La mort du roi en Afrique : le décès d’Horus

Quand le souverain rendait l’âme dans l’Afrique ancienne, un chaos généralisé s’emparait de tout le pays. Nous allons vous dire quel fut le sens profond de ce comportement.

« Le monde est gâté. Le pays est fini ». C’est ce que criaient les Mossi du Burkina Faso ou les Shillouk du Soudan à la mort du roi. L’anarchie sociale la plus totale s’installe, les détenus s’évadent sans que personne n’essaie de les arrêter. Les criminels commettent leurs forfaits sans être punis. Tout le monde pense que les femmes vont arrêter d’enfanter, que la sécheresse va s’abattre, qu’il n’y aura plus de récolte, que la pauvreté et les maladies vont frapper le pays.

Le chaos règne partout, le sentiment d’apocalypse traverse chaque esprit, et l’ordre ne revient que lorsque le nouveau roi est intronisé.

Image de chaos dans l’Afrique ancienne
Extrait de la BD « Soundjata, la bataille de Kirina » de Djehouty Biyong

Ces comportements, on les retrouvait également dans l’empire Songhaï ou en Ethiopie. Au Monomotapa (Zimbabwe) et en Egypte ancienne, le roi était vu comme garant de la fertilité des femmes et des plantes, gardien de la prospérité du peuple. Ces idées et comportements étaient exprimés à des degrés divers par tous les Africains.

Il s’agissait là d’une mise en scène inconsciente, aussi inconsciente que celle des femmes qui se roulent par terre et hurlent lors des deuils aujourd’hui, sans savoir qu’elles théâtralisent le mythe d’Isis et Osiris.

La fonction ontologique du roi en Afrique 

Comme nous l’avons expliqué très en détail dans notre article sur la Religion Africaine, chaque roi du continent est la réplique d’Horo (Horus). Horus est le fils d’Imana/Amen (Dieu). Horo a vaincu le mal stérile (Souté) au commencement. Il représente donc le bien fertile. Et grâce à sa victoire, l’ordre (Maât) a pu avoir le dessus sur le désordre (Isfet). Horo, qui est Naba Maât (le maître de la Maât), est donc garant de la fertilité et de l’ordre.

Tant que Horo vit, la fertilité des humains et de la nature est assurée et l’ordre règne. Le règne est un combat perpétuel contre les forces maléfiques de Souté et d’Isfet.

Horo doit avoir le plus de parcelle divine en lui, c’est-à-dire d’Energie, pour mener à bien sa mission. Il est celui qui a le plus de force divine dans tout le royaume. L’affaiblissement de la force du roi par les maladies ou les blessures signifie donc une victoire possible de Souté et d’Isfet. Le souverain au Cayor (Sénégal) ne pouvait par exemple pas régner avec des blessures.

Tous les 8 ans, le roi doit prouver qu’il a suffisamment d’Energie en lui pour continuer sa mission. Au cours d’une cérémonie, sa force est régénérée et il continue à régner. Au Nigeria, on tuait simplement le roi après un certain temps car on estimait qu’il était affaibli. En Egypte ancienne et au Soudan ancien, chez les Yoruba, les Haoussa, en Ouganda, au Rwanda etc… existaient le rituel de régénération de la force du roi ou de sa mise à mort réelle ou fictive.

Lorsque le roi fini par mourir naturellement, c’est la défaite d’Horus et de Maât, et la victoire de Souté (la stérilité) et d’Isfet (le désordre). Les forces du mal triomphent et rien ne peut les arrêter. C’est pourquoi on pensait que le monde était fini, que la stérilité avait frappé le pays et le désordre avait pris le dessus. C’est ce qui explique ces comportements qu’on retrouvait aux 4 coins du continent.

Horo portant la double couronne de la haute et la basse Egypte
L’animal totémique du fils de Dieu est un oiseau : ici un faucon
L’animal totémique du roi au Mali, en Somalie, chez les Yoruba, au Monomotapa et à Madagascar était également un oiseau

La mort du roi en Afrique ancienne signifiait donc le défaite des forces du bien (Horus, Maât), et la victoire des forces du mal (Souté, Isfet). D’où l’intense désordre social et le retour à la normale lors de l’intronisation du nouvel Horus.

Hotep !

Par : Lisapo ya Kama © (Tous droits réservés. Toute reproduction de cet article est interdite sans l’autorisation de Lisapo ya Kama)                        

Notes :

  • L’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop
  • Histoire de l’Afrique noire, Joseph Ki-Zerbo
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