« Il est raisonnable de penser qu’un gouvernement fédéral africain donnera des armes égales aux tenants de la religion ancestrale, en provoquant un conseil œcuménique et ses prêtres, pour permettre la création d’une hiérarchie, d’une liturgie mieux adaptée, la formation et l’éducation d’une castes de prêtres à l’échelle du continent, l’approfondissement et la normalisation du dogme sur la base du Monothéisme ancestral. Ce faisant, le gouvernement fédéral futur protégera le continent de toute nouvelle pénétration insidieuse de l’étranger, mettra les Africains à l’abri de toute aliénation culturelle ». Cheikh Anta Diop, Alerte sous les tropiques, page 122
Pourquoi le Vitalisme (animisme) doit-il devenir fort?
L’exemple de la naissance de l’islam et du christianisme
La religion, comme la langue, comme la culture, est l’élément identitaire d’une personne, d’un peuple. Lorsque le prophète Mohammed prit les éléments de forme de la spiritualité nègre sabéenne pour fonder l’Islam, les Arabes étaient divisés en des tribus sans fond cohérent unanime. L’islam a permis aux Arabes de devenir un véritable peuple, et grâce à cette cohésion interne nouvelle, ils ont pu conquérir et dominer le monde pendant 800 ans.
Lorsque les Romains conquirent le pourtour méditerranéen, ils durent faire face à des peuples réfractaires à leur autorité. Ces peuples pour beaucoup étaient adeptes du culte de l’Amour de Dieu (Isis), culte répandu dans la région par les Noirs d’Egypte, pour amener la paix devant les terribles guerres qui déchiraient le monde. Une autre partie des peuples sous domination romaine était juive.
Devant ces difficultés à gouverner, Rome décida de faire une synthèse de ces religions pour créer le Christianisme, religion contrôlée par l’Etat, et religion de tout l’empire romain. Le christianisme permit plus tard aux Européens de réaliser qu’ils étaient un seul et même peuple, et de s’unir pour chasser les Noirs islamisés et les Arabes d’Espagne et du Portugal en 1492. Le christianisme devint l’arme morale de l’impérialisme européen, comme l’Islam le fut pour les Arabes.
Quel est l’Etat du monde noir ?
On voit donc que la religion, au-delà de son aspect spirituel, a été utilisée largement à des fins politiques dans l’histoire du monde. Elle a été utilisée pour unir, parfois de force, des peuples. Or, quel est l’Etat de l’Afrique actuellement ? L’Afrique noire divisée, par les langues étrangères, mais aussi par des appartenances religieuses. L’Afrique sahélienne et la Côte Est africaines sont majoritairement musulmanes. L’Afrique Equatoriale, l’Afrique australe et les Africains des Amériques sont à prédominance chrétiens. Et le fait que ces religions émanent de peuples étrangers crée un sentiment d’unité avec ces peuples étrangers, et non entre les Africains.
Les Noirs islamisés de manière générale, ont un sentiment de fraternité plus grand envers leurs frères de religion que leurs frères de race. La preuve en est faite quand on voit leur réaction parfois agressive quand on parle de la traite négrière arabe. Ils préfèrent protéger leurs frères de religion que de condamner le mal qui a été fait à leurs propres ancêtres. Ils éprouvent également un complexe d’infériorité envers les Arabes, qu’ils sanctifient presque pour être à l’origine de cette religion à travers laquelle ils peuvent avoir accès au Créateur. Les Arabes sont ainsi assimilés souvent au peuple divin par les Noirs musulmans.
C’est en modelant de cette manière les esprits, que les Arabes ont pu étendre leur influence politique à l’Afrique du Nord, au Soudan et à la Mauritanie, qui étaient nègres ; ainsi qu’aux Comores, à la Somalie et à Djibouti qui sont des nations noires se définissant aujourd’hui comme nations arabes. Notre continent est en train de dangereusement reculer. Quel est le prochain pays sur la liste ?
On sait le rôle incroyablement actif du christianisme dans la traite européenne, la colonisation et même le génocide rwandais. Cela a été traité ici. Les Noirs christianisés pensent que Dieu est blanc et que par conséquent leur couleur représente le Diable. Si le blanc Jésus est le fils de Dieu, alors le Créateur est blanc aussi.
Cette modification intelligemment réussie de l’image de Dieu dans l’inconscient des Africains et des Africains des Amériques, contribue à l’immense complexe d’infériorité qu’ils éprouvent à l’égard d’un monde blanc qu’ils pensent inventeur de tous les savoirs qui existent. L’autorité du Blanc apparaît dès lors normale et légitime, car sa personne est assimilée à Dieu. C’est cela qui explique en partie la résistance pas assez forte des Africains face à la suprématie blanche et au néocolonialisme.
Le christianisme comme l’islam ont été introduits en Afrique dans le seul but de faire passer la domination des Arabes et des Européens comme normale, légitime, découlant d’un ordre indiscutable établi par Dieu ; dans le seul but de nous faire voir les Arabes et les Européens comme des Êtres divins et d’accepter ainsi leur exploitation de nos personnes, nos terres, nos richesses. C’est ainsi qu’ils ont autorité spirituelle sur les Noirs adeptes de leurs religions. Il ne s’est jamais agi pour ces étrangers de nous emmener vers Dieu que nous avons découvert les premiers et dont nous leur avons appris l’existence. Si emmener des personnes vers Dieu est réellement un acte d’amour, pourquoi tant de violences?
On n’emmène pas des gens vers Dieu en les fouettant, en les castrant, en les mettant en esclavage, en prenant leurs terres et leurs richesses, en volant leurs ancêtres et leur histoire. Les Africains ont converti des peuples entiers au culte d’Aïssata dans une réelle démarche humaniste, sans la moindre violence. Le but des Arabes et des Européens quant à eux était la suprématie raciale et/ou culturelle, la domination politique, l’exploitation économique. Ils en sont parfaitement conscients. Les Noirs aiment à penser que ces peuples sont gentils avec leurs religions mais méchants pour tout le reste. Les Arabes et les Européens seraient donc bipolaires? Non, ils sont très cohérents.
On nous dira aussi que tout ça est du domaine de la liberté religieuse. Chacun est libre de choisir. Oui nous les Africains on aime ça, nous aimons avoir le choix… de ne pas choisir l’Afrique.
Au-delà de l’aspect politique, il y a un aspect culturel à souligner. Les Noirs chrétiens ou musulmans prennent des noms européens ou arabes, alors que ces derniers ne porteront jamais nos noms africains. Le Noir musulman éprouve des restrictions à magnifier l’art sculptural africain qui devient de l’îdolatrie. Le Noir chrétien et le Noir musulman ne peuvent plus avoir une famille matriarcale, car le patriarcat accompagne leur conversion. La Noire chrétienne ou musulmane ne peut plus se promener la poitrine nue car la poitrine devient une chose honteuse qu’il convient de cacher. Il y a donc une aliénation culturelle qui s’opère avec la conversion.
Le fait que l’Arabie saoudite n’autorise sur son sol aucune autre religion que l’Islam, le fait que les Européens freinent l’expansion de l’Islam chez eux, le fait que la Chine refuse la main mise du Vatican sur sa minorité chrétienne encadrée, doit nous faire méditer. Chacun a compris l’influence politique et culturelle de la religion.
A la lecture de ce qui précède, le Vitalisme (animisme) doit devenir fort pour servir de ciment à la cohésion identitaire de l’Afrique, pour la rendre indépendante dans son âme, pour la réancrer dans sa culture, pour l’armer psychologiquement afin de lutter contre le néocolonialisme occidental et l’impérialisme arabe. Le peuple noir aujourd’hui n’existe pas. Et il convient de souligner que cette force retrouvée se fera non pas par la guerre, mais en entrant pacifiquement en compétition avec les religions dites révélées, tant le sujet est sensible et tant une guerre de religion est la dernière chose dont l’Afrique a besoin. Si le Vitalisme doit être ouvert à tous les peuples, il n’a pas vocation à s’étendre en dehors du monde noir.
Quelles sont les faiblesses de la Spiritualité Africaine ?
Si le christianisme est entré par la violence presque partout en Afrique noire, c’est moins vrai pour l’Islam dans un second temps dont la propagation a souvent été le fait de Noirs même. Le peuple Yoruba, dont la spiritualité traditionnelle fut une des plus célébrées d’Afrique, est devenu en un peu plus d’un siècle chrétien à 55%, musulman à 35%. Seuls 10% est encore vitaliste, et ce chiffre baissera certainement.
La diabolisation de notre religion ancestrale par les étrangers y est pour beaucoup mais il existe aussi des facteurs internes. La question qu’il convient donc de se poser est comment est-ce que la spiritualité africaine a pu être battue ? Quelles sont ses faiblesses ? En voici quelques unes :
- L’initiation : c’est le principal frein. Pour pouvoir pratiquer, il faut être initié. Et on ne peut souvent être initié que par des membres de son clan ou de son ethnie, qui peuvent se montrer réfractaires à dispenser leurs connaissances. L’initiation a pour but de s’assurer que l’initié ne fera pas de mal avec les connaissances acquises. Le défaut de l’initiation est que ce sont les adeptes qui doivent aller vers la spiritualité, alors que dans les religions révélées ce sont les religions qui vont vers les adeptes. Qui dit initiation dit absence de prosélytisme, donc la spiritualité africaine ne peut pas gagner des adeptes, elle ne peut qu’en perdre. C’est cette culture du secret qui explique que les Initiés n’aient jamais répondu véritablement à toutes les insultes proférées contre la Religion Africaine, et ont ainsi laissé les étrangers la définir.
- L’absence de documents : La Bible et le Coran sont accessibles à tous, disponibles partout. Or il n’existe pas un livre sacré de la spiritualité africaine. Si elle considère que la vérité est dans la nature et peut être difficilement circonscrite à un livre, il n’en demeure pas moins qu’un document de cet ordre aiderait beaucoup à sa diffusion.
- Son apparente complexité : Il y a un seul Dieu qui est multiple de formes. Mais quelle forme faut-il donc adorer ? Les ancêtres et la nature sont les intermédiaires vers Dieu, par quel ancêtre et quel élément de la nature faut-il donc passer ? La spiritualité africaine est une vérité scientifique, et comme tout ce qui est scientifique, elle est complexe. Sa complexité est sa grande force mais c’est aussi une grande faiblesse. Face à des religions au message très simple et à un seul ou deux intermédiaires, elle peut apparaître comme un labyrinthe. C’est sur ce manque présumé de clarté que les ennemis de l’Afrique ont allègrement surfé pour la diaboliser.
Quelles solutions faut-il pour rebâtir la Spiritualité Africaine ?
- La création de deux niveaux de connaissance : le niveau démocratique et le niveau initiatique
- Le niveau démocratique : La connaissance démocratique correspond à ce que tout le monde, absolument tout le monde, devra savoir de la spiritualité africaine. Une des raisons de l’initiation est que l’acquisition de connaissances spirituelles s’accompagne de connaissances scientifiques que les initiés sont réfractaires à livrer. Au niveau démocratique, on enlèvera une bonne partie de la science complexe. Ce niveau implique donc la propagation d’un message simplifié dont les éléments pourraient être :
- Un Dieu androgyne, c’est-à-dire à la fois féminin et masculin. Mawu et Lyssa sont ses noms dans le Vaudoun ouest-africain. Mawu-Lyssa deviendrait donc la figure principale et tutélaire du Vitalisme.
- Un livre d’enseignements, qu’on pourrait appeler Maa Medou, c’est à dire paroles justes ou paroles de vérité en Égyptien ancien qui est la langue africaine classique; ou encore Medjat Ntjer, c’est à dire Écrits de Dieu. On ferait une synthèse de tous les écrits du continent et chaque passage irait dans un chapitre correspondant à une forme de Dieu. Il y aurait donc un chapitre consacré aux enseignements de Zangbeto, un autre d’Inkhosazana, un autre de Djehouty etc…
- Un lieu de culte : on pourrait l’appeler Per Ankh (maison de vie en Egyptien ancien). Il devra être propre, beau, avec une architecture découlant de la science. C’est ici que le message des formes de Dieu serait délivré et les rites célébrés selon un calendrier précis. Le culte serait célébré à priori tous les jours.
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Un intermédiaire qui serait un ancêtre choisi par chacun avec les conseils d’un prêtre. Le culte de l’ancêtre, complémentaire des enseignements reçus au Per Ankh, serait donc un culte personnel ou familial, journalier, fait à domicile. - Un pèlerinage en terre sainte, c’est-à-dire dans la région des grands Lacs où l’homme a été créé.
- Le niveau initiatique : toute la science complexe sur laquelle repose la spiritualité africaine serait réservée à ce niveau. L’adepte qui voudrait approfondir ses connaissances serait initié à ce niveau. Les connaissances complètes en astronomie, en mathématiques, en physique, en philosophie etc… serait l’apanage des grands prêtres, qui garderaient les mêmes processus de sélection des initiés. C’est ici que les savants multidsciplinaires seraient formés dans leur quête de Dieu, comme ca l’a toujours été dans la tradition africaine.
- Le niveau démocratique : La connaissance démocratique correspond à ce que tout le monde, absolument tout le monde, devra savoir de la spiritualité africaine. Une des raisons de l’initiation est que l’acquisition de connaissances spirituelles s’accompagne de connaissances scientifiques que les initiés sont réfractaires à livrer. Au niveau démocratique, on enlèvera une bonne partie de la science complexe. Ce niveau implique donc la propagation d’un message simplifié dont les éléments pourraient être :
- Il faut faire du prosélytisme : Il faudrait diffuser, de manière absolument décomplexée, au maximum le message démocratique. Il faudrait ici recruter des adeptes à travers tous les moyens de communication moderne. Ceci est une véritable révolution dans la spiritualité africaine qui n’en a pas fait depuis l’époque du culte d’Isis.
- Il faut une seule forme de cette spiritualité. Bien que l’islam et le christianisme aient unifié les Arabes et les Européens, il y a eu et il y a des affrontements violents entre les courants. Les catholiques contre les protestants jusqu’à nos jours en Irlande du nord, les sunnites contre les chiites dans le golfe persique. Il doit donc y avoir une seule forme de la spiritualité africaine. En Afrique la spiritualité traditionnelle n’est plus organisée. Les Africains qui n’ont pas de base recevraient donc la religion réformée sans problème, comme une religion nouvelle. Mais dans des pays comme le Bénin ou le Togo, où le Vaudoun est fort et organisé, les adeptes se montreraient réfractaires au changement. C’est pourquoi il faudra faire une grande place aux éléments du Vaudoun dans la réforme, afin de la faire accepter à ses adeptes.
En résumé, la spiritualité africaine devrait se reformer, avec la création de deux niveaux de connaissance. Le message simplifié serait un Dieu androgyne à qui on accède par un ancêtre, un livre d’enseignements des formes de Dieu, un pèlerinage dans les grands Lacs. Il faudrait faire du prosélytisme avec ce message simplifié en 3 points pour regagner les cœurs et permettre à l’Afrique de faire efficacement face à ses défis. Tout ceci suppose bien entendu une savante organisation en amont.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)