La spiritualité Haoussa

Le peuple Haoussa est en nombre un des plus importants peuples d’Afrique. On le retrouve au Nigéria et au Niger principalement. S’il est aujourd’hui vu comme un groupe enraciné dans l’islam, cela n’a pas toujours été le cas. Nous allons dans cet article étudier la religion authentique des Haoussa et surtout ses profonds liens avec les autres d’Afrique.

La célèbre cavalerie Haoussa

Aux origines

D’après la tradition Haoussa, leur ancêtre fondateur serait un homme venu de Bagdad dans les temps anciens. Il faut dire qu’on est ici – de toute évidence – face à une historicité revue pour les besoins d’une identité musulmane. Les Haoussa comme bien des peuples africains islamisés, se sont inventé malheureusement des origines en Orient. En réalité tout porte à croire que les Haoussa sont uniquement des Africains.

La langue Haoussa est une langue négro-africaine et même particulièrement proche de l’Egyptien ancien d’après l’Unesco. On étudiera la religion qui ne laisse aucun doute quant à cette origine intracontinentale. Par ailleurs, comme on le verra, le matriarcat – trait culturel propre au monde noir – fut exceptionnellement fort chez les Haoussa. 

Râ, l’énergie solaire 

Ra ou Rana signifie le soleil, ou le jour, ou la chaleur du soleil, chez les Haoussa. Rana était adoré comme une divinité féminine. Ceci est identique à l’Egypte ancienne où Râ était non seulement les rayons du soleil à leur zénith à Midi mais le principal nom de Dieu Lui-même–Elle-même. Chez les Bassa du Cameroun, c’est à travers le soleil que ce peuple donne à Dieu son nom le plus connu : Djob.

Le pharaon Akhenaton, qui se définissait comme Sa Râ (fils de Râ). Il fait ici des offrandes aux rayons du soleil qui apportent la vie, symbolisée par les croix d’Ankh aux bouts

Pour les Africains, Dieu est la puissance énergétique qui dispense la vie, la force créatrice qui englobe toutes les énergies existantes. Or, l’entité énergétique la plus puissante vue par l’homme est le soleil à son zénith. Ainsi les rayons du soleil et la chaleur qu’ils produisent sont considérés comme Dieu en miniature. C’est pourquoi ils portent le même nom que le Créateur.

On remarque que Rana, divinité tutélaire des Haoussa, était féminine. Partout en Afrique, la partie féminine de Dieu côtoie la partie masculine. Mawu/Lysa dans le Vodoun, Imana/Aminata en Egypte ancienne. De la même façon, il est avancé que Roog, nom de Dieu chez les Sérères du Sénégal, est en fait l’équivalent de Râ. Roog pour les Sérères est surtout féminin. Le fait que les Haoussa aient considéré Rana comme entité féminine est probablement en rapport avec le rôle nourricier du soleil, qui fait grandir le monde végétal.

Bori, le culte des énergies

Pour les Haoussa, il existe un seul courant d’Energie dans la nature et cette énergie est répartie dans chaque élément de la création. Le culte de ces énergies est appelé Bori. C’est encore ce que les peuples du Kodorfan au Soudan appellent Desatir. On est ici dans l’idée fondamentale de la Religion Africaine. Pour les Noirs, tout a été créé par une Energie initiale et chaque créature existante porte une partie de cette Energie.

Dieu est donc une Energie unique (initiale et totalisante) qui devient multiple quand Il-Elle est repartie dans chaque créature. C’est pourquoi les baKongo disent que Dieu vit l’expérience de l’unicité dans la multiplicité.

Ces sous-dieux ou énergies multiples sont appelées Iskoki par les Haoussa, Orisha par les Yoruba, Vodoun par les Fon, Ntjeru par les Egyptiens anciens, Ayaanle par les Somali etc… Il existe ainsi un Iskoki de l’eau, un du vent, un de la terre, un des arbres etc… C’est ce qu’on appelle en français un génie ou encore une forme de Dieu. Cette idée est générale au monde noir et malgache.

Architecture Haoussa
Remarquez les motifs en spirale qu’on retrouve également dans l’architecture Ashanti au Ghana. Dans la spiritualité africaine, Râ l’Energie initiale et créatrice, a pris une forme en spirale pour engendrer la création. La spirale est la forme sacrée en Afrique.

Lors du culte Bori, une énergie prend possession d’un homme (jakama-ta) ou d’une femme (jakama-shi) et converse avec lui. La même scène est décrite à Madagascar ou le Mpimasi (le prêtre) est possédé par une entité qui lui fait parler un langage inconnu. Les médecins traditionnels Haoussa, comme dans toute l’Afrique, invoquent les énergies pour qu’ils leur indiquent la solution pour le patient. La méthode est pratiquée par les N’anga chez les Shona du Zimbabwe ou les Sangoma des Zulu en Afrique du Sud.   

La place des femmes dans le Bori

Le Bori a à sa tête une femme (Magadja) et un homme (Adjingi). C’est donc un couple qui dirige la spiritualité. On se croirait en Egypte ancienne. La femme comme dans la république noire de Carthage avait beaucoup de poids chez les Haoussa dans la prêtrise, et même plus que l’homme. On voit ici le matriarcat africain dans toute sa splendeur. C’est pourquoi il y a eu des reines régentes (Magadjiya) chez les Haoussa. On peut citer la reine Bakwa Turunku et sa fille la légendaire guerrière Amina. L’héritage chez les Haoussa fut même matrilinéaire comme le veut la tradition dominante en Afrique.

Illustration d’Amina, la légendaire reine Haoussa
Auteur de l’illustration inconnu

Quand les Magadjiya dirigeaient le culte, on parlait alors de Bori-Magadjiya ou reine-prêtresse. C’est la même définition qu’avait la pharaon Hatchepsout. La Religion Africaine a cette particularité de permettre à la femme, contrairement aux religions révélées, de pouvoir occuper tous les échelons de la hiérarchie. Le matriarcat Haoussa s’est donc effacé devant le patriarcat islamique. Jusqu’à nos jours ce sont surtout les femmes qui pratiquent le Bori.  

La cérémonie du Bori

L’historien allemand Leo Frobenius nous a laissés une très belle description de la cérémonie du Bori au tournant du 20e siècle en visitant le Nigéria. Ce passage rappelle l’Afrique dans son entièreté ou encore la cérémonie Vodoun du Bois-Caimain en Haiti lors de la révolution. La prêtresse Vodoun Cécile Fatiman possédée exécutait alors des danses rituelles. Frobenius raconte :

« Les adeptes du Bori se réunissent pour la danse dans l’après-midi environ deux heures avant le coucher du soleil. Bientôt les sons des violons (Goye) et des guitares (Molo) retentissent, accompagnés par les calebasses (Koko), soit battus avec des bâtons ou, s’ils sont munis de rainures, tenus en avant de la poitrine du joueur, qui les gratte avec ses ongles en tournant sur lui-même, produisant ainsi un son bourdonnant. Puis la Magadja se lève. Elle porte deux ceintures de tissu, dans lesquelles les amulettes sont cousues, nouées ensemble au dessus de ses seins et de ses hanches. Dans sa main elle tient une mince tige de bronze.

Les prêtresses du Bori

A peine levant les pieds du sol, elle marche lentement vers l’avant; Ses mouvements deviennent bientôt plus vivants et elle suit l’accélération de la musique en battant le rythme sur le sol avec la plante des pieds. Soudain elle fait un saut et tombe par terre jambes écartées, seulement pour se lever et répéter la performance. Un gros mortier est alors apporté. La Magadja monte et en saute, secouant la terre ferme en tombant. Elle le fait trois ou quatre fois, jusqu’à ce qu’elle tombe épuisée dans les bras de ses servantes qui la couvrent confortablement avec un vêtement. La foule qui regarde jusqu’alors le souffle coupé remercie le danseur et les musiciens avec des cauris (équivalent à de l’argent dans l’Afrique ancienne) et de la kola.   

Alors les novices, les jeunes filles désireuses de pénétrer les mystères de la danse Bori, apparaissent. Avec des pas légèrement équilibrés et agitant un vêtement dans leurs mains, elles dansent au rythme de la musique, puis s’agenouillent devant la Magadja qui, pour ainsi dire, les bénit, pose ses mains sur leurs dos. Une autre femme Bori danse déjà, avec du bronze reposant sur ses hanches, son œil frénétique vers les cieux. Pendant tout ce temps, l’Adjingi reste à l’écart, impassible. Mais maintenant son corps est tout à coup convulsé, il arrache à l’air des claquements de doigts et prononce des mots sans signification. La foule maintenant fait place pour lui et certaines femmes le couvrent de vêtements. L’attaque (la possession) est bientôt terminée et l’Adjingi se couvre de vêtements. » [1]

En conclusion, la religion Haoussa reprend donc des grands piliers de la Religion Africaine, à savoir un Dieu unique qui est l’Energie créatrice répartie dans chaque élément de la Création, le Soleil qui est la principale entité énergétique visible et donc assimilé à une forme miniature de Dieu, la place prépondérante de la femme dans la pratique de la Religion. 

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

Partager
Twitter
Partager
Partager
error: Content is protected !!
Retour en haut