Il est fréquent d’entendre parler des arts primitifs africains, ou de voir des musées d’art africain en Afrique et à travers le monde. Mais ce terme « d’art africain », d’où vient-il ?
Il est patent que le terme « d’art africain » est un terme occidental. En effet ce que les occidentaux appellent « l’art africain », ce sont les masques, sculptures et statuettes, grandes ou petites – de bois, d’ivoire, de bronze, d’or etc… – qui ont été volées par l’Occident pendant la colonisation ou que les Occidentaux voient lorsqu’ils séjournent sur le continent.…
Mais est ce que ces milliers d’objets faits par les Africains au cours de leur longue histoire sont de l’art? Sont ils destinés à être regardés ou admirés?
La réponse est non, car l’art au sens des Occidentaux et dans un sens generalement accepté, consiste en la représentation du beau, des formes des Êtres et des choses telles qu’elles sont visibles dans la nature. Ainsi quand les Occidentaux font de l’art, ils reproduisent en tableaux ou en sculptures (parfois de manière fantaisiste, imaginaire ou de manière identique à la réalité), les choses (pierres, arbres, etc …) ou les êtres (humains, animaux, etc. …).
L’Occident considère que l’Univers – de l’élément le plus petit à l’élément le plus grand – est essentiellement matériel et visible. Alors ce sont les éléments matériels du monde, qui sont reproduits pour être continués à être exposés et vus publiquement dans des musées, ou achetés pour être vus par un privé.
Mais en Afrique les sculptures, statuettes, masques, etc… ne sont pas la continuation d’une philosophie matérialiste.
Les Africains considérent que l’Univers est composé de 3 éléments essentiels : le Spirituel (Ba), l’Energetique (Ka) et le Materiel (Khat). Le Spirituel et l’Energetique sont issus du Créateur; sont les éléments qui animent le matériel et lui permettent de vivre. Le Spirituel et l’Energetique priment donc sur le matériel. L’Invisible est superieur au Visible.
Par conséquent, l’Africain lorsqu’il fait des statuettes ou des sculptures, etc. ne cherche pas à matérialiser les choses telles qu’elles sont visibles à l’œil nu dans la nature, mais les choses invisibles, les esprits, les divinités, les esprits des ancêtres, etc.
Tous ces objets sont en réalité des supports matériels de l’Invisble et ont deux fonctions : peupler le monde terrestre d’esprits et ordonner la répartition des énergies.
Tous ces objets sont utilisés essentiellement pour exécuter des rituels et des cultes. Ce sont des objets de cultes qui ne sont donc pas faits pour être vendus ou exposés dans des musées comme des objets d’art.
L’africanologue camerounais Mbog Bassong nous en dit plus sur le pourquoi de ces statuettes et sculptures « Les objets sacrés ne sont pas des objets de musées (…) Toute la puissance de nos empires et royaumes ancestraux venaient de la position spatiale de ces objets, à l’entrée des temples ou des royautés, aux lieux névralgiques, telluriques ou énergétiques permettant de quadriller l’espace social. »
Par conséquent, prendre des masques africains ou des statues et des sculptures traditionnelles africaines et venir les accrocher chez soi comme si c’était une décoration, c’est comme rentrer dans une église, prendre une statue et venir la poser chez soi pour en faire un simple ornement.
En résumé les masques, statuettes et sculptures ne sont pas de l’art parce que :
- – Ils essaient de représenter l’invisible (Esprit, Energie) et non le Visible (Materiel).
- – Ce sont des objets de culte et non des objets destinés à être exposés et regardés.
La même chose peut être dite de la musique comme nous l’avons expliqué ici. Sa fonction originelle est de reproduire le bruit ordonné de la Création. L’Afrique ancienne, hyperspirituelle, fut très différente de l’Afrique matérialiste d’aujourd’hui.
Les objets sacrés africains sont toutefois à différencier des travaux artistiques des peintres, des sculpteurs africains contemporains, etc.… qui eux, font des sculptures et des tableaux autrement dit, de véritables arts africains contemporains, destinés à être vus et vendus.
Hotep
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)