Il y a 3400 ans, le pharaon controversé écrivait un hymne sublime au Créateur et à son messager le soleil. A travers ce texte transparaît l’esprit pacifiste d’Akhenaton, la vision spirituelle africaine qui considère Dieu comme la force/l’énergie qui vit en toute chose, et l’amour du roi pour son épouse la reine Néfertiti.
Le soleil qui est la plus grande entité énergétique vue par l’homme et qui donne la vie à travers la photosynthèse des plantes et la liquéfaction des eaux, est considéré comme une forme miniature de Dieu, le messager du Créateur. Le culte du soleil se retrouve dans toute l’Afrique authentique, chez les Sérères du Sénégal, les Peuls en Afrique de l’ouest, les Haoussa du Niger-Nigeria ou les Bassa du Cameroun par exemple. Ce texte d’Akhenaton, par sa beauté, sa profondeur, la philosophie qu’il porte, est un sommet absolu de la littérature africaine.
Loin d’avoir créé le monothéisme comme on le dit, Neferkheperouré Wa-n-Ré Imanahotep Akh-n-Iten a réformé le Vitalisme (animisme) égyptien déjà monothéiste. Il a voulu ainsi en prendre le control et affaiblir l’autorité des prêtres corrompus. Nous avons examiné en détail les contours de sa réforme religieuse ici.
Le texte que vous allez lire a été transcrit par le très éminent égyptologue congolais Théophile Obenga dans son livre La philosophie africaine de l’époque pharaonique. Le texte ci-dessous est un extrait de ce livre pionnier de près de 600 pages que nous recommandons fortement à la lecture. Vous pouvez l’acheter en cliquant ici.
L’hymne d’Akhenaton
Khai ek nefer m akhet net pet pa Tu apparais, beau, dans l’horizon du ciel
Iten ankh shaa ankh iou ek Disque solaire vivant, qui a inauguré la vie
Ouben iti m akhet iabty Sitôt que tu es levé dans l’horizon oriental
Meh n ek ta neb neferou ek Que tu as empli chaque pays de ta beauté
Iou ek an iti our iti tehetj kai iti her tep ta neb Tu es beau, tu es grand, tu étincelles, haut au-dessus de tout l’univers
Setout ek ink sen taou r ra irti n ek neb Tes rayons embrassent les pays jusqu’à l’extrémité de tout ce que tu as créé
Iou ek m ra in n ek rawy sen Etant le soleil, tu as atteint jusqu’à leurs extrémités
Ouaf ek sen sak meriou ek Et tu les lies (pour) ton fils que tu aimes
Wati setout ek her ta Tu es loin (mais) tes rayons sont sur la terre
Tou ek m her sen bou nou shemet ek Tu es sur leurs visages (des hommes), (mais) ta marche n’est pas visible
Hotep ek m akhet imenty Lorsque tu te couches dans l’horizon occidental
Ta m kekou m sekher n met L’univers (est) dans les ténèbres à la manière de la mort
Sederou m shespet tepou hebes Ils dorment (les hommes) dans les chambres, têtes couvertes
N peter n iret sen nout Et aucun œil ne voit l’autre
Si taou khet sen neb iou kher tepou sen Si tous leurs biens qui sont sous leurs têtes étaient volés
N am sen Ils ne s’en apercevraient pas
Maiou neb peri m rewyt ef Tous les lions sortent de leur antre
Djedefout neb peseh sen Et tous les serpents mordent
Kekou haou ta m seger pa Ce sont les ténèbres d’un four et le monde gît dans le silence
Irr sen hotep m akhet ef C’est que leur créateur repose dans son horizon
Hedj ta ouben iti m akhet Mais à l’aube, dès que tu t’es levé à l’horizon
Pesedetj m iten m herou Et que tu brilles, disque solaire dans la journée
Ini ek kekou di ek setout ek Tu chasses les ténèbres et tu émets tes rayons
Tawy m heb Alors le Double-pays (Haute et Basse Egypte) est en fête
Res aha her redwy tjesy Car tu les as éveillés
Wab haou sen shesepou ounkhou Sitôt leurs corps lavés, ils prennent (leurs) vêtements
Awy sen m douat n khaou ek Et leurs bras sont en adoration à ton levée
Ta r djer ef irr sen kat sen L’univers entier se livre à son travail
Iaout neb hotep her semou sen Tout bétail est satisfait de son herbe
Shenou semou her akhakh Arbres et herbes verdissent
Apedou paou m seshesen Les oiseaux s’envolent de leurs nids
Denhou sen m douaout n kak Leurs ailes (déployées) en adoration de ton Ka (énergie)
Aout neb her tjebhen her redwy Toutes les bêtes se mettent à sauter sur (leurs) pattes
Pay khennit neb Tous ceux qui volent et tous ceux qui se posent
Ankh sen ouben n ek sen Ils vivent lorsque tu t’es levé pour eux
Ahaou m khedi khenty m mitti Les bateaux descendent et remontent le courant (pareillement)
Ouat neb oun n ha i ek Tout chemin est ouvert, car tu es apparu
Remou her iterou her tefet n her ek Les poissons dans le fleuve bondissent à ta face
Setout ek m khenou Ouadj our C’est que tes rayons pénètrent profondément dans la mer
Sekheper mayou m hemout Tu fais se développer les germes chez les femmes
Ir mou m remetj Et créer la semence chez les hommes
Sankh sa m het n mout ef Tu vivifies le fils dans le sein de sa mère
Segerhe sou m temet remout ef Et tu l’apaises avec ce qui fait cesser ses larmes
Menat m het Nourrice dans le sein
Redi tjaou r sankh iret ef neb Tu donnes le souffle pour vivifier chacune de tes créatures
Hai ef m het r teper herou mesou ef Lorsqu’elle sort du sein pour respirer au jour de sa naissance
Oupi ek r f her ked ir ek kheret ef Tu ouvres sa bouche tout à fait et tu pourvois à son nécessaire
Iou tja m souhet medou m iner Quand le poussin est dans son œuf et pépie (déjà) dans la coquille
Redi ek n ef tjaou m khou es r sankh ef Tu lui donnes le souffle à l’intérieur pour le vivifier
Ir n ek n ef demdjyt ef r sedjes m souhet Tu as prescrit pour lui son temps fixe pour la briser de l’intérieur
Peri ef m souhet r medet r demdjyt ef Il sort de l’œuf pour piauler, au temps fixé
Shem ef her redwy ef peri ef im es Et il marche sur ses pattes aussitôt qu’il en est sorti
Ashawy siry ek Quelles sont nombreuses les choses que tu as créées
Iou sheta m her pa Bien qu’elles soient cachées à la vue
Ntjer wa nen ky hery tep ef Ô Dieu unique qui n’a point un autre au-dessus de lui
Kema ek ta n ib ek Tu as créé l’univers selon ton cœur
Iou ek wa Etant seul
Temou menmenet aout neb Tous, hommes, troupeaux et bêtes sauvages
Nty neb her ta shemou her redwy Tout ce qui est sur Terre et marche sur les pattes
Nty m akhi her pa m denhou sen Ce qui est dans les hauteurs et vole de ses ailes
Khasout herou Koush Le pays des montagnes : Khor (la Syrie) et Koush (le Soudan)
Ta n Kemet Et la terre du Pays Noir (l’Egypte)
Redi ek s neb r set e ir ek kheret sen Tu as mis chaque homme à sa place et a pourvu à son nécessaire
Aa neb hery r ounmou ef heseb ahaou ef Chacun a sa nourriture et son temps de vie est compté
Nsou oupou m medout Les langues sont séparées dans (leurs) expressions
Ked sen m mitti inmou sensetjenyou Leurs caractères comme leurs peaux sont distincts
Setjeny ek khasetyou Puisque tu as distingué les étrangers
Ir ek Hapy m douat Tu crées le Nil dans le monde inférieur
Ini ek sou meri ek r sankh rehyt Et tu le fais venir à ta volonté pour faire vivre les gens
Mi ir ek sen n ek Comme tu les as créés pour toi
Neb sen raou oured im sen pa (Toi), leur Seigneur à tous, qui prend tant de peine avec eux
Neb n ta neb ouben n sen pa Seigneur de l’univers entier qui te lèves pour lui
Iten n herou aa shefyt Disque du jour au prodigieux prestige
Khasout neb ouat ir ek ankh sen Tout pays étranger, si loin soit-il, tu le fais vivre
Redi n ek Hapy m pet hay ef n sen Tu as placé un Nil dans le ciel qui descende pour eux
Ir ef henou her djouou mi Ouadj our Il forme les courants d’eau sur les montagnes comme la mer
R tekheb ahout sen m demiou sen Pour irriguer leurs champs et leurs villes
Semenkhwy sy sekherou ek pa Neb Nehehe Qu’ils sont efficients tes desseins, Seigneur de l’éternité
Hapy m pet sou ek n Khasetyou Un Nil dans le ciel, c’est le don que tu as fait aux étrangers
N aout djou neb shemou her redwy et à toute bête des montagnes qui marche sur les pattes
Hapy ii ef m douat n Ta meri (Tout comme) le Nil qui vient du monde inférieur pour le Pays aimé (L’Egypte)
Setout ek her mena akhet neb Tes rayons nourrissent toute la campagne
Ouben ek ankh sen red sen n ek Dès que tu brilles, elle vit et pousse pour toi
Ir ek terou r sekheper iry ek neb Tu fais les saisons pour développer tout ce que tu as créé
Peret r sekbeh sen hehe dep sout tou La saison Peret pour les rafraîchir et l’ardeur pour qu’ils te goûtent
Ir n ek pet ouatti r ouben im es Tu as fait le ciel lointain pour t’y lever
R maa iry ek neb Et pour embrasser de la vue tout ce que tu as créé
Iou ek wa iti Tu es unique
Ouben iti m kheperou m Iten ankh Lorsque tu t’es levé dans ta forme de disque vivant
Khaïti pesed iti Qui apparaît puis resplendit
Ouati khen iti Qui est loin, mais demeure proche
Ir ek hehe n Kheperou im ek Tu crées des millions de formes de toi-même
Wa iti (Tout en) Etant seul
Niouout demiou ahyout ma tjenou ouat Iterou r mou Villes, districts, champs, Chemins, fleuves
Gemhe tou iret neb r aka sen Tout œil te voit en face de lui
Iou ek m Iten n herou her tep ta Parce que tu es le disque du jour au-dessus de la Terre
Shem n ek n ounen iret neb kema ek her set Mais parce que tu es parti, plus aucun des êtres n’existe que tu as créé
R tem ek maa haou aa Pour ne te point contempler (uniquement) toi-même
Iret n ek (Bien que) nul (ne te voie) de ceux que tu as créés
Iou ek m ib i Tu demeures (pourtant) dans mon cœur
Nen oun ky rekh tou Il n’y en a point d’autre qui te connaisse
Oupou her sa ek Neferkheperouré Wa-n-Ré Excepté ton fils Neferkheperouré Wa-n-Ré (Akhenaton)
Di ek sesha ef m sekherou ek m pehty ek Car tu as fait en sorte qu’il connaisse tes desseins et ta puissance
Kheper ta her a ek mi ir ek sen L’univers est venu à l’existence sur ta main, comme tu l’as créé
Ouben n ek ankh sent Te lèves tu, il vit
Hotep ek met sen Te couches tu, il meurt
Netek ahaou r haou ek Tu es la durée de la vie elle-même
Ankh tou im ek On vit de toi
Ounen irty her neferou r hotep ek Les yeux ne cessent de fixer ta beauté jusqu’à ton coucher
Ouahtou kat neb hotepek her imenty On cesse tout travail lorsque tu te couches à l’Occident
Ouben sered n Nsout Dès ton levée, tu fais croître (toute chose pour) le Roi
Ouni m red neb Et la hâte s’empare de toute jambe
Djer sentj ek ta Depuis que tu as organisé l’univers
Outjes ek sen n sa ek peri m haou ek Et que tu les as fait surgir pour ton fils, sorti de ton corps
Nsou biti ankh m maât Neb tawy Neferkheperouré Wa-n-Ré Le Roi de Haute et de Basse Egypte, vivant de Maât (vérité et justice), le Seigneur du Double-Pays, Neferkheperouré Wa-n-Ré
Sa Râ ankh m maât neb khouou Akh-n-Iten Fils de Râ (Dieu), vivant de Maât, Seigneur des couronnes, Akhenaton
Aa m ahaou ef Grand dans sa durée de vie
Hemet Nsou ouret r mari ef Nabint tawy Nefer-Neferou-Iten Neferty-iity Et la grande dame qu’il aime, la dame du Double-Pays, Nefer-Neferou-Aton Nefertiti
Ankh iti renpi iti djet nehehe Puisse-t-elle vivre et rajeunir à jamais, éternellement.
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Source : La philosophie africaine de la période pharaonique, Théophile Obenga, pages 84 à 88