La prestigieuse histoire de la navigation africaine

L’Afrique a eu une expérience nautique considérable aux époques pharaonique et impériale. Cela lui a permis de parcourir la Méditerranée, l’Océan Indien et l’Océan Atlantique.

D’après l’historien africain-américain David Imhotep, la navigation humaine existe depuis 120 000 ans, et remonte donc à une époque où tous les humains modernes de la planète étaient noirs et vivaient en Afrique. C’est cette navigation préhistorique qui a permis à l’Africain de traverser l’Océan Atlantique pour peupler l’Amérique il y a 65 000 ans.

Cet article traitera, brièvement, plutôt de la navigation africaine sur une période allant de la première dynastie pharaonique égyptienne à la destruction des royaumes et empires africains par les esclavagistes portugais.  

La navigation à l’époque pharaonique (-3300 à 300)

La navigation égyptienne

Jusqu’aux décennies passées et peut être encore aujourd’hui, le peuple Buduma autour du Lac Tchad, fabriquait des bateaux en roseaux séchés de papyrus. Ces bateaux furent les premiers utilisés par les égyptiens anciens, avant même l’avènement des dynasties pharaoniques. 

En 1969, l’anthropologue et archéologue norvégien Thor Heyerdahl tente de démontrer que même le bateau primitif égyptien, celui en papyrus, pouvait traverser l’atlantique.
Construit par les peuples du Lac Tchad, Le premier bateau (Ra) part du Maroc et coule après 5000 km, non loin des Antilles. Thor Heyerdahl se rend compte qu’il a négligé un élément initial des plans égyptiens.
En 1970, un deuxième bateau corrigé, le Ra II part donc du Maroc et arrive jusqu’à la Barbade, démontrant que les Égyptiens ont bel et bien pu traverser l’Atlantique

C’est au temps du pharaon Snefru de la 4e dynastie que la construction de bateaux va se perfectionner. Les anciens Africains achetaient chez les Noirs du proche-Orient (phéniciens) le bois de cèdre qui leur permettait de fabriquer des bateaux longs comme 3 wagons de train.

Le pharaon Snefru au centre

Snefru fit construire 60 bateaux de 30 mètres en une seule année, puis 3 de 51 mètres, soit presque 3 fois plus long que le Santa Maria avec lequel Christophe Colomb arriva en Amérique. Ces bateaux permettaient aux Egyptiens de naviguer surtout sur le Nil et la Méditerranée orientale.

Le pharaon Sahuré de la 5e dynastie fut le premier à ordonner un voyage en terre sainte au pays de Punt comme la pharaon Hatchepsout de la 18e dynastie plus tard. Résolue à connaître la terre de Dieu afin de recevoir bénédiction lors de son règne, Hatchepsout fit partir – dans ce qu’elle considérait comme un haut fait de sa vie – 5 bateaux de 20 mètres depuis Abdjou (Abydos). Ces navires commandés par un soudanais, remontèrent le Nil sur près de 5000 km, jusqu’à la region des Grands Lacs africains où se situait Punt. 

Gravure de l’expédition de la pharaon Hatchepsout à Punt
Temple de Der el bahari
Reconstitution d’un bateau de l’expédition vers Punt par l’Université de Boston
Le bateau du pharaon Khoufou (Khéops)
Il mesure 43 mètres. Il ne peut pas naviguer. Il a probablement servi à des cérémonies religieuses.

La navigation carthaginoise

Ce sont les Noirs phéniciens qui fondèrent la république de Carthage en Tunisie actuelle en -814. Les phéniciens étaient les plus grands navigateurs de l’antiquité africaine, premiers civilisateurs – avec les Égyptiens – de l’Europe, et Maîtres de la Méditerranée qu’ils parcouraient souvent pour le compte de leurs frères égyptiens.

On retrouve les traces des phéniciens jusqu’en Grande Bretagne actuelle où ils allaient chercher des matières premières pour des besoins en infrastructure ou pour le culte de la Religion Africaine. Les gravures au Mexique prouvent que c’est un phénicien qui dirigea le bateau à bord duquel led Egyptiens arrivèrent en Amérique vers -700.

Concernant la navigation phénicienne de Carthage donc, elle fut à son apogée lors des guerres entre les carthaginois Amilcar et Hannibaal et l’empire romain. Les carthaginois disposaient à un moment de 350 bateaux dont des Trirèmes de 36 mètres propulsés par 170 rameurs.

Les bateaux les plus impressionnants de leurs flottes étaient des Quinquérèmes propulsés par 5 rangées de 270 rameurs disposés sur 2 étages et transportant 120 soldats. Ces Quinquérèmes pouvaient en tout transporter 400 personnes. 

Un navigateur phénicien
British Museum
Reconstitution en 3D de Carthage
Auteur inconnu

La navigation à l’époque impériale (300 à 1500)

La navigation sur la Côte Est

Les Bantous de la richissime civilisation Swahili (Tanzanie-Kenya), disposaient du Mtepe, un bateau pesant jusqu’à 70 tonnes, et qui pouvait traverser l’Océan indien et offrir en cadeau un éléphant aux Chinois au 13e siècle. Il existe une kyrielle de noms en Swahili désignant tout type de bateaux.

Il faut dire que la richesse extraordinaire de la Somalie, du Kenya, de la Tanzanie, du Mozambique et du Zimbabwe (Empire du Monomotapa), nécessitait une flotte importante pour le commerce avec Madagascar, l’Asie de l’ouest, la Chine, l’Inde, l’Asie du sud-est et l’Australie.

Les navigateurs européens en arrivant dans la région au 16e siècle, rencontrèrent ainsi  des anciens mozambicains vêtus de soie et très hautains, qui ne furent absolument pas impressionnés par leurs bateaux. Les techniques de navigation de la côte Est seront grandement influencées par les Arabes, alors maîtres politiques du monde, et qui faisaient l’essentiel du transport de marchandise sur l’Océan Indien.

Le Mtepe

La navigation du Maroc Impérial

La navigation de la civilisation noire du Maroc Impérial prit véritablement sa dimension sous le règne du roi noir almoravide Yusuf Ibn Tachfin. Guerroyant contre les chrétiens d’Espagne, l’empereur disposait d’une flotte immense qui pouvait traverser la Méditerranée. La présence de bateaux marocains est attestée sur les côtes de Syrie et de Palestine, où elle affrontait les chrétiens.

C’est pendant la dynastie suivante des Noirs almohades que la navigation marocaine va atteindre son apogée. Abd Al Mu’min, le premier roi de cette dynastie disposait d’une flotte de 400 bateaux amarrés aux différents ports des territoires almohades du Maghreb, de la  Lybie et d’Espagne que les Noirs maghrébins dirigeaient alors. Les Almohades se rendirent maîtres de la Méditerranée, à tel point que l’Egypte arabe requit d’être placée sous leur protectorat pour bénéficier de sa puissante flotte.

Dignitaires noirs du Maghreb en train de jouer aux échecs en Espagne
Source: the Golden age of the Moor, Ivan van Sertima, page 29

Nous ne disposons pas d’une description des bateaux utilisés par ces deux dynasties, mais la flotte arabe, alors la plus puissante au monde, disposait de bateaux dix fois la taille de ceux de Christophe Colomb. Vu l’influence arabe sur le Maghreb, cela nous permet d’imaginer à quoi pouvaient ressembler les bateaux du Maroc Impérial.

La navigation en Afrique de l’Ouest

Le fleuve Niger et ses civilisations grandioses a aussi connu une expérience nautique importante. Au temps de l’empire de Mali, le peuple Bozo fabriquait des bateaux cargos pouvant transporter 12 tonnes de marchandises.

Lors de la chute de ces civilisations avec la destruction du Songhaï par le roi noir du Maroc Ahmad Al Mansur, l’Askia (Empereur) fit évacuer la capitale Gao à l’aide de 3000 bateaux. Le portugais Cadamosto en entrant sur le fleuve Gambie au 15e siècle, dû faire face à l’attaque défensive d’Africains répartis par 30 dans de grands bateaux taillés dans un seul tronc d’arbre.

Mais c’est surtout le Mansa Abukakari II du Mali, qui fit construire sur les côtes de Sénégambie 200 puis 2000 bateaux pour son expédition vers l’Amérique en 1311 et 1312. Christophe Colomb lui-même rapporta les témoignages de navigateurs portugais qui lui disaient qu’il y avait des départs de bateaux d’Afrique de l’Ouest vers l’Amérique [1], et les Indiens d’Haiti lui dirent qu’ils étaient visités par des marchands noirs venant dans de grands bateaux commercer des lances appelés Goana/Guanin.

Colomb fit analyser une de ces lances en Espagne, et elle se révéla être composée d’un métal fait de 18 parts d’or, 6 d’argent et 8 de cuivre, absolument identique à celles d’Afrique de l’Ouest, métal que les Mandingues appelaient Ghana/Ghanin [2].

Mansa Abubakari II traversant l’océan atlantique, à la tête de sa flotte de bateaux en papyrus séché
Illustration de Khephra Burns, edité par Leo et Diane Dillon

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :

  • They Came Before Colombus : The African Presence in Ancient America; Ivan Van Sertima
  • Early America revisited, Ivan Van Sertima
  • Mastering The West : Rome and Carthage at war, Dexter Hoyos
  • La Flotte marocaine, Abdel Aziz Ben Abdallah
  • L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop
  • [1] Early America Revisited, Ivan Van Sertima, page 5
  • [2] Early America Revisited, Ivan Van Sertima, page 3
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