Pourquoi les Africains vénèrent-ils les Ancêtres?

amaDlozi pour les Zulu, Razana pour les Malgaches, Mudzimu pour les Shona, ils rejoignent le Budtenga (pays des ancêtres) pour les Mossi, ils vivent à Ginen pour les Haïtiens. Les ancêtres sont véritablement au centre de la spiritualité en Afrique, et comme on le verra pour tout ce qui touche à la pensée religieuse du continent noir, ce rite incontournable a une explication logique. La Religion étant la même sur tout le continent et à Madagascar, la cosmogonie d’Iounou en Egypte va nous servir de référence pour cet exposé.

Un esprit africain, Illustration de Ricardo Chavez Mendez

Selon les anciens égyptiens, le corps humain est composé de neuf parties, trois seront étudiées pour cet exposé. Ce sont :

  • Le Khat : le corps ou la matière, provenant des eaux primordiales (Noun) qui existaient de tout temps et possédaient les germes de vie ou particules.
  • Le Ba : l’âme individuelle, permettant la pensée et les émotions. Il siège dans le coeur. Dieu, particule ayant la première pris conscience d’elle-même dans le Noun, s’est forgé son Ba. En tant que premier et plus ancien des ancêtres, Il-Elle l’a transmis plus tard aux hommes. 
  • Le Ka : L’énergie qui permet la vie. L’Ancêtre primordial (Dieu) une fois sorti du Noun et par son énergie ordonnatrice (verbe créateur), a animé les eaux primordiales, leur permettant ainsi de prendre vie. Dieu totalise toutes les énergies. Le Ka anime donc le Khat pour que la vie humaine se manifeste. 

Le Khat est tout ce qui est palpable et visible, donc matériel. Le Ka et le Ba pour leurs parts sont invisibles, donc immatériels. Par conséquent, deux des constituants immatériels de l’être sont le Ka et le Ba. Le Ka étant assimilé à l’Ancêtre primordial. 

Lorsqu’on meurt, le Khat (le corps) se décompose. Le Ba (âme) selon les égyptiens doit être jugé dans le tribunal des morts et s’il n’est pas lourd de péchés, il sera transmis à un nouveau-né (réincarnation), dans le cas contraire il est détruit. Pour en savoir plus sur le parcours de l’âme, cliquez ici

L’Energie quant à elle par principe ne meurt jamais. Elle se transforme mais elle ne disparaît pas. C’est une loi physique qui fait l’unanimité. Partant de cette conclusion, le Ka est donc éternel et c’est de ce constat qu’est né le principe de la vie éternelle de l’être humain chez les Africains. C’est pourquoi la mort, sous-entendu la disparition pure et simple, n’existe pas en Afrique. On parle de transition, de passage au Ka ou de passage à l’état divin. Le mort devient donc divin car il n’est plus que Ka. 

Le Pharaon Aoutibra Saré Horo, 13e dynastie. Il porte sur la tête l’écriture hyéroglyphique du Ka. Il s’agit de deux bras levés vers le ciel en signe d’éternité.

Où va donc l’homme à travers son Ka après la mort ? Il rejoint les autres kaou (énergies) par ascension dans la lumière solaire. Le soleil est la plus grande entité énergétique visible par les Hommes, c’est la principale manifestation de l’Energie primordiale (Dieu) sur Terre. C’est son analogie sur Terre, car il permet aussi la vie à travers la photosynthèse des plantes et la liquéfaction des eaux. Ce faisant, rejoindre l’Energie primordiale requiert de passer par le soleil. L’énergie solaire est à son zénith à midi, on parle de Râ.  

Nelson Mandela, whose coffin was covered with a lion skin, went to meet his ancestors precisely at midday when the sun was at zenith, according to the Xhosa rites. The Xhosa are from Egypt
Nelson Mandela, dont le cercueil était recouvert d’une peau de lion, a rejoint ses Ancêtres à midi précise, au moment où le soleil était à son zénith, d’après les rites Xhosa d’Afrique du Sud. C’est cette ascension africaine qui a de toute évidence permit d’écrire le mythe de l’ascension de Jésus. On voit ici que ce passage incompris de la vie de Jésus prend tout son sens quand on rentre aux sources africaines que les peuples étrangers ont copié sans comprendre. 

Le mort rejoint ainsi l’Ancêtre primordial et sert par conséquent d’intermédiaire entre Dieu et les vivants. Dieu étant caché (Imana/Amen) et difficilement accessible, les hommes sont pratiquement incapables de dialoguer avec Elle-Lui. Le mort qui n’est plus qu’énergie représente une étape intermédiaire entre les vivants et l’Ancêtre primordial. Le mort a côtoyé les vivants, reste en contact avec eux et côtoie Dieu. Il est entre deux mondes. Par des rites, le vivant doit entrer en contact avec son parent mort pour pouvoir lui adresser des messages qui seront transmis à Dieu. C’est un acte d’amour que l’ancêtre mort pose envers le vivant en le connectant à Dieu. Ce même amour qui a animé leur relation du temps de sa vie ou qui les lie par filiation, se continue dans l’au-delà.

D’après la spécialiste africaine-caribéenne en études africaines Ama Mazama, lorsqu’on verse de l’eau sale dans une cour au Togo, on demande aux ancêtres de reculer en leur disant « Agoo ». Un ancêtre n’est généralement oublié qu’au bout de cinq générations.

Pour ce qui est du Vodou qui est la spiritualité la mieux organisée en Afrique, elle présente bien entendu des similitudes avec l’Egypte. Le Ka n’est autre que le Selido dans le Vodoun ouest-africain et le Ti-bon ange dans le Vodou haïtien. Le Ba quant à lui est le Semedo ouest-africain et le Gros-bon ange en Haïti.

Image probable du pharaon Pay Ndjem (Pinedjem I), se présentant devant Ousiré pour le jugement dernier de son Bâ. Cette image est tirée de ce que beaucoup d'africanologues considèrent comme le livre saint africain, livre appelé Livre des morts par les Occidentaux. Le véritable nom de ce livre est "Raou nyou peret m herou", c'est à dire "Le livre de la sortie (du défunt) vers la lumière du jour"
Image du pharaon Pay Ndjem (Pinedjem I) décédé, se présentant devant Ousiré (Osiris) pour le jugement dernier de son Bâ (âme).
Cette image est tirée de ce que beaucoup d’africanologues considèrent comme le livre africain le plus saint, livre appelé Livre des morts par les Occidentaux. Le véritable nom de ce livre est « Raou nyou peret m herou », c’est à dire « Le livre de la sortie (du défunt) vers la lumière du jour »

Nous poursuivons cet exposé en parlant de ce que la médecine appelle aujourd’hui L’expérience de mort imminente. S’il y a des différences selon les cultures, de manière systématique et répétée, partout dans le monde, des milliers de patients qui ont été morts avant d’être réanimés disent la même chose en revenant à la vie. Ils disent s’être élevés au dessus de leur corps, avoir été capables de voir ce qui se passait à travers les murs, avoir vu en haut « une lumière » dans laquelle ils entraient, avoir senti de manière très forte « une énergie », avoir été en paix et en tranquillité. Tout ceci donc, qui étonne, fait douter les plus grands savants occidentaux, ça fait des milliers d’années que les Africains l’ont décrit. Il faut que les Africains renouent avec leur connaissance du rôle de la vie, de la mort et du rôle du mort. 

Quand on vénère l’ancêtre mort donc, on honore en réalité l’énergie divine donnée au commencement, qui lui a permis de voir le jour et qui lui survit après la mort. L’ancêtre mort est un intermédiaire entre l’Ancêtre primordial et les vivants, il est la principale voie de transmission des messages des vivants à l’Ancêtre primordial.

Enfin nous ajoutons les propos des initiés du Bwiti. Le Bwiti est une société d’Initiés de la Religion Africaine au Gabon. Quand une personne meurt, voilà comment les Initiés détaillent le parcours du défunt. Vous allez le voir, ça se passe de commentaires : 

Initiées du Bwiti en 2000 Photo de Laurent Sazy
Initiées du Bwiti
Photo de Laurent Sazy

« O ô Lenda tsinzié, bepouya lalé ngomba Le mort a rendu l’âme

Miwongo ngadi douma kinguiri La lumière de l’éclair indique le chemin du ciel

Kounda meyabo, meyabo nguéna nguéna é po L’esprit est sorti et surveille le corps avec vigilance 

Mongui dissoumba ma nkiunga ngwoua L’homme a changé de vie

Kéba, kéba mekabo, yah L’esprit erre dans les 4 directions de l’univers en cherchant sa place

Ngobe na melongo nia ke ngobe L’esprit arrive devant la table du jugement

Meyaya, yah! L’esprit est arrivé dans le séjour des morts

Me boa okane Je suis innocent (dit le mort)

Kouck o péka na riyanga L’esprit se déplace désormais selon sa volonté

Mebingo ya mekoukou ô ô mebingo Le soleil tout puissant arrive et nous permet de renaître de la lumière du jour » [1]. 

Pour en savoir plus sur la Religion Africaine dans son entièreté, cliquez ici

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)

Notes : 

  • Civilisation ou Barbarie, Cheikh Anta Diop
  • L’Impératif Afrocentrique, Ama Mazama
  • [1] La Philosophie Africaine de la période pharaonique, Théophile Obenga, page 195.
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