Le 20 Janvier 1973, Amilcar Lopes Cabral, un des plus illustres combattants pour la libération de l’Afrique, était assassiné. Hommage!
« Les Noirs en Afrique doivent être dirigés et organisés par les Européens (…) et être regardés comme des instruments de productions, organisés ou faits pour être organisés par une économie dirigée par les Blancs » Marcelo Caetano, ministre des colonies puis président du conseil des ministres du Portugal.
Après avoir, plus que tout autre nation esclavagiste européenne, détruit les civilisations africaines de l’époque impériale et plongé le continent noir dans l’apocalypse, les Portugais font de l’Angola, du Mozambique, de la Guinée Bissau, du Cap-Vert et de Sao Tomé, leurs colonies. Au sein de ces univers concentrationnaires, ils pratiquent un esclavage colonial et une ségrégation d’une violence sans limites.
Leur prédation est telle que des famines évitables font 50 000 morts au Cap-Vert au cours des années 40. Santiago, la plus grande et la plus peuplée des iles de l’archipel, perd jusqu’à deux tiers de sa population.
C’est dans cet environnement raciste et colonial que nait Amilcar Cabral en 1924 à Bafata, dans ce qui est alors appelé la Guinée portugaise. Il est de père capverdien et de mère guinéenne.
Bon élève, il est marqué par les famines de son époque et se destine à des études d’ingénierie agronomique. Il obtient en 1945 une bourse et voyage pour le Portugal. Conscient des injustices de son temps et prenant la vague des revendications indépendantistes qui traversent l’Afrique, Cabral s’y lie d’amitié notamment – et comme par magie – avec Agostinho Neto, futur premier président de l’Angola, et Eduardo Mondlane, futur père de l’indépendance du Mozambique.
Cette jeune élite noire des colonies portugaises fondent secrètement un centre d’études africaines au Portugal même, pour faire l’analyse des peuples sous la colonisation, et la promotion littéraire africaine. Amilcar Cabral est un esprit très brillant, réfléchi, déterminé et calme, un homme fondé de sociologie africaine et de théories politiques.
En 1952 il est définitivement de retour en Afrique. En Guinée Bissau, il occupe la fonction de directeur du centre expérimental agricole, et en profite pour étudier encore pendant quelques années, les structures socio économiques du pays, et s’imprégner des réalités. Démasqué par ses activités jugées suspectes, il est muté en Angola en 1955 par le gouverneur colonial de la Guinée Bissau.
Durant ce séjour en Angola, il participe à la création du célèbre MPLA (Mouvement pour la Libération de l’Angola) en 1956, mouvement qui donnera l’indépendance au pays. Durant cette même année, le 19 septembre, il crée avec 5 de ses compagnons le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée (Bissau) et du Cap vert (PAIGC). Le PAIGC sera tout d’abord une organisation clandestine et interdite, avant d’être reconnue officiellement plus tard. C’est le début de la lutte proprement dite. Il devient le secrétaire général du parti. Il se rapproche du courant de la négritude d’Aimé Césaire et des idées de gauche.
En 1957, Cabral organise secrètement en Guinée le PAIGC en créant plusieurs cellules clandestines. Il fonde également un mouvement syndical avec des personnes issues de la population urbaine. La stratégie non violente de revendications du PAIGC essuie le 3 aout 1959, des pertes importantes lors de la répression d’une grève d’ouvriers (Dockers de Bissau) par l’armée portugaise.
Cet évènement, comme le massacre de Sharpeville en Afrique du Sud en 1960, marque un tournant stratégique. Cabral comprend donc d’après ses dires que : « C’est seulement quand le nombre de cadavres de l’oppresseur est suffisamment grand qu’il commence à écouter. »
Il réorganise le PAIGC, en basant la lutte sur les populations des campagnes et sa connaissance du terrain. Devant l’intransigeance du colon, il est contraint de s’orienter, comme l’ont fait beaucoup à l’époque – Mandela en Afrique du sud, Um Nyobe au Cameroun – vers la lutte armée contre les Portugais. Les objectifs du combat sont :
– L’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap-Vert
– La recherche de l’unité culturelle économique, sociale et politique de tous les groupes ethniques dans ces endroits.
En 1963 la lutte armée éclate entre le PAIGC et les colons portugais en Guinée Bissau. Amilcar Cabral et ses troupes qui jouissent d’un fort soutien des populations, se battent contre les Portugais sur plusieurs fronts, depuis la Guinée Conakry et le Sénégal voisins. La grande connaissance du terrain et des populations qu’il a développée au cours des années, va permettre à son organisation de mettre en déroute les portugais à plusieurs reprises, et de libérer de nombreuses régions en commençant par le sud du pays. Malgré le soutien de l’OTAN et donc de tout l’Occident, les colons enchainent les revers sur le terrain.
Cabral et son parti remplacent à partir des années 1964-1965, les structures coloniales par de nouvelles structures administratives et politiques dans les zones libérées, pour venir en aide aux populations, et résoudre leurs problèmes liés aux injustices coloniales. Dans le même temps il cherche à faire connaitre son mouvement à l’international afin d’avoir du soutien, et légitimer la nécessité de son combat.
En 1966 Cabral participe à Cuba à une conférence tricontinentale (Asie, Afrique et Amérique Latine), où est créée l’organisation de solidarité des peuples d’Asie d’Afrique et d’Amérique latine. Il s’affirme à l’international comme un révolutionnaire de premier plan.
Sur le terrain les troupes de résistants de son parti le PAIGC continuent le combat et à battre les Portugais. En 1968 le PAIGC a déjà libéré les deux tiers de la Guinée Bissau, contrôle tous ces endroits, renforce son administration, met en place les bases d’une réelle structure étatique, crée des écoles, des centres de santé, etc….
En 1969, devant toutes les avancés militaires et diplomatiques du mouvement d’Amilcar Cabral, les Portugais craignant que leur image ne soit entachée à l’international, promettent aux populations d’améliorer leurs conditions, et cherchent des Noirs à corrompre pour détruire le PAIGC. Mais ces tentatives n’empêcheront pas la progression du mouvement de Cabral, qui sera reçu par les autorités occidentales pour parler de son combat, défendre ses idées et son mouvement de libération. Il échappe a une tentative d’assassinat diligentée par les Portugais le 22 novembre 1970.
Proche de Nkrumah, de Sekou Touré et de Julius Nyerere, Amilcar Cabral est panafricaniste, et caresse aussi l’idéal d’un grand Etat africain unifié.
En aout 1971 l’organe dirigeant du PAIGC décide de préparer les conditions pour des élections en 1972, visant à former la première assemblée populaire de Guinée Bissau et du Cap-Vert. Ce qui fut fait.
En 1972, les Nations Unis reconnaissent le PAIGC comme représentant légitime des peuples de Guinée Bissau et du Cap-Vert. Désormais c’est avec cette organisation que les Nations Unies et les autres pays occidentaux discuterons concernant le cas de la Guinée Bissau et du Cap-Vert. Les Nations unies se mettent donc à condamner officiellement les manœuvres colonialistes portugaises. L’indépendance officielle est proche et la chute des Portugais n’est plus qu’une question de temps.
Le 20 Janvier 1973, Cabral est assassiné à Conakry sur ordre des colons. Des Africains au service des Portugais se sont infiltrés au sein du PAIGC. Ils fuient par bateau après leur forfait, avec des cadres du parti en otage. Ils sont interceptés par l’armée de Guinée Conakry. La douleur à travers toute l’Afrique est considérable. Amilcar Cabral est mort à 49 ans. Le « cancer de la trahison » dont il parlait et qui avait fait tomber Nkrumah, venait donc de lui ôter la vie.
Le 24 septembre de la même année, l’assemblée populaire formée l’année précédente par le PAIGC, promulgue la constitution et le 10 septembre 1974. Le Portugal reconnait l’indépendance du Cap-Vert et de la Guinée Bissau. Le PAIGC qui n’était pas parvenu à s’emparer des iles de l’archipel s’établit au Cap-Vert comme parti dominant.
Amilcar Cabral, disparu si tôt, a donc mené avec succès les deux territoires vers l’indépendance. Ce guerrier à la grande sagesse est vu comme un des leaders les plus charismatiques des indépendances africaines.
Il disait ainsi : « Personne ne peut douter, parmi notre peuple, comme chez tout autre peuple africain, que cette guerre de libération nationale dans laquelle nous sommes engagés n’appartienne à l’Afrique tout entière ! ».
La voix en Français d’Amilcar Cabral
Hotep à toi digne serviteur de la Maat !!!!
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :