amaDlozi pour les Zulu, Razana pour les Malgaches, Mudzimu pour les Shona, ils rejoignent le Budtenga (pays des ancêtres) pour les Mossi, ils vivent à Ginen pour les Haïtiens. Les ancêtres sont véritablement au centre de la spiritualité en Afrique, et comme on le verra pour tout ce qui touche à la pensée religieuse du continent noir, ce rite incontournable a une explication logique. La Religion étant la même sur tout le continent et à Madagascar, la cosmogonie d’Iounou en Egypte va nous servir de référence pour cet exposé.
Selon les anciens égyptiens, le corps humain est composé de neuf parties, trois seront étudiées pour cet exposé. Ce sont :
- Le Khat : le corps ou la matière, provenant des eaux primordiales (Noun) qui existaient de tout temps et possédaient les germes de vie ou particules.
- Le Ba : l’âme individuelle, permettant la pensée et les émotions. Il siège dans le coeur. Dieu, particule ayant la première pris conscience d’elle-même dans le Noun, s’est forgé son Ba. En tant que premier et plus ancien des ancêtres, Il-Elle l’a transmis plus tard aux hommes.
- Le Ka : L’énergie qui permet la vie. L’Ancêtre primordial (Dieu) une fois sorti du Noun et par son énergie ordonnatrice (verbe créateur), a animé les eaux primordiales, leur permettant ainsi de prendre vie. Dieu totalise toutes les énergies. Le Ka anime donc le Khat pour que la vie humaine se manifeste.
Le Khat est tout ce qui est palpable et visible, donc matériel. Le Ka et le Ba pour leurs parts sont invisibles, donc immatériels. Par conséquent, deux des constituants immatériels de l’être sont le Ka et le Ba. Le Ka étant assimilé à l’Ancêtre primordial.
Lorsqu’on meurt, le Khat (le corps) se décompose. Le Ba (âme) selon les égyptiens doit être jugé dans le tribunal des morts et s’il n’est pas lourd de péchés, il sera transmis à un nouveau-né (réincarnation), dans le cas contraire il est détruit. Pour en savoir plus sur le parcours de l’âme, cliquez ici
L’Energie quant à elle par principe ne meurt jamais. Elle se transforme mais elle ne disparaît pas. C’est une loi physique qui fait l’unanimité. Partant de cette conclusion, le Ka est donc éternel et c’est de ce constat qu’est né le principe de la vie éternelle de l’être humain chez les Africains. C’est pourquoi la mort, sous-entendu la disparition pure et simple, n’existe pas en Afrique. On parle de transition, de passage au Ka ou de passage à l’état divin. Le mort devient donc divin car il n’est plus que Ka.
Où va donc l’homme à travers son Ka après la mort ? Il rejoint les autres kaou (énergies) par ascension dans la lumière solaire. Le soleil est la plus grande entité énergétique visible par les Hommes, c’est la principale manifestation de l’Energie primordiale (Dieu) sur Terre. C’est son analogie sur Terre, car il permet aussi la vie à travers la photosynthèse des plantes et la liquéfaction des eaux. Ce faisant, rejoindre l’Energie primordiale requiert de passer par le soleil. L’énergie solaire est à son zénith à midi, on parle de Râ.
Le mort rejoint ainsi l’Ancêtre primordial et sert par conséquent d’intermédiaire entre Dieu et les vivants. Dieu étant caché (Imana/Amen) et difficilement accessible, les hommes sont pratiquement incapables de dialoguer avec Elle-Lui. Le mort qui n’est plus qu’énergie représente une étape intermédiaire entre les vivants et l’Ancêtre primordial. Le mort a côtoyé les vivants, reste en contact avec eux et côtoie Dieu. Il est entre deux mondes. Par des rites, le vivant doit entrer en contact avec son parent mort pour pouvoir lui adresser des messages qui seront transmis à Dieu. C’est un acte d’amour que l’ancêtre mort pose envers le vivant en le connectant à Dieu. Ce même amour qui a animé leur relation du temps de sa vie ou qui les lie par filiation, se continue dans l’au-delà.
D’après la spécialiste africaine-caribéenne en études africaines Ama Mazama, lorsqu’on verse de l’eau sale dans une cour au Togo, on demande aux ancêtres de reculer en leur disant « Agoo ». Un ancêtre n’est généralement oublié qu’au bout de cinq générations.
Pour ce qui est du Vodou qui est la spiritualité la mieux organisée en Afrique, elle présente bien entendu des similitudes avec l’Egypte. Le Ka n’est autre que le Selido dans le Vodoun ouest-africain et le Ti-bon ange dans le Vodou haïtien. Le Ba quant à lui est le Semedo ouest-africain et le Gros-bon ange en Haïti.
Nous poursuivons cet exposé en parlant de ce que la médecine appelle aujourd’hui L’expérience de mort imminente. S’il y a des différences selon les cultures, de manière systématique et répétée, partout dans le monde, des milliers de patients qui ont été morts avant d’être réanimés disent la même chose en revenant à la vie. Ils disent s’être élevés au dessus de leur corps, avoir été capables de voir ce qui se passait à travers les murs, avoir vu en haut « une lumière » dans laquelle ils entraient, avoir senti de manière très forte « une énergie », avoir été en paix et en tranquillité. Tout ceci donc, qui étonne, fait douter les plus grands savants occidentaux, ça fait des milliers d’années que les Africains l’ont décrit. Il faut que les Africains renouent avec leur connaissance du rôle de la vie, de la mort et du rôle du mort.
Quand on vénère l’ancêtre mort donc, on honore en réalité l’énergie divine donnée au commencement, qui lui a permis de voir le jour et qui lui survit après la mort. L’ancêtre mort est un intermédiaire entre l’Ancêtre primordial et les vivants, il est la principale voie de transmission des messages des vivants à l’Ancêtre primordial.
Enfin nous ajoutons les propos des initiés du Bwiti. Le Bwiti est une société d’Initiés de la Religion Africaine au Gabon. Quand une personne meurt, voilà comment les Initiés détaillent le parcours du défunt. Vous allez le voir, ça se passe de commentaires :
« O ô Lenda tsinzié, bepouya lalé ngomba Le mort a rendu l’âme
Miwongo ngadi douma kinguiri La lumière de l’éclair indique le chemin du ciel
Kounda meyabo, meyabo nguéna nguéna é po L’esprit est sorti et surveille le corps avec vigilance
Mongui dissoumba ma nkiunga ngwoua L’homme a changé de vie
Kéba, kéba mekabo, yah L’esprit erre dans les 4 directions de l’univers en cherchant sa place
Ngobe na melongo nia ke ngobe L’esprit arrive devant la table du jugement
Meyaya, yah! L’esprit est arrivé dans le séjour des morts
Me boa okane Je suis innocent (dit le mort)
Kouck o péka na riyanga L’esprit se déplace désormais selon sa volonté
Mebingo ya mekoukou ô ô mebingo Le soleil tout puissant arrive et nous permet de renaître de la lumière du jour » [1].
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Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- Civilisation ou Barbarie, Cheikh Anta Diop
- L’Impératif Afrocentrique, Ama Mazama
- [1] La Philosophie Africaine de la période pharaonique, Théophile Obenga, page 195.