Issu d’une famille Soninké et Toucouleur, Mohammed Sylla Touré fut un lieutenant de l’armée et administrateur pendant le règne de Sonni Ali Ber, fondateur de l’empire Songhaï. Gouverneur d’Hombori, il portait le titre de Hombori-koï. Il faisait partie des élites musulmanes opposées à Sonni Ali en raison de la fidélité de ce dernier au Vitalisme (animisme).
Certains avancent qu’il aurait tué l’empereur par empoisonnement. Sonni Baru, fils et successeur de Sonni Ali, proclama haut et fort son appartenance au Vitalisme et abandonna complètement l’islam, ce qui attisa la colère des élites musulmanes qui s’organisèrent pour le renverser. Mohammed Touré fit tuer l’empereur Sonni Baru et prit le trône du Songhaï en 5729 de l’ère africaine (1493 après JC), en portant le titre d’Askia.
L’Askia Mohammed souffrait d’un manque de légitimité au trône du Songhaï, vu le coup d’état qui lui permis d’y accéder. L’empereur fit donc un pèlerinage retentissant à La Mecque, escorté par 500 cavaliers et 1000 fantassins et emmenant 300 000 pièces d’or avec lui. Le tiers fut donné aux aumônes à la Mecque et Médine. Il y fut fait Calife du Soudan (C’est à dire Afrique). Il acheta des immeubles pour les pèlerins de son pays dont le coût d’entretien était très élevé.
Sur le plan régional, le roi mena de nombreuses guerres d’expansion avec un esprit djihadiste. Il s’empara des mines de sel de Taghaza au nord dans le Sahara, de nombreuses villes fortifiées Haoussa au sud-est, d’une partie du Niger actuel jusqu’à Agadès au nord-est, et de territoires à l’ouest jusqu’à l’océan atlantique avec la Sénégambie.
Askia Mohammed ordonna aux Mossi de s’islamiser et reçut un refus catégorique. Il échoua ainsi à s’emparer des royaumes vitalistes au sud, après juste avoir fait saccager des marchés. Grâce aux guerres de conquête, le Songhaï devint aussi vaste que l’Europe de l’ouest, soit près de 2 à 3 millions de Km2.
Sur le plan intérieur, il fit appliquer un islam strict en emprisonnant les couples adultérins notamment. L’empereur améliora les conditions de vie de la caste inférieure des dépendants en baissant fortement leurs impôts mais il vendait des enfants de cette caste pour fournir ses armées en chevaux. Il développa l’éducation et accentua la renommée de Tombouctou.
L’université de Sankoré avec ses milliers d’étudiants produisit à cette époque des chercheurs distingués et des travaux de très haute qualité en sciences humaines, en sciences exactes, en médecine. On opérait la cataracte avec succès au Songhaï. La renommée de Tombouctou, sous l’impulsion de Mohammed Touré, fut mondiale.
Le souverain développa les échanges économiques intérieurs et internationaux, renforça le système de taxes, d’impôts et de régulations. Tombouctou, Djénné et Gao étaient les centres commerciaux de l’empire qui s’enrichissait. Les routes commerciales étaient sécurisées par l’armée. La marine et l’armée de terre étaient particulièrement fortes. Les chevaliers portaient des côtes de maille en fer.
L’Askia fit régir l’empire par une administration sophistiquée héritée de la tradition locale. Il le divisa en provinces, cantons et villages. Les gouverneurs de province portaient le titre de Fari, qui est un mot dérivé de Per aa (Pharaon). On avait ainsi le Dendi-Fari, le Kormina-Fari etc… Les villes étaient gouvernés par le Farba, le Mondzo et surtout le Koï, qui était le nom des rois du Soudan à l’époque pharaonique. On avait donc le Tombouctou-Koï, le Djenné-Koï, le Djerma-Koï etc…
Les Koï étaient chefs administratifs et militaires et avaient une garde territoriale. Les ministres portaient quant à eux les titres de Farma. Le Sao-farma était le ministre des forêts, le Lari-farma était le ministre des eaux etc… On avait ensuite les Assara-moundio qui étaient des commissaires de police, les Anfara-kouma qui étaient des juges traditionnels etc… Cette administration sophistiquée était africaine.
Aveugle et vieux, Mohammed Touré fut déposé par son fils Moussa au milieu de conflits de succession. Il mourut à 95 ans, après avoir porté l’empire Songhaï à son apogée.
Hotep !
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Notes :
- L’Afrique Noire Précoloniale, Cheikh Anta Diop
- Black History Pages
- Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
- The destruction of Black civilization, Chancelor Williams