Afrocentricité ? Afrocentrisme ? Afrocentrique ? Afrocentriste ? Avec la visibilité grandissante qu’a la vérité historique racontée par les Africains, ces mots sont très souvent utilisés dans les débats, souvent avec beaucoup de confusion. Ils renferment pourtant des idées capitales, que nous allons tâcher d’expliquer dans cet article.
Qu’est-ce que l’Afrocentricité ?
L’Afrocentricité (Afrocentricity en anglais) est un courant de pensée théorisé par les universitaires noirs aux États-Unis. Cette pensée postule qu’il faut vivre en faisant de l’Afrique le centre de tout. Le terme a été créé par l’africain-américain Molefi Kete Asante.
Dans son livre L’Afrocentricité, traduit de l’anglais au français par Ama Mazama, le Pr Asante nous dit ceci « L’Afrocentricité nous presse (nous Africains), nous commande de nous réinscrire, de nous repenser, comme sujets de notre propre existence (…) elle n’exige rien de moins qu’une (…) reconstruction volontaire et consciente de nous-mêmes sur des bases africaines.»
Concrètement l’Afrocentricité est une démarche intellectuelle, positive, de retour à l’Afrique véritable. Il s’agit pour les Africains (et les Africains des Amériques), de vivre selon l’identité africaine authentique, et regarder le monde selon elle. Il s’agit de renaitre en embrassant nos ancêtres, en continuant leur expérience, tout en l’adaptant au monde d’aujourd’hui. C’est par conséquent, rompre avec la pensée occidentale et la pensée arabe, qui nous ont été imposés par des siècles d’une considérable violence.
Sur le plan personnel, être afrocentrique c’est s’aimer physiquement avec sa peau et ses cheveux notamment. C’est s’engager à porter des noms africains, comme l’a fait Molefi Kete Asante, né Arthur Lee Smith Junior. C’est retourner à la spiritualité et la philosophie africaines (Maât). C’est parler ou apprendre à parler des langues africaines. C’est designer l’Afrique comme son berceau identitaire.
Sur le plan des institutions, être afrocentrique c’est rejeter la pensée néocoloniale. C’est refonder les sociétés africaines et les États africains selon les systèmes politiques, économiques, culturels, philosophiques, juridiques etc… qu’ont mis en place nos ancêtres.
Afin de dégager les théories qui doivent servir à construire l’Afrocentricité, il faut avoir une connaissance précise des anciennes sociétés africaines et donc de l’histoire africaine. Et c’est justement la volonté de vivre selon l’Afrique authentique qui a amené Cheikh Anta Diop à fouiller dans le passé. Cheikh Anta Diop est ainsi le précurseur et la figure tutélaire de ce qui est devenu le mouvement afrocentrique. Lui et ses suivants, en plus d’avoir réussi à dégager les contours théoriques de l’Afrocentricité, ont retrouvé 3 thèmes majeurs de l’histoire africaine :
L’Afrique est le berceau de l’humanité. Tous les peuples de la planète descendent de la femme et l’homme noirs.
L’Afrique est le berceau de la civilisation, qu’elle a porté à son sommet en Égypte ancienne.
C’est cette Égypte strictement noire et africaine ou son héritage, qui est à l’origine de la civilisation en Asie (Phénicie, Mésopotamie, Perse, Inde), en Amérique (Caral, Olmèque, Maya), et enfin en Europe (Grèce, Rome).
Tout Afrocentrique retourne intellectuellement à l’Afrique authentique, et s’appuie pour ce faire, sur la connaissance précise de son histoire. C’est donc surtout à ce deuxième aspect de l’Afrocentricité, celui de l’histoire, que le milieu intellectuel occidental a déclaré la guerre.
Qu’est-ce que l’Afrocentrisme ?
Depuis la période de la traite négrière où l’Occident a décidé de chasser les Africains de l’espèce humaine pour justifier leur mise en esclavage, il a cru avoir pour de bon, étouffé notre voix sur les grandes questions du monde.
La civilisation occidentale moderne est née pendant la traite et les théories mensongères, mises en place pour construire la suprématie des Blancs et justifier leurs privilèges, sont toujours celles sur lesquelles se fonde l’Occident. En gros, le rôle mythologique des Noirs et de l’Afrique depuis la traite, est d’être inférieurs pour que les Blancs et l’Occident se sentent supérieurs.
Il est donc pour l’élite occidentale inadmissible que nous, Êtres infiniment méprisables et qui lui appartenons, osions le défier, et disions avec preuves à l’appui que nous sommes les uniques civilisateurs de l’humanité, rôle historique qu’il nous a volés. Dire que l’Europe a été civilisée par l’Afrique est ressenti comme une insulte suprême, comme si on lui arrachait le coeur.
C’est pour ça notamment, qu’au-delà de présenter la civilisation égyptienne comme blanche, l’Occident cache absolument tout ce que l’Égypte a apporté au monde, parce qu’il sait très bien que c’est une civilisation noire. Seule ce qui ne peut être caché comme l’architecture est partiellement reconnu.
Complètement vaincu par les preuves scientifiques présentées par les Africains, le milieu universitaire occidental a donc décidé, pour sauver la suprématie blanche et l’hégémonie occidentale, de réagir avec l’insulte et l’invective.
Afrocentrisme est un terme inventé par Mary Lefkowitz, sociologue européenne-américaine. Elle n’est ni égyptologue ni historienne. Elle a popularisé le terme Afrocentrisme à travers un ouvrage tristement célèbre intitulé Not out of Africa : How Afrocentrism Became an Excuse to Teach Myth as History (Pas sortis d’Afrique : Comment l’Afrocentrisme est devenu une excuse pour enseigner le mythe à la place de l’histoire).
Mary Lefkowitz décrit l’Afrocentrisme comme un racisme à rebours, des Noirs vis-à-vis des Blancs, en réponse au racisme que les Africains ont subi des Européens.
Elle prétend que l’Afrique n’a pas d’histoire et que l’Afrocentrisme est le courant des Noirs, qui frustrés de n’avoir jamais eu d’histoire, s’en inventent une sans preuves et sans recherches. Le but étant de se donner de la consistance et se valoriser aux yeux des Blancs – qui ont tout créé – ainsi qu’aux yeux des autres peuples du monde.
Pour elle, ceux qui sont dans l’Afrocentrisme et qu’elle appelle Afrocentristes :
- Mentent quand ils disent que l’humanité est d’origine africaine, d’où le titre Not out of Africa (Pas sortis d’Afrique).
- Mentent quand ils disent que les anciens Égyptiens étaient strictement noirs et africains.
- Mentent quand ils disent que c’est cette Égypte noire qui a civilisé le monde y compris l’Europe ; et mêmes ses ancêtres grecs qui l’affirmaient sans cesse aussi, mentiraient également.
Mme Lefkowitz insulte Cheikh Anta Diop, en le traitant de fondateur de l’Afrocentrisme (c’est à dire du courant dont elle a elle-même inventé le nom), alors que ce mot n’existe dans aucun écrit ou discours du Pr Diop. Elle attaque tous les auteurs et chercheurs africains qui ont travaillé sur l’histoire de l’Afrique dans le sillage de Cheikh Anta Diop.
Et des médias, tambours de la suprématie blanche, ont vite fait de relayer ces termes « afrocentrismes et afrocentristes » afin de brouiller les pistes. Ce qui fait que ces mots se retrouvent sur les lèvres de beaucoup de gens qui les répètent sans savoir d’où il sortent, qui les a inventés et pourquoi.
Battu par la science, l’Occident a donc décidé de faire diversion. Il fuit la discussion scientifique où il s’est déjà fait et se fera toujours battre, et veut attirer les Africains uniquement dans un concours d’insultes.
Les Africains mentalement colonisés, au cerveau lavé par la suprématie blanche et aliénés au stade terminal, traitent aussi d’Afrocentristes, ceux des leurs qui font le travail sur la vérité historique. Pour eux, peu importe les preuves parfaitement claires, hors de question de les accepter et même de les regarder, si leurs maitres blancs ne donnent pas l’autorisation à leurs cerveaux de le faire.
En somme l’Afrocentricité est une démarche positive de retour à nous-mêmes en tant qu’Africains. C’est la construction de notre avenir, dans la continuité harmonieuse de notre héritage ancestral. L’Afrocentrisme est une insulte de l’Occident, en réaction à la vérité historique qui menace son hégémonie. Cette insulte a pour but de détourner la question de l’histoire, des faits scientifiques.
Nous finissons en disant que notre histoire, fondamentalement, n’est pas un débat avec d’autres. Aucun peuple ne va discuter de la véracité de son histoire avec un autre. Notre travail est de mener des recherches scientifiques rigoureuses, de trouver, d’affirmer, d’informer les Africains et dégager encore des théories afrocentriques pour construire notre avenir. Ainsi nous pourrons réellement contribuer à la marche de toute l’humanité.
Nous nous considérons résolument comme des AFROCENTRIQUES !!!
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite)