Cet article est dédié à la plus grande femme de l’histoire, celle qui a enfanté l’humanité, celle qui a été vue comme un dieu pour la première fois, celle qui – très tôt en tant que 5e pharaon de l’Egypte unifiée – a été la première femme cheffe d’Etat de l’histoire, celle qui a dirigé partout des empires et mené des armées, mais celle aujourd’hui qui est rabaissée et qui souffre de nombreux problèmes. Cet article est dédié à la femme africaine. Puisse-t-il servir pour qu’elle retrouve sa fierté perdue.
Nos présents écrits viennent en complément de nos premiers sur les véritables origines de la circoncision et de l’excision en Afrique, sur les fondements du mariage en Afrique et surtout sur la tradition matriarcale africaine.
Les femmes représentent plus de la moitié de la population en Afrique. Mais force est de constater qu’elles passent souvent pour des citoyennes de seconde zone. Mis à part quelques exceptions comme le Rwanda, partout sur le continent noir, leur statut social est inférieur, le code de la famille fait de l’homme le chef tout-puissant, elles n’héritent souvent pas, elles subissent des violences conjugales, elles sont globalement absentes des cercles de décision politique, économique et religieuse. Comment résoudre ces problèmes ? Nous allons rentrer entièrement dans la tradition africaine pour proposer des solutions concrètes.
1. Renouer avec la philosophie ancestrale
“L’égalité dans la complémentarité”. Ces mots suffisent à exprimer la vision africaine fondamentale sur les relations entre les genres. En Afrique toute la pensée part de l’observation. Ainsi nos ancêtres dès les temps initiaux ont observé tout ce qui est et se sont rendus compte que tout est lié, que tous les éléments de la création se complètent les uns aux autres.
Leur travail dans la genèse de la pensée a consisté à comprendre le rôle de chaque élément en rapport avec les autres. La femme engendrant la vie est ainsi perçue dans la tradition comme ayant un pouvoir de création plus grand que celui de l’homme qui lui donne sa semence.
L’homme et la femme sont aussi vus comme des caractères contraires et complémentaires. La femme a un caractère généralement stable et fidèle, elle représente donc la Gravitation. L’homme a un caractère un peu dispersé, bouillant par sa force physique, il est le contraire de la femme, il représente la Dilatation. Il en résulte que la femme est un pilier solide, le pilier de la société. Alors pour nos ancêtres l’ordre de la société doit reposer sur la femme et l’homme a pour rôle de défendre cet ordre par sa force.
C’est ainsi qu’est né le matriarcat, c’est-à-dire la société avec la femme à sa tête et dont le statut est défendu par l’homme. Ce type de société a été le plus présent sur notre continent. Il a donc a été confié à la femme en Afrique le rôle de porter la légitimité du pouvoir, de le pérenniser, et de garantir par son caractère l’ordre et l’harmonie.
Concrètement en Afrique, la femme représente le pouvoir et son fils – le souverain effectif – exécute son pouvoir. Elle lègue son pouvoir à sa fille qui elle aussi le fera exécuter par son fils etc… Le roi règne donc avec sa mère et sa sœur dont il défend le pouvoir et est succédé à sa mort par son neveu utérin, c’est-à-dire le fils de sa sœur.
La figure tutélaire masculine dans la vie d’un enfant en Afrique authentique est le frère de sa mère et non son père. Le trône lui appartenant, la Reine-Mère a le pouvoir d’en démettre son fils le Roi voir de lui ordonner de se suicider s’il a gravement nui au peuple. Elle est, avec un rôle mi-honorifique, mi-exécutif, le plus haut personnage de l’Etat.
Elle prenait ainsi le titre de Mout Nsout en Egypte antique, Kandake au Soudan pharaonique, Linguère chez les Wolofs au Senegal, Asantehemaa chez les Ashanti, Madaki-Magadiya chez les Haoussa, Mefo chez les Bamilékés du Cameroun, Magira au Kanem Bornou (Lac Tchad), Namasole au Buganda, Namwari dans l’empire du Mwene Mutapa au Zimbabwe etc…
Cheikh Anta Diop disait dans L’unité Culturelle de l’Afrique Noire, page 114 « Le matriarcat (en Afrique) n’est pas un triomphe absolu et cynique de la femme sur l’homme ; c’est un dualisme harmonieux, une association acceptée par les deux sexes pour mieux bâtir une société sédentaire où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique. Un régime matriarcal, loin d’être imposé à l’homme par des circonstances indépendantes de sa volonté, est accepté et défendu par lui ».
On voit donc qu’en Afrique la valeur est déterminée par le caractère et les fonctions biologiques, et non par la force physique.
En sortant du continent pour aller peupler le reste de la Terre, le Noir fera face à l’environnement froid et démuni d’Eurasie où il deviendra blanc. Tout dans ce nouvel espace implacable dépend de la force physique. La survie n’est possible que pour celui qui en a le plus. Il n’y a plus de place ici pour la philosophie douce et les bons sentiments. C’est ainsi que l’homme prendra le dessus total sur la femme. C’est la naissance du patriarcat pur des Indo-Européens et des peuples sémitiques. La valeur ici dépend uniquement de la force.
Ce sont ces préceptes qui ont été inculqués aux Africains par les dominations arabes musulmanes et européennes chrétiennes. La vision dégradante de la femme qui existe aujourd’hui en Afrique est due surtout à des influences étrangères. L’Afrique doit donc renouer avec sa définition ancestrale de la valeur des genres. Les hommes aussi doivent redevenir ces Africains authentiques qui défendent les femmes.
2. Garantir l’égalité dans les institutions politiques
Suite à ce qui vient d’être dit, nous pensons qu’il s’impose d’inscrire dans les constitutions en Afrique l’égalité inaliénable entre l’homme et la femme. Pour ce qui est de la gestion du pouvoir, ce sont les Yoruba-Fon, les Ashanti et les Kongo aussi dans une moindre mesure qui nous donnent la principale solution.
Dans leurs sociétés anciennes, le roi gouvernait avec une assemblée d’hommes et une assemblée de femmes. C’est le système bicaméral réparti sur les sexes.
Il y aurait ainsi dans chaque pays d’Afrique une assemblée composée uniquement d’hommes à côté d’une assemblée composée uniquement de femmes, à nombre et pouvoir égaux, et qui valideraient ou pas les mesures du gouvernement. Les femmes pèseraient aussi de tous leurs poids dans la promotion de leurs intérêts et sur les grands sujets de sociétés. Aux élections législatives donc, les citoyens de chaque circonscription électorale auraient à choisir une femme et un homme qu’ils enverraient aux assemblées nationales.
3. Garantir l’égalité dans la religion
La religion dont il est question ici est la Spiritualité Africaine. L’islam et le christianisme sont des religions purement patriarcales et non-africaines. Il ne nous revient pas de les changer. Il y a aujourd’hui un travail naissant de promotion de la Religion ancestrale et ce courant doit élever de nouveau la femme sur le plan spirituel.
En Afrique la femme peut occuper tous les échelons de la Religion, jusqu’à en être le chef comme dans la république noire de Carthage, chez les anciens Haoussa ou les Ashanti mis en esclavage à la Jamaïque. Elle peut même être considérée comme la partie dominante de Dieu comme chez les Sérères au Sénégal avec Roog, les Haoussa avec Râ/Rana, ou dans le Vodoun au Bénin avec Mawu.
Le mouvement de renaissance du Vitalisme (animisme) devra veiller à rester fidèle à cette place donnée aux femmes par nos ancêtres. La doctrine qui est aujourd’hui en réécriture devra intégrer cela. Le mouvement devra garantir aux femmes l’exercice de la prêtrise à tous les niveaux.
4. Axer l’éducation des filles sur l’indépendance et non sur le mariage
« On conditionne les filles à aspirer au mariage et on ne conditionne pas les garçons à aspirer au mariage. Par conséquent il y a un terrible déséquilibre au départ. Les filles grandissent pour devenir des femmes obsédées par le mariage. Les garçons grandissent pour devenir des hommes qui ne sont pas obsédés par le mariage. Les femmes épousent ces hommes. La relation est automatiquement déséquilibrée car l’institution (du mariage) est plus importante que l’autre (compagnon).
Il n’est donc pas étonnant que dans beaucoup de mariages, la femme sacrifie plus que l’homme, à ses propres pertes, parce qu’elle doit constamment maintenir un échange déséquilibré. » Chimamanda Ngozi Adichie, écrivaine nigériane et féministe, reconnue comme une des plus grandes littéraires de notre génération.
Beaucoup d’hommes ne s’en rendent pas compte, mais aujourd’hui en Afrique les femmes sont mises dans une grande insécurité sociale dès le bas âge. Quand on dit à la petite fille « Ton frère aura l’héritage, toi tu iras en mariage (pour posséder des biens) » comme on le fait tout le temps, on lui envoie un message clair. On dit à la petite fille que le mariage est la seule façon pour elle de se réaliser. Le mariage est ainsi vu par la femme comme le graal du succès social et non plus pour ce qu’il doit être, c’est-à-dire la réunion du masculin et du féminin de Dieu, la rencontre heureuse entre deux personnes qui se complètent émotionnellement.
Il en résulte que beaucoup de femmes aiment plus le mariage que le mari et que certaines toléreront tout type de violences pour rester mariées. Il faut supporter le mariage dit-on ; Elle n’a qu’à supporter son mari. Le mariage qui devrait être le bonheur est devenu synonyme de sacrifices. Un mari sachant que sa femme est dans cette insécurité sociale, pourra en profiter pour la maltraiter psychologiquement voir physiquement.
Par ailleurs une femme en Afrique, peu importe son degré de succès professionnel, est vue comme inférieure si elle n’est pas mariée, si elle n’a pas été validée par un homme, si elle n’a pas été capable de décrocher le mariage. Tout cela, toute cette pression exercée sur les femmes pour qu’elles se marient est injuste. Il faut que ça s’arrête !
Concrètement il faut éduquer les femmes pour qu’elles soient des êtres financièrement indépendantes et professionnellement ambitieuses. Il faut répartir comme en Egypte ancienne l’héritage entre tous les enfants et non pas seulement entre les fils. Il faut propager l’idée du mariage comme l’union harmonieuse de deux cœurs et non pas comme l’ultime façon pour la femme de posséder des biens.
Par ailleurs, le nom en Afrique étant un des 9 attributs ontologiques comme le Ka (énergie) ou le Bâ (l’âme), il n’est pas pensable dans la tradition de renier son nom et donc son lien ancestral si sacré pour prendre un autre nom. Nous pensons donc que les femmes doivent garder leurs noms quand elles se marient et que la distinction Mademoiselle/Madame n’a pas non plus lieu d’être. La femme n’en sera pas moins liée à l’homme qu’elle aime.
La jeune femme mise ainsi en sécurité matérielle, pourra choisir sereinement l’homme avec qui elle aura un mariage et des enfants qui grandiront dans un foyer heureux et équilibré. Les femmes valorisées, les hommes seront plus respectueux d’elles, la société ne s’en portera que mieux.
5. Réinventer la complémentarité
La femme, du fait d’allaiter l’enfant, est perçue par la société comme la nourrice, celle à qui il revient de s’occuper des aliments. Ce rôle fondamental augmente sa valeur. C’est probablement pourquoi il a été confié aux femmes le fait de faire la cuisine. Loin d’être perçu fondamentalement comme une corvée, c’est un rôle valorisant qui découle de la philosophie. Dans le foyer donc, la femme se charge des aliments et l’homme du reste des travaux. Ainsi en Egypte, la femme allait au marché, et l’homme dans le foyer faisait du tissage… Il y avait en Afrique ancienne, une répartition du travail plus ou moins codifiée, entre les époux.
C’est pourquoi encore aujourd’hui un homme travaillant dans la cuisine du foyer est mal vu en Afrique car aux origines on pensait qu’il empiétait sur la valeur de la femme. L’indignation n’est pas du fait qu’il se rabaisse comme on a fini par le croire.
Quelle est la pertinence de cette répartition encore aujourd’hui ? Difficile à dire. Il faudra probablement un dialogue apaisé entre les hommes et les femmes pour repenser les contours de la complémentarité et décliner cela dans l’éducation. Mais il ne s’agira pas de faire la police dans les foyers pour vérifier qui fait quoi, chaque couple fera somme toute ce qui lui convient.
Enfin, le fait d’avoir pour l’enfant comme tuteur principal le frère de sa mère est tombé en désuétude. Le père a pris une place centrale aujourd’hui en Afrique et nous ne pensons pas qu’il faille revenir en arrière. Mais pour marquer le glorieux héritage du matriarcat africain et perpétuer son esprit, nous proposons que le chef du conseil des sages, l’instance suprême au-dessus du président et des deux parlements, soit toujours une femme.
En résumé, pour rendre à la femme africaine sa place et son honneur, nous pensons qu’il faut :
- Renouer avec la philosophie de l’égalité dans la complémentarité.
- Une égalité dans la représentation au sein des institutions politiques, et avec une femme comme chef de la plus haute institution : le conseil des sages.
- Une égalité dans la représentation au sein des institutions religieuses.
- Axer l’éducation des filles sur l’indépendance financière et revenir au sens premier du mariage.
- Repenser la répartition du travail au sein du couple.
PS : Nous avons affiné ces propositions dans notre article general sur les institutions africaines. Vous pouvez le lire en cliquant ici
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)