Il y a 1700 ans, le peuple Soninké fondait en Mauritanie, au Mali et au Sénégal actuels, un Etat sophistiqué et richissime, qui allait inaugurer l’époque glorieuse de l’Afrique Impériale.

Aux origines

Wagadou été fondé par les Soninké, qui ont laissé leurs empreint sur toutes les caractéristiques de cet empire. De la transmission matrilinéaire du pouvoir qu’on retrouve dans tout le monde noir, aux rites funéraires, à la présence d’une nécropole où étaient enterrés les rois et qui rappelle beaucoup l’Egypte, à la spiritualité africaine qui était pratiquée jusqu’au sommet de l’Etat, et à la langue Soninké des régnants qui est restée strictement africaine, c’est ce peuple d’Afrique de l’Ouest, qui est à l’origine de la fondation de Wagadou, c’est-à-dire le pays des nobles.
Les Soninké sont d’après les travaux de Germaine Dieterlen et Diarra Sylla, originaires d’Egypte, de la ville de Souené (aujourd’hui Assouan) plus précisément [1]. Souené-nké (Soninké) signifiant ceux qui viennent de Souené. Leur ancêtre tutélaire Dinga aurait quitté l’Egypte pour s’établir en Afrique de l’ouest. C’est eux qui vont conquérir, grâce à leur supériorité dans la maîtrise des armes en fer et à la diplomatie, des territoires qui les rendirent maître d’un Etat vaste de 1 million de Km2 au moins. C’est avec cet empire que commence l’Epoque Impériale africaine.
Le nom premier Wagadou sera progressivement substitué par Ghana, qui signifie or, nom donné par les Berbères qui à cette époque étaient à prédominance noire. Après avoir obtenu de haute lutte l’indépendance pour son pays, le président Kwame Nkrumah nomma son pays Ghana, en hommage à ce brillant Etat ancien, même si l’actuel et l’ancien Ghana ne partagent aucun territoire commun.
L’organisation de Wagadou
Une des dynasties royales connues était celle des Sarakollé-Cissé. Dans la pure tradition africaine, la transmission du pouvoir à Ghana était matrilinéaire, c’est le fils de la sœur du roi qui montait sur le trône. Kanissa-aï, empereur du 7e siècle, choisit la ville de sa mère comme capitale. L’empereur Tenka Menin au 11e siècle, avait succédé à son oncle maternel Bessi et son neveu utérin était son héritier désigné.
Le roi était à la tête d’un gouvernement avec des ministres. Il avait des gouverneurs qui régnaient sur les grandes villes. Il existait un système d’impôts élaboré, qui taxait les échanges commerciaux et les biens des habitants, apparemment surtout étrangers.

La principale richesse de l’empire provenait de l’exploitation de l’or, qui était d’une abondance à peine imaginable aujourd’hui, au point que ce métal n’aura presque plus de valeur. Wagadou sera confondu à l’or. Le voyageur arabe Ibn Hawkal, qui avait pourtant visité le monde arabe, l’Asie et l’Europe, n’hésitait pas à dire à l’époque de l’empereur « C’est le plus riche du monde à cause de l’or » [2]. Wagadou était-il comme Mali après lui le pays le plus riche au monde ?
Les produits agricoles et d’élevage étaient présents en grande quantité. La verdure, les bois, des rivières, des lacs étaient partout. La monnaie d’échange dans les grouillants marchés était de la poudre d’or. Le pays était défendu par 200 000 soldats dont 40 000 archers. Sa richesse et sa force étaient connues jusqu’à Bagdad, alors capitale du monde arabe et ville la plus importante au monde.
La vie du Kaya Magan ou Tounka Ra (empereur) était aussi réglementée que celle du pharaon d’Egypte : le matin il faisait le tour de sa capitale, à cheval, suivi de toute une cour, précédé par des girafes et des éléphants… n’importe quel plaignant pouvait alors s’adresser pour lui soumettre son cas qu’il réglait aussitôt. L’après-midi, il parcourait le même itinéraire, seul, sans que personne ne puisse lui adresser la parole.
L’architecture de l’empire de Wagadou
Le savant arabe d’Espagne Bekri nous a laissé une description des villes de Ghana au 11e siècle. Il parle littéralement, d’après l’historien african-américain Chancellor Williams, de villes de pierre. Il y avait deux grandes villes dont une habitée par des jurisconsultes, des savants, des marchands arabes et berbères. Elle était à six mille lieux de la capitale vitaliste (animiste), qui était entourée de bois sacrés ou étaient enterrés les rois, et gardés par les prêtres vitalistes.
L’empereur vivait dans un château fortifié, paré de sculptures, de peintures et possédant des vitres !! Il s’asseyait sur un trône d’or rouge pour regarder 10 000 de ses sujets invités à prendre le repas chaque jour dans le palais. On imagine la grandeur d’un palais qui peut recevoir 10 000 convives !!!!!


Ce chiffre de 10 000 est peut être exagéré mais il laisse entendre que le palais était gigantesque. Les deux grandes villes étaient reliées par une grande avenue bordée de maisons en pierre et en bois.
En 1914, les fouilles des chercheurs français ont mis à jour les vestiges de cette civilisation sous les sables de la Mauritanie et on a pu décrire, d’après l’historien Burkinabé Joseph Ki-Zerbo, des murs construits en bloc de schistes et élevés avec des angles d’une grande exactitude, renforcés par des piliers. Des rues au tracé net et des rues secondaires. Le sol de toutes les pièces minutieusement dallé avec de grandes plaques de schistes de deux mètres de longueur. Un escalier conduisant au premier ou au second étage.
La luxueuse vie de cour à Wagadou
Bekri toujours nous dit de la royauté à Wagadou « L’empereur, l’héritier présomptif, les dignitaires se couvraient littéralement d’or. Les pages, les chevaux, les chiens du Tounkara ou Kaya Magan en étaient également couverts. Seul lui et l’héritier (le fils de sa sœur) ont le droit de porter des habits taillés et cousus. Les autres personnes qui suivent la même religion que le Tounkara, c’est-à-dire la tradition – portent des pagnes de coton, de soie, ou de brocart selon leurs moyens. Les hommes avaient la barbe rasée et les femmes se rasaient la tête. La coiffure du roi était composée de plusieurs bonnets dorés entourés d’étoffes de coton très fines.

Lorsqu’il donne audience au peuple, afin d’écouter ses griefs pour y remédier, il trône à l’intérieur d’un pavillon autour duquel sont rangés dix chevaux couverts de caparaçons en étoffes d’or. Derrière lui se tiennent dix pages portant des boucliers et des épées montées en or ; les fils des princes de son empire se tiennent à sa droite vêtus d’habits magnifiques et ayant les cheveux tressés et entremêlées avec de l’or. Le gouverneur de la ville est assis par terre devant le roi et, tout autour se tiennent des vizirs, c’est-à-dire les ministres, dans la même position. La porte du pavillon est gardée par des chiens d’une race excellente qui ne quittent presque jamais le roi : ils portent des colliers d’or et d’argent, garnis de grelots de mêmes métaux.
Le bruit d’un tambour (deba) fait d’un morceau de bois creusé, annonce l’ouverture de la séance. Le peuple accourt, bat des mains, se jette de la poussière sur la tête et expose ses doléances. »[3]

Les causes du déclin de Wagadou
Le déclin de l’empire commença au 11e siècle. La première cause fut la sècheresse. La magnifique verdure dont parlait Bekri avait laissé place à un désert. La deuxième cause fut l’invasion du pays par le mouvement Almoravide des Noirs Berbères islamisés, qui y ont commis pillage et exactions sur une période de près de 10 ans, affaiblissant gravement l’empire.
La troisième fut l’islamisation des élites et par conséquent la rupture avec la transmission matrilinéaire du pouvoir. La succession harmonieuse avait laissé place à des guerres de pouvoir. La même islamisation avait créé un fossé entre l’élite et le peuple demeuré vitaliste. L’islamisation forcée du peuple fut un échec et celui-ci commença à fuir le pays. Le pouvoir affaibli perdit la mine d’or de Wangara, diminuant considérablement sa richesse.
C’est un empire à l’agonie, en proie aux négriers arabo-musulmans, qui fut conquis par Soundjata Keita en 1240, qui fonda l’Etat le plus puissant de l’époque impériale et le plus riche au monde : Mandeng (l’empire du Mali).
Hotep !
Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction du texte de cet article est interdite)
Notes :
- Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo.
- L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop
- The destruction of black civilization (la destruction de la civilization noire), Chancellor Williams
- [1] Soninkara
- [2] Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo, 106
- [3] L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop, 82 et 83