Oui, les Rois du Maroc, jusqu’au 18e siècle, étaient noirs. Ils ont porté le pays à son apogée historique.
Rappels
Afin de comprendre ce qui sera dit ici, nous invitons la lectrice et le lecteur à se documenter sur l’apparition des peuples blancs sur Terre et sur les étapes du peuplement de l’Afrique du nord. Pour synthétiser, les Noirs ont vécu de tout temps au Maghreb et représentaient l’essentiel de la population au temps des dominations romaine et arabe. Ce sont ces Noirs qui ont été au début désignés par le terme Berbères.
C’est véritablement la traite des Blancs chrétiens d’Europe par les Arabo-musulmans et la présence turque qui auraient changé le visage du Maghreb au point que nous connaissons aujourd’hui.
La dynastie noire et arabe des Idrissides (789 – vers l’an 1000)
C’est dans le cadre de l’invasion musulmane de l’Afrique que les Arabes entrèrent sur le continent noir en 639 et soumirent le Maghreb quelques décennies plus tard. C’est un arabe, du nom d’Idriss, qui fonda la première dynastie marocaine, celle des Idrissides. Il mourut en laissant son épouse berbère enceinte. Celle-ci mit au monde Idriss II, qui étendit le pouvoir de son père sur la région. Le fils de ce dernier, le roi Mohammed aurait également été de mère africaine.
La dynastie idrisside, d’essence africaine et arabe donc, s’est distinguée par une œuvre architecturale dans la ville de Fès et l’expansion de l’Islam. Elle déclina jusqu’à disparaître vers l’an mille. C’est véritablement la dynastie suivante des Almoravides, qui fit briller le Maroc.
La dynastie noire des Almoravides (1060-1147)
Dans le sahara occidental, le roi Yahya Ibn Ibrahim essayant d’islamiser ses sujets, ramena un leader religieux du nom d’Ibn Yacine qui échoua à les convertir. Yacine fut chassé par le peuple, et s’enfui vers le fleuve Sénégal où il rencontra plus de succès. Ayant finalement assez d’adeptes, il mena un djihad dans la région et baptisa ses suivants Almoravides, c’est-à-dire les combattants de la foi. Abu Bakar, autre leader des Almoravides, constitua par la guerre un empire allant du Maroc au fleuve Sénégal.
Il nomma son cousin Yusuf Ibn Tachfin régent du nord-ouest. Celui-ci conquit l’ancienne capitale Fès et une partie de l’Algérie. Après avoir mené un djihad qui ébranla sérieusement le puissant empire vitaliste (animiste) de Ghana en 1075, Abu Bakar retourna au Maroc. Là, il ne put que s’incliner devant le pouvoir affirmé de son cousin Yusuf Ibn Tachfin, qui fonda la ville de Marrakech. Tachfin est décrit dans les documents de l’époque comme un homme à la peau marron et aux cheveux crépus [2].
Yusuf Ibn Tachfin répondit à l’appel au secours des Noirs et des Arabes menacés par les chrétiens d’Europe. Le régent du nord-ouest africain conquit l’Espagne. Il se tailla ainsi un empire gigantesque qui regroupait l’Espagne, le Portugal, le Maroc, l’Algérie, le Sahara occidental, la Mauritanie, avec Marrakech comme capital.
L’historiographie marocaine considère que c’est avec la dynastie almoravide que commence véritablement l’époque impériale du Maroc, voir la naissance du Maroc tout court. Ce sont donc deux hommes noirs, Abu Bakar et surtout Yusuf Ibn Tachfin, qui ont fondé le Maroc impérial. La dynastie almoravide se distingua par une œuvre architecturale monumentale au Maroc. Elle fut balayée par la 3e dynastie des Almohades.
La dynastie noire des Almohades (1147-1269)
L’histoire de cette dynastie commença avec un berbère Masmuda, du nom de Ibn Tumart, éduqué en Espagne sous domination africaine. L’historien britannique Bernard Lewis rapporte les mots du commentateur arabe Abu Shama, qui décrivait les Masmuda comme des noirs [3]. Ibn Tumart finit par contredire la doctrine musulmane et créa le mouvement des Almohades, c’est-à-dire les unificateurs, qui rejetaient les personnages de l’Islam autres qu’Allah. Il alla jusqu’à défier lors de débats publics le roi Ali Ibn Yusuf à Marrakech, agressant la sœur de celui-ci parce que non voilée. Considéré comme radical, il fut banni de la ville.
Il se réfugia au sein de son peuple et vécut dans une grotte, n’en sortant que pour prêcher l’unicité de Dieu telle qu’il la concevait. Ayant suffisamment d’adeptes, il mena une guerre contre les Almoravides. A sa mort, c’est son lieutenant Abd-al Mu’min qui mit finalement un terme à la dynastie de Tachfin. Le nouveau roi – berbère d’Algérie – conquit le nord de l’Algérie, de la Lybie, jusqu’aux frontières de l’Egypte. Son petit fils Yakub Al Mansur conquit l’Espagne, assouplit le rigorisme religieux de ses prédécesseurs et retrouva la grandeur intellectuelle et architecturale des Almoravides.
Un des fils d’Abd-al Mu’min est décrit par un poète arabe qui l’a vu comme un homme à « peau noire » [4]. La mère d’Al Mansur est décrite comme une négresse [2] et Yakub Al Mansur lui-même était décrit comme un homme à peau marron [2]. Ce sont donc, exclusivement des Noirs qui sont à l’origine de la dynastie almohade.
Abu al-Hassan, le plus grand roi de la dynastie mérinide
Issus du peuple berbère des Zénètes, les Benu Merin constituent au départ les troupes de chevaliers et de chameliers des Almohades. Profitant de l’affaiblissement de leurs maitres, ils mènent pendant 25 ans la conquête du Maroc, jusqu’à prendre la ville de Marrakech en 1269 et faire disparaitre ainsi la dynastie almohade.
Les rois mérinides vont ambitionner également de reconstituer l’empire de leurs prédécesseurs sur tout le Maghreb et l’Espagne. Le roi qui a le plus porté cette volonté expansionniste est Abu al-Hassan. Il est ainsi considéré comme le plus grand roi de la dynastie des Mérinides. Abu al-Hassan est décrit comme un sultan noir [12]. Sa mère fut une éthiopienne.
Les troupes du roi vont franchir le détroit de Gibraltar pour sauver les territoires musulmans déclinants, face à la reconquête des chrétiens d’Espagne. D’abord victorieux, les querelles avec les sultans noirs locaux et la force grandissante des Espagnols, vont lui faire essuyer des revers. Le roi mène alors lui-même ses armées en Espagne et est vaincu à Rio Salado en 1340. Il abandonne ainsi ses ambitions européennes.
Parallèlement, il se lance à la conquête de tout le Maghreb et étend par de multiples batailles son pouvoir jusqu’aux frontières de la Lybie, avant là aussi de se retirer face aux contre-attaques des pouvoirs locaux. La dynastie mérinide va conséquemment entrer en déclin, et être remplacée par les Wattasides, avant l’avènement des Saadiens.
La dynastie noire des Saadiens (1554-1660)
Cette dynastie prit le pouvoir en contexte d’occupation du Maroc par l’Espagne et le Portugal. Le fondateur fut Mohamed as Cheikh. Son fils et quatrième roi Abd Al Malik fut décrit par le portugais Luis de Oxeda comme un homme « avec un nez plat et court… les lèvres épaisses… de couleur gris (qui est en fait une variante de la couleur noire foncée) » [7].
Un autre des fils du fondateur fut le père du roi Moulay Mohammed. Ce dernier fut décrit par les portugais qui l’ont vu comme “un Maure barbare”, “un Maure maudit”, “un Maure infidèle”, “noir dans son apparence et sanguinaire dans ses actes” [8]. Comme nous l’avons expliqué, le terme « Maure » en ces temps signifiait Noir.
Le fils de Moulay Mohamed est né d’une mère Peule comme l’a rapporté le chroniqueur malien Abderahmane Sa’adi [9]. Du nom d’Ahmad Al-Mansur, il fut décrit comme noir par le portugais Fray Luis Nieto [10] et est considéré comme le père du Maroc moderne pour avoir expulse les Européens de son territoire. C’est lui qui détruisit l’empire Songhaï en 1591, mettant fin à 1200 ans d’histoire glorieuse des empires de la boucle du Niger. Il eu avec son épouse noire Lalla Djuhar [11] deux fils Zidan Abu Maali et Mulay Abdullah Abu Faris, tout deux rois noirs donc.
Les fils de Zidan, au moins métis, vont se succéder sur le trône avant le dernier roi Ahmad el Abbas dont nous ne disposons pas d’informations. La dynastie saadienne fut donc presque entièrement noire.
Les fondateurs noirs de la dynastie Alaouite (1664 à nos jours)
Concernant la dynastie alaouite, elle fut fondée par Moulay al-Rachid, homme autochtone du Maroc. L’image authentique ci-dessus montre un Noir absolument typique. C’est donc un homme noir également qui a fondé l’actuelle dynastie royale marocaine à laquelle appartient le roi Mohammed VI.
Moulay Rachid avait le même père que son successeur Moulay Ismail. Ce dernier, né d’une femme noire mise en esclavage, est considéré comme un des plus grands, sinon le plus grand roi de l’histoire du Maroc. Il est l’ancêtre direct de l’actuel roi du Maroc. Avec 55 années, le règne de Moulay Ismail fut le plus long de l’histoire.
Il fut un guerrier redoutable et un conquérant, soutenu par ses 150 000 Noirs mis en esclavage – dit Abid al-Bukhari – qu’il acheta ou fit kidnapper, et qu’il rendit puissants. Il avait toute confiance en eux. Il fut aussi un bâtisseur, par le travail de ses 25 000 Européens mis en esclavage. On parle même de solidarité raciale entre le roi et ses guerriers noirs, ce qui laisse encore à penser que le Maroc avait déjà beaucoup blanchi à cette époque.
Le roi était en outre sous la grande influence de sa première épouse, Laila Richa, surnommée l’impératrice du Maroc, qu’un religieux français de l’époque décrit comme « noire, laide » et cruelle, autoritaire, méchante [5]. Après la mort du roi, ses fils vont se disputer le trône au milieu de guerres de succession, le tout arbitré par les Abid al-Bukhari qui furent finalement écrasés.
Quelque part entre le 18e et le 19e siècle, ce sont des rois métis et clairs de peau, qui vont commencer durablement à régner sur le pays jusqu’à nos jours.
Que faut-il retenir de tout ceci ?
On voit donc que ce sont les Noirs qui ont inauguré l’ère impériale marocaine, qui ont fondé au moins 4 des 7 dynasties royales marocaines ; qui ont porté le Maroc à son apogée politique à travers les dynasties almoravide et almohade. Cheikh Anta Diop faisait du Sahara une ligne de démarcation entre l’Afrique dite « noire » et le Maghreb devenu blanc à l’époque impériale. On sait aujourd’hui qu’il faut faire sauter cette barrière.
Il y avait donc une continuité de phénotype des deux côtés du Sahara, mais une discontinuité culturelle entre les ceux du sud du Sahara restés – en grande partie – authentiquement africains sur le plan culturel, et les premiers Berbères qui eux étaient fortement arabisés.
Tout n’est pas propre chez ces hommes glorieux, qui ont activement participé à la traite négrière arabo-musulmane et ont mis avec les Arabes et les Turcs, des Noirs et des Blancs en esclavage pour la production de richesses. Le système économique esclavagiste ayant été absent au sein des sociétés noires anciennes, l’exception du Maroc noir pousse à y voir une influence arabe.
Tout ceci montre l’apport prédominant des Noirs dans les civilisations d’Afrique du Nord. Nous sommes donc à l’origine des civilisations vitalistes (animistes) de l’Egypte antique et de Carthage, qui furent exclusivement noires. La civilisation maure en Espagne et le Maroc impérial – bien qu’ayant bénéficié d’apports arabes initiaux – sont aussi des civilisations noires. C’est la stricte vérité.
Ces premiers Berbères, avant le Christianisme et l’Islam, adoraient le Dieu unique Imana/Amen comme toute l’Afrique ancienne, ce que nous avons montré dans un article que vous pouvez lire en cliquant ici
Hotep !
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Notes :
-
- The Golden Age of the Moor, édité par Ivan Van Sertima
- Histoiredumaghreb.com
- Black Morocco : a history of slavery, race and islam, Chouki El Hamel
- Heredote.net
- Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo, pages 113 à 116
- Noir et Fier
- [1] BBC
- [2]The Golden Age of the Moor (l’Age d’or du Maure), édité par Ivan Van Sertima, page 374
- [3] Idem, page 57
- [4] Idem, page 55
- [5] Voyage de Constantinople pour le rachapt des captifs, Guillaume Jehannot, page 70, 71
- [6] The Golden Age of the Moor (l’Age d’or du Maure), édité par Ivan Van Sertima, page 371
- [7] La bataille de l’Oued el-Makhâzen, Pierre Berthier, page 55
- [8] Document of Universidade Nova de Lisboa, page 31
- [9] Timbuktu and the Songhay Empire, John Hunwick, page 258
- [10] Ahmad al-Mansur, Islamic visionnary; Richard Lee Smith, page 19
- [11] Program of African studies, Northwestern University, page 9
- [12] Popular movements and democratization in the Islamic world, Matatoshi Kisaichi, page 30