Les 3 étapes de la mort dans la pensée africaine

Que se passe-t-il lorsqu’une personne décède ? Que devient-elle ? La pensée et la spiritualité africaine ont répondu, avec pour certaines parties une frappante exactitude, depuis des milliers d’années à ces questions. Cette compréhension de la mort est comme nous le verrons, partagée par toutes les traditions du continent noir.

La spiritualité étant la même partout en Afrique, la cosmogonie d’Iounou (Héliopolis) en Égypte, va nous servir de fil conducteur pour cet article. Nos présents écrits viennent en compléments de nos articles sur le cycle de la vie dans la pensée de nos ancêtres, sur les raisons de la vénération des ancêtres en Afrique et sur ce qu’est vraiment un ancêtre dans la tradition africaine. Nous nous proposons ici, de faire une synthèse de ces trois articles et d’aller plus loin qu’eux sur la compréhension de la mort. 

Les traditions avancent que l’humain est composé de 9 parties. 3 seront étudiées dans cet exposé. Ce sont :

Le Khat : le corps ou la matière, forgé à partir des eaux primordiales (Noun). Ces eaux primordiales existaient de tout temps et possédaient les germes de vie ou particules de vie à l’état endormi.

Le Ba : l’âme individuelle, siège des émotions et comptable de la pensée. Il réside dans le coeur. Imana/Amen (Dieu), particule ayant la première pris conscience d’elle-même dans le Noun, s’est éveillé par son Ba. En tant que premier et plus ancien des ancêtres, Il-Elle a transmis l’âme plus tard aux humains.

Imana-Ra/Amen-Ra
Forme masculine, temple d’Hatchepsout

Le Ka : L’énergie qui permet la vie. L’Ancêtre primordial Imana, une fois sorti du Noun et par son énergie lumineuse Ra, a animé les eaux primordiales, leur permettant de prendre vie. C’est ainsi que le monde a été créé. Ra est l’énergie de toute la création. Chaque élément de la création porte une partie de Ra. Chaque partie de Ra est appelée Ka.

Ainsi, le Ka de l’humain anime donc son Khat (corps) pour que la vie humaine se manifeste. Chaque humain porte cette énergie lumineuse, dont l’action est dirigée par sa propre âme (Ba). 

Le vent est animé par une énergie, il a donc un Ka. Même chose pour l’eau ou la Terre etc… Les actions de tous ces Ka, contrairement au Ka de l’humain, sont dirigées par Imana. Ce sont ainsi des sous-dieux, des divinités ou des génies. D’où le fait qu’on parle du dieu du vent, dieu de l’eau, dieu de la terre etc… C’est surtout l’ensemble de ces énergies toujours dirigées par Imana, qui reste considéré comme Ra.

Le Soleil pour sa part, est le plus puissant Ka (énergie) visible par les humains. C’est pourquoi il est considéré comme la principale manifestation d’Imana ou comme une forme miniature d’Imana. D’où le fait qu’on donne au Soleil le même nom que l’énergie d’Imana, c’est-à-dire Ra.

La mort

A la mort, le Khat (le corps) se décompose. Les deux autres entités pour leur part, ne meurent pas. C’est pourquoi on ne parle pas de mort en Afrique. On parle de transition ou de passage au Ka. A partir de là, le Ka et le Ba vont commencer leur voyage vers l’au-delà.

1 – L’ascension du Ka et du Ba

Le Ka et le Ba sortent du Khat. Le mort est maintenant une énergie consciente qui flotte au-dessus de son propre corps. Une lumière apparait en haut. Elle guide le Ka et le Ba vers le ciel. Les deux entités entrent dans la lumière et commencent ainsi leur ascension. Elles montent vers l’au-delà. Une fois arrivées, elles vont connaitre des destins séparés mais liés.

2 – Le jugement dernier du Ba et la réincarnation

Le Ba arrive dans la salle du jugement dernier ou salle dite des deux Maât. Ici, il doit prouver qu’il a fait le bien (Maât) toute sa vie. Ce tribunal est présidé par Ousiré (Osiris), fils et manifestation de la bonté d’Imana. Ousiré est le premier Être dans l’histoire à avoir réalisé toutes les étapes du parcours de la mort par sa pratique de Maât.

La salle des deux Maât (source image : ancienegypte.fr)

Le défunt est introduit dans la salle du jugement dernier par Horo (Horus), lui-même fils et réincarnation d’Ousiré. Horo est représenté sous les traits totémiques du faucon. Inpu (Anubis), sous les traits totémiques du chien, met d’un côté de la balance le coeur du défunt où se trouve son Ba.

De l’autre côté de la balance, est posée une figuration de Maât ou simplement la plume de Maât. Djehouty (Thot), manifestation des savoirs d’Imana, est représenté par l’Ibis totémique. Il note le jugement. Sur la balance, le coeur du défunt doit être léger comme la plume de Maât, pour prouver qu’il n’est pas lourd de péchés.

Si le jugement est positif, on dit que le défunt a été justifié. Son âme va être transmise à un nouveau-né (réincarnation). Si le jugement est négatif, l’âme est détruite, le Ka devient une énergie nuisible (mauvais esprit). Le sort du Ba détermine celui du Ka. Le défunt qui a passé avec succès le jugement dernier devient un ancêtre divin ou un ancêtre saint, qui peut approcher Imana. Ousiré prononce sa justification. Son Ka peut donc gagner le monde des ancêtres divins.

La pharaon Pay Ndjem Maryimana (Pinedjem I), faisant face à Ousiré après avoir été justifié dans la salle des deux Maât, et avant que son Ka ne gagne le monde des ancêtres.

3 – La résurrection du Ka et la fusion avec Ra

Le défunt justifié va se réveiller à travers son Ka lumineux. C’est la résurrection. Il arrive dans le monde des ancêtres, un monde appelé Butdenga par les Mossi du Burkina Faso ou Ginen dans le Vodou haïtien. Ce monde est peuplé de Ka lumineux. Il n’y a que des Êtres de Lumière.

Le Ka lumineux du défunt rencontre les Ka lumineux des autres ancêtres divins et rencontre la Conscience (Imana). Le Ka lumineux va fusionner avec l’ensemble des énergies dirigées par Imana. Il entre dans la lumière divine, une lumière aussi forte que le Soleil (Ra). Comme le dieu du vent ou le dieu de l’eau, le défunt devient donc une divinité, c’est-à-dire une énergie agissante contrôlée par Imana.

Ces 3 étapes sont par exemple lisibles dans l’éloge funéraire de Menkheperrè Djehouty-Messou (Thoutmosis III), le plus grand pharaon de l’histoire.

Le scribe Imana m Heb fit part du décès du pharaon par ces mots, retranscrits par antikforever.com « Le Roi avait accompli son temps, de nombreuses belles années de courage, de force, de triomphe depuis l’an 1 jusqu’à l’an 54 (de son règne), le dernier jour du 3e mois de Peret (28 Janvier), en la Majesté du Roi de Haute et Basse-Egypte, Menkheperrè, justifié. II s’éloigna donc vers le ciel, s’unissant à l’astre (solaire), le corps de la divinité (Ka) se fondant en celui qui l’a fait (Ra)« .

Menkheperrè Djehouty-Messou
Temple de Deir el Bahari

Ces trois étapes sont retrouvées à l’identique dans le Bwiti. Le Bwiti est l’ordre religieux des Apindzi du Gabon. Ils décrivent le parcours de la mort par ces mots :

« O ô Lenda tsinzié, bepouya lalé ngomba Le mort a rendu l’âme 
Miwongo ngadi douma kinguiri La lumière de l’éclair indique le chemin du ciel (Ascension)
Kounda meyabo, meyabo nguéna nguéna é po L’esprit est sorti et surveille le corps avec vigilance 
Mongui dissoumba ma nkiunga ngwoua L’homme a changé de vie
Kéba, kéba mekabo, yah L’esprit erre dans les 4 directions de l’univers en cherchant sa place
Ngobe na melongo nia ke ngobe L’esprit arrive devant la table du jugement
Meyaya, yah! L’esprit est arrivé dans le séjour des morts
Me boa okane Je suis innocent (dit le mort) (Jugement dernier)
Kouck o péka na riyanga L’esprit se déplace désormais selon sa volonté
Mebingo ya mekoukou ô ô mebingo Le soleil tout puissant arrive et nous permet de renaître de la lumière du jour ». (résurrection et fusion avec Ra)

Ces 3 étapes sont retrouvées dans toutes les traditions africaines. Hormis par l’analyse de tous les récits, comment le sait-on ?

Les fameux maquillages rituels pendant les cérémonies aux ancêtres en Afrique, sont faits pour imiter les ancêtres divins. On se peint ou se badigeonne de blanc, pour représenter les Êtres de Lumière. On retrouve cette pratique partout en Afrique (depositphotos.com)

En résumé

A la mort, le Khat (corps) se décompose. Le Ba et le Ka (âme et énergie) montent au ciel, c’est l’Ascension. Le Ba (âme) passe le jugement dernier. Si le Ba n’est pas justifié dans la salle du jugement dernier, le Ka (énergie) devient une énergie nuisible (mauvais esprit). Si le Ba est justifié, le Ka est donc bon et divin. Il se dirige vers le monde des Ancêtres bienfaiteurs. Le Ka du défunt justifié se reveille dans le monde des énergies des défunts (monde des Ancêtres). Il s’unit à l’Energie lumineuse du Créateur-de la Créatrice. C’est la résurrection et la fusion avec Râ.

Le Christianisme

On rappelle que le Christianisme est une copie inavouée, pour ne pas dire le plagiat, du culte d’Aïssata Mari-Amen (Isis aimée d’Imana) mélangé aux traditions juives. Aïssata est l’épouse d’Ousiré et vierge mère de leur enfant roi Horus. C’est dans le cadre du culte d’Isis qu’était célébré Osiris.

Ousiré est le premier Être à avoir vécu les 3 étapes de la mort (ascension, réincarnation (dans son fils), résurrection). Après sa résurrection, Ousiré est descendu pour se poser entre le monde des morts et le monde des vivants. Ainsi il a présidé au jugement des défunts afin de définir qui peut aller dans le monde des ancêtres divins.

Le parcours de la mort, inauguré sur le plan mythologique par Ousiré, est le parcours de toute personne ayant obéit à Maât. Ces étapes ont donc été vécues par de très nombreuses personnes depuis la création de l’humanité. Le Christianisme qui a repris les récits africains, associe pourtant ce parcours aux personnages de Jésus et sa mère, parcours présenté comme extrêmement spécial.

Par ailleurs vu la véritable origine du concept de jugement dernier, on peut donc dire, contrairement à ce qu’attendent les chrétiens fervents, que Jésus ne reviendra pas pour juger les vivants. Cette notion est juste un mauvais plagiat du mythe d’Osiris.

Que dit la science moderne sur la mort ?

C’est à la fin du 19e siècle que l’Occident invente le terme Expérience de Mort Imminente (EMI), pour décrire le vécu de personnes qui sont mortes avant de revenir à la vie. Avec les techniques modernes permettant de réanimer les morts, ces expériences sont de plus en plus rapportées.

Depuis des siècles que les témoignages sont collectés, les grandes lignes du récit sont assez constantes. Sylvie Cafardy, médecin qui s’occupe des personnes âgées, a mené des études sur l’EMI. Elle dit en 2020 dans un article d’Europe 1 :

« Ils (les morts) se sentent sortir de leur corps et leur lucidité est exacerbée » (…) Concrètement, ils semblent souvent voir ou entendre des choses qui sont hors de la portée de leurs sens (…) Ils traversent un tunnel qui peut être lumineux et qui aboutit à un océan de lumière. Certains perçoivent par exemple une lumière décrite comme 1.000 fois plus intense que celle du Soleil, mais qui n’éblouit pas ». Parfois, ils croisent aussi « un être de conscience. À ce moment-là, les ‘expérienceurs’ accèdent à un amour et à une connaissance totale. Certains reconnaissent même des proches décédés ».

Beaucoup de personnes ayant vécu un EMI décrivent aussi avoir vu des Êtres de Lumière. Absolument tous ceux qui ont vécu un EMI disent, une fois revenus, ne plus avoir peur de la mort, tant l’expérience était pleine d’amour, de joie et de paix. 

On voit donc que la science moderne décrit depuis seulement un siècle, un parcours que les Africains ont codifié dans leurs traditions depuis des milliers d’années. Et encore aujourd’hui, le milieu scientifique en Occident a beaucoup de doutes sur ces témoignages, alors que l’Afrique depuis l’antiquité en a fait une vérité établie.

Les Africains, dans le culte des ancêtres, ne parlent donc pas à des morts qui seraient dans un endroit imaginaire, mais bel et bien à des vivants par leurs énergies, qui font partie de la lumière d’Imana.

« La facilité avec laquelle nous renonçons, souvent, à notre culture ne s’explique que par notre ignorance de celle-ci, et non par une attitude progressiste adoptée en connaissance de cause » Cheikh Anta Diop

Le Pharaon Aoutibra Saré Horo, 13e dynastie. Il porte sur la tête l’écriture hiéroglyphique du Ka. Il s’agit de deux bras levés vers le ciel en signe d’éternité.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

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