Comment la traite négrière européenne a détruit l’Afrique

Le bilan humain

Le bilan de la traite européenne et de la traite arabe combinées s’élève à 400 à 600 millions de pertes humaines pour l’Afrique, d’après la géographe française Louise Marie Diop-Maes [1]. Ce chiffre comprend les déportés, les morts directes lors des razzias, les morts indirectes dues à l’implosion de l’organisation socio-économique – notamment la destruction d’une quinzaine d’Etats africains résistant à l’empire portugais aux 16e et 17e siècles – et le manque à naître.

Alors que la population était de 600 à 800 millions de personnes en Afrique au sud du Sahara au début du 16e siècle, elle n’était plus que de 200 millions vers la fin du 19e siècle.

African child enslaved in a cotton field, USA
Enfant africain mis en esclavage dans un champ de coton, USA

Attaquée sur ses côtes Ouest et Est par les Européens et sur le long du Sahara et la côte est par les Arabes, l’Afrique était devenue pendant 400 ans un triangle de la mort.

Le nombre de déportés quant à lui est difficile à estimer mais Mme Diop toujours le situe entre 25 et 40 millions pour les deux traites [2]. Si on retranche le chiffre corrigé de 11 millions retenus par l’universitaire américain Ralph Austen pour la traite arabe [3], on aboutit donc à 14 à 29 millions de personnes déportés par les esclavagistes européens.

Le bilan économique

En pénétrant en Afrique, l’empire portugais a détruit une quinzaine d’Etats riches et très structurés. Le Monomotapa, l’empire Kongo et ses royaumes vassaux, les royaumes de la Côte Est allant de la Somalie au Mozambique ont tous périt. 

Le coût de la destruction des Etats africains est de ce point de vue absolument inestimable. Alors que l’Afrique au 14e siècle était – avec l’empire du Mali à sa tête – probablement le continent le plus riche au monde d’après des témoignages de l’époque, elle a sombré dans la pauvreté avec la traite. L’état de délabrement de l’Afrique à la veille de la colonisation est le résultat des effets directs de la traite européenne. La traite négrière européenne représente LE tournant de l’histoire africaine.

Pour les nombreux autres Etats africains, tels le Danhomé et l’Ashanti, surtout à partir du 18e siècle, qui collaboraient avec les Européens en vendant leurs captifs de guerre, leur prospérité n’est pas allée bien loin. Ils ont pour leur part périt sous l’invasion coloniale.

La destruction de l’image des Africains

Afin de légitimer la mise en esclavage d’Etres humains, les nations européennes esclavagistes ont entrepris de chasser les Noirs de l’espèce humaine. Cela a commencé par l’éffacement du role civilisateur des Africains sur le monde. Toutes les civilisations noires anciennes devaient être blanchies pour bien faire croire qu’on ne faisait pas de mal en mettant en esclavage des non-humains.

L’Egypte, Carthage, le Maroc impérial, la civilisation maure, la Phénicie, Sumer en Mésopotamie, Stonehenge, la civilisation minoenne en Grèce, la civilisation étrusque en Italie, la civilisation olmèque en Amérique, toutes ces cultures majeures fruits du génie des Noirs devaient leur être niées désormais. Noir est ainsi devenu synonyme de sauvage et illogique.

La volonté de salir l’image de l’Afrique, ainsi que les préjugés sur les Noirs qui seraient par nature sales, malodorants, paresseux sont nés à cette époque. Toute cette attitude envers les Noirs perdure fondamentalement jusqu’à nos jours.

PS : Nous allons expliquer comment est-ce que Mme Diop est arrivée à ce chiffre de 400 à 600 millions de pertes humaines, qui apparaît très impressionnant. Le Professeur Louise Marie Diop-Maes (1926-2016), géographe française et épouse de Cheikh Anta Diop, a laissé à la postérité le bilan humain de l’holocauste noir à travers son ouvrage majeur Afrique noire, sol, démographie et histoire.

Elle est partie du premier recensement fait en Afrique au sud du Sahara qui comptait 148 millions de personnes en 1948. Grâce au taux de croissance démographique enregistré par la Documentation Française, elle est arrivée à 127 millions de personnes en 1930. Ce chiffre fut un plus bas historique mais c’est aussi en 1930 que des mesures sanitaires ont été prises, permettant à la population de s’accroître.

Louise Marie Diop
Louise Marie Diop

Après avoir détaillé les effets de la sanglante conquête coloniale et des terribles crimes coloniaux, elle est parvenue à un chiffre de 200 millions de personnes en 1850/1870, soit vers la fin de la traite européenne. Elle a alors utilisé la méthode reconnue du Pr G Duby, employée pour déterminer le bilan de la guerre de Cent Ans en Europe, consistant à comparer les feux de nuits allumés. Elle a associé à cela les décomptes de population relevés dans les documents africains de l’époque et par les explorateurs étrangers.

Louise Marie Diop-Maes a déterminé que le rapport était de 4 personnes avant la traite pour 1 personne après la traite en Afrique de l’ouest. Le rapport était plus élevé au Congo/Angola qui furent décimés, mais bien plus bas dans la région du Lac Tchad où la population était restée forte. C’est donc prudemment qu’elle a proposé un rapport de 3 à 4 personnes avant la traite, contre 1 après la traite, soit 600 à 800 millions contre 200 millions. D’où les 400 à 600 millions de pertes humaines.  

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes :                                                                       

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