Les Bamilékés sont un peuple de l’ouest du Cameroun. On les retrouve dans les parties francophone et anglophone du pays. Ils font partie avec les Bamoun et d’autres peuples du Cameroun anglophone, du grand groupe Grassfield.
La tradition orale des Bamilékés, consignée par Dieudonné Toukam dans Histoire et Anthropologie du Peuple Bamiléké, donne à ce peuple une origine égyptienne. Leur départ du Nil est situé au 9e siècle. Leur colonne migratoire est passée par le Lac Tchad. Au nord du Cameroun, ils ont eu maille à partir avec les Peuls et c’est au 12e siècle qu’ils migreront vers leur nouveau territoire plus au sud.
Le Cameroun est ainsi habité par de nombreux peuples d’origine égypto-soudanaise. On peut citer aussi les Peuls, les Bamoun qui sont apparentés aux Bamilékés, les Bassa, ou encore les Fang-Béti. Les Bamilékés comme les Bassa et les Fang-Béti semblent avoir quitté le nord du Cameroun vers le sud, très probablement en fuyant les invasions musulmanes.
Concernant la religion des Bamilékés, elle plonge ses racines dans la cosmogonie d’Iounou (Héliopolis) en Egypte. Nous allons donc faire un bref exercice comparatif entre la spiritualité Bamiléké, la cosmogonie d’Iounou et les autres spiritualités d’Afrique.
Un seul Dieu, qui est Energie mystérieuse et présente en toute chose
Le spiritualiste Bamiléké croit qu’un seul courant de conscience circule dans tout l’univers. Ce courant d’énergie, ce courant de vie, cette force que nous pouvons encore appeler puissance ou esprit imprègne tout l’univers et tous les êtres qui s’y trouvent. C’est la même force qui s’exprime dans toute la Création et à travers toutes les créatures. Les Bamiléké lui donnent le nom de « Si ».
Le spiritualiste Bamiléké croit que Si est incompréhensible pour l‘esprit humain. Le Créateur pour les Bamilékés est considéré comme une entité parfaite, impersonnelle et essentiellement constructrice et positive dans sa nature et son action.
Ce passage sur l’Energie chez les Bamilékés rentre aux fondamentaux mêmes de la définition de Dieu en Afrique. En Egypte, Imana/Amen (Dieu) est à travers sa manifestation Râ, l’Energie initiale à l’origine de la création. Après être sorti des eaux primordiales désordonnées (Noun), Imana a mis son énergie (Râ) dans les eaux riches en germes de vie, pour que la création commence et l’existence se manifeste.
Personne ne l’a jamais vu, personne ne l’a jamais connu, personne ne l’a jamais sondé, d’où son nom Imana qui signifie Mystère/Caché. De la même manière, Mawu (Dieu) est insaisissable dans le Vodoun du Bénin. Tout ceci est un écho aux Bamilékés qui disent que Si est le courant d’Energie incompréhensible à l’humain.
Dieu en tant qu’Energie est unique mais également multiple car il imprègne chaque élément de l’univers. Chaque créature vit parce qu’elle est dotée d’une partie de l’Energie. Dans la cosmogonie Fang d’Afrique centrale, il est dit d’Eyo (Dieu) « Eyô âng’ayô a ne viô », c’est-à-dire Eyo s’est alors multiplié comme des champignons.
Les Akan de Côte d’Ivoire et du Ghana disent dans le même sens que Nyame (Dieu) est spirituellement visible partout. Les baKongo disent que Dieu vit l’expérience de la multiplicité dans l’unité. Tout comme Si imprègne tous les êtres, Dieu en Afrique est l’Energie initiale et unique, qui s’est multiplié en imprégnant chaque élément de la création.
Les Ancêtres, intermédiaires vers Dieu
Les Bamiléké s’adressent à Si à travers des intermédiaires tels que les ancêtres. Le spiritualiste Bamiléké pense que seule la vie existe. Il croit que le phénomène de la « mort » tel que nous le connaissons est purement illusoire. A la mort, la force vitale/l’énergie se dissocie du corps et de l’âme, provocant la séparation définitive du corps spirituel d’avec notre corps matériel. On se sert aussi des éléments de la nature et souvent de l’état de Rêve pour s’adresser à Dieu.
Dans la cosmogonie égyptienne, c’est l’Energie d’Imana qui permet aux humains et à tous les éléments de la nature de vivre. En Afrique la mort, sous entendu la disparition pure et simple n’existe pas. Il y a plutôt séparation entre l’énergie donnée par Dieu et le corps matériel, que les Égyptiens appelaient respectivement Ka et Khat.
L’énergie ne pouvant pas mourir d’après un principe physique faisant l’unanimité, le mort accède donc à l’éternité. Si le mort a fait le bien lors de sa vie, son énergie rejoint les autres énergies ancestrales dans un endroit appelé Butdenga (pays des ancêtres) par les Mossi du Burkina Faso.
Le mort n’étant plus qu’énergie comme le Créateur, il est ainsi divin et capable de communiquer avec Dieu. La vénération des ancêtres est générale en Afrique. Dieu étant considéré comme le premier Ancêtre. Les ancêtres morts sont appelés Razana par les malgaches, Mudzimu par les Shona du Zimbabwe et amaDlozi par les Zulu d’Afrique du Sud.
Les Ancêtres bienfaiteurs sont souvent vénérés chez les Bamilékés à travers leurs crânes. Ceux-ci sont exhumés des années après avoir été enterrés et fond l’objet de cultes et d’offrandes. Cette pratique des crânes existait aussi chez les Fang-Béti du Cameroun et les Ovimbundu d’Angola.
Dieu éternel
Les Spiritualistes Bamiléké croient que Si, la Conscience unique, l’Energie universelle est sans origine et sans fin. En d’autres termes qu’elle n’a pas de borne et qu’il n y a pas de point identifiable où on peut affirmer qu’elle commence et ou elle finit.
En Egypte, Imana est Neb nehéhé, c’est-à-dire le Maître de l’éternité. Imana est également Neb r djer c’est-à-dire le Maître de l’univers et il dit « Iou ra.i m héhé », c’est-à-dire « ma parole n’a ni fin ni commencement ». Dans le même sens, pour les Akan, Dieu est Odomankoma c’est à dire l’Être infini. Tout ceci précise le caractère éternel de l’Energie qui ne meurt pas et qui circule dans chaque recoin de l’univers.
En résumé on retrouve donc chez les Bamilékés des principes spirituels généraux au monde noir, c’est à dire une Energie initiale créatrice qui est répartie dans chaque élément de la Création, et à laquelle on accède à travers un ancêtre mort.
Hotep!
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)
Notes :
- Royaume Batié
- Les cosmo-théologies philosophiques d’Héliopolis et d’Hermopolis, Mubaginge Bilolo
- Le Mvett, l’homme, la mort et l’immortalité, Tsira Ndong Ndoutoume, page 22 et 23
- Les larmes du soleil, Oscar Pfouma
- Histoire et Anthropologie du peuple bamiléké, Dieudonné Toukam, pages 9, 10 et 22