, notamment dans l’explication de la création du monde et le culte du soleil.
Hotep !
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Notes :
- Contes Initiatiques Peuls; Amadou Hampaté Ba
- Hymne des sept serments, texte sacré des Peulhs du Ferlo ; Yero Doro Diallo
- Nations Nègres et Culture, Cheikh Anta Diop
- Encyclopedia of African Religion, Molefi Kete Asante et Ama Mazama
- Methodology and African prehistory, General History of Africa, Unesco
- Matricien.org
- Reply to Winters: The origins of the Fulani remain unknown ; par Laura B. Scheinfeldt,Sameer Soi, and Sarah A. Tishkoff
- The Fulani are not from the middle east, Clyde Winters